Eglises d'Asie

Moluques : l’accord de paix signé le 12 février dernier se concrétise mais les réfugiés chrétiens n’osent pas rentrer chez eux tant que les hommes du Laskar Jihad sont toujours présents

Publié le 18/03/2010




A Amboine, chef-lieu de la province des Moluques, la vie reprend peu à peu un cours normal et la ville n’est plus coupée en deux comme elle l’a été pendant presque trois ans. Les chrétiens ne craignent plus désormais de traverser les zones contrôlées par les musulmans et vice-versa. Afin d’enquêter sur les violations des droits de l’homme et pour assurer le respect de la loi, le gouverneur de la province a créé le 20 mars dernier une équipe d'”Administration de l’état d’urgence civil”, composée de civils et de membres des forces de sécurité, l’appareil judiciaire n’étant pas encore en mesure de fonctionner normalement. Le maire de la ville d’Amboine a annoncé que les services municipaux qui avaient été dédoublés, pour servir d’un côté les chrétiens, de l’autre les musulmans, allaient être réunifiés. Les fonctionnaires qui refuseraient cette évolution seront sanctionnés, a-t-il ajouté.

Le seul véritable accroc à l’atmosphère de paix créée par l’accord de paix du 12 février dernier (1) a été le meurtre d’un chrétien et de sa fille. Alexander Puasa, 46 ans, et sa fille, Netty, 15 ans, ont en effet été retrouvés assassinés au matin du 17 mars alors qu’ils étaient partis la veille cultiver leurs champs, non loin du village de Wayame. Selon le Centre de crise du diocèse catholique d’Amboine, ce double meurtre ne serait pas à mettre au compte des violences intercommunautaires qui ont dressé chrétiens et musulmans les uns contre les autres pendant trois ans mais plutôt d’une augmentation très sensible de la criminalité.

Selon les observateurs, un des tests de la viabilité de l’accord de paix signé à Malino va être le retour des réfugiés dans leurs villages d’origine. Le gouvernement indonésien voudrait voir ces retours organisés au plus vite. Dans la province des Moluques septentrionales, où le rétablissement de la paix est antérieur à la signature de l’accord de Malino, près de 50 000 personnes sont déjà revenues dans la province ou ont quitté les camps de déplacés ; les autorités s’apprêtent à organiser le retour d’environ 10 000 autres dans les jours qui viennent. Il resterait cependant environ 85 000 réfugiés ailleurs. Pour la province des Moluques, le problème semble plus délicat. Interrogé par l’agence Ucanews (2), des chrétiens moluquois réfugiés à Manado, sur l’île de Célèbes, ont en effet déclaré qu’ils ne repartiraient pas, en dépit des mesures que les autorités locales prennent pour les y encourager, tant que les hommes du Laskar Jihad seront présents aux Moluques.

Selon Altje Lantemona, un réfugié interrogé à Manado, “tant que les combattants musulmans [du Laskar Jihad] seront là-bas, je ne suis pas prêt à retourner. Il est sans doute impossible de garantir la sécurité tant que ces étrangers aux Moluques refuseront de quitter les Moluques”. Pour une réfugiée, protestante, âgée de 72 ans, “la réconciliation entre les musulmans et les chrétiens des Moluques est possible dès lors que les combattants du djihad ne s’en mêlent pas”. De fait, la question du départ des hommes du Laskar Jihad des Moluques n’a jamais été véritablement tranchée. L’accord de Malino prévoit leur désarmement, à l’instar de celui de tous les combattants présents aux Moluques. La date limite pour la remise des armes sur une base volontaire expire le 1er avril 2002 et on ne sait pas encore si les forces armées vont réellement contraindre ceux qui refusent de déposer les armes à le faire.

Outre la question de la présence d’hommes du Laskar Jihad, les réfugiés présents à Célèbes ont aussi indiqué qu’ils étaient réticents à repartir chez eux étant donné l’absence de perspective économique dans l’archipel des Moluques. Andi Tuuk, un réfugié originaire du village de Ngawet, dans les Moluques septentrionales, a ainsi déclaré qu’il était reparti avec sa femme chez lui mais que tous deux avaient décidé de revenir à Célèbes du fait du chômage qui sévit aux Moluques. Et ce malgré le fait que les chrétiens et les musulmans de son village aient chassé le Laskar Jihad de Ngawet, a-t-il précisé.