Eglises d'Asie – Vietnam
Trois journalistes de l’organe de presse le plus lu au Vietnam sanctionnés pour crime de lèse-majestéPRIVATE
Publié le 18/03/2010
On se doutait sans en être assuré que l’affaire avait eu des conséquences et que les responsables du sondage avaient été sanctionnés. La confirmation est venue le 13 mars dernier. Lors d’une conférence de presse accordée au journal Lao Dông ( Le travail’) (2), M. Dô Quy Don, directeur du département de la presse au ministère de la Culture et de la Communication, faisait allusion à une sanction prise contre le rédacteur en chef de la revue Tuôi Tre, Lê Van Nuôi, et contre ses deux adjoints. Dans un éclaircissement fourni et publié en bref le lendemain dans le même journal (3), le département de presse faisait savoir que les trois journalistes avaient été jugés sévèrement « pour une grave erreur contenue dans un article concernant le travail de propagande En conséquence, les trois intéressés n’avaient pas – provisoirement – reçu leurs cartes de journalistes lors du dernier renouvellement. Selon une source intérieure au journal Tuôi Tre, rapportée par l’agence Reuters (4), les trois journalistes qui avaient une carte de journaliste valable jusqu’au mois de juin 2001 n’en auraient pas demandé le renouvellement.
Un journal de la diaspora vietnamienne, Nguoi Viêt (5), édité aux Etats-Unis, qui s’appuie sur des sources journalistiques vietnamiennes, suggère que cette version des faits est peu vraisemblable. Le règlement officiel prévoit que la carte de journaliste est renouvelée tous les cinq ans par le ministère de la Culture et de la Communication. Lorsque vient la date fixée, c’est le rédacteur en chef de chaque journal qui fournit au ministère la liste de ses journalistes pour le renouvellement de leur carte. Les cartes des trois journalistes sanctionnés étaient valables du mois de mars 1996 au mois de mars 2001. Pour des raisons bureaucratiques, l’échéance du renouvellement a été reportée au mois de juin 2001. Il est peu vraisemblable, affirme le journal, que le responsable de Tuôi Tre se soit oublié lui-même ainsi que ses deux adjoints sur cette liste.
Ce n’est pas la première fois que les responsables de la revue Tuôi Tre ont maille à partir avec la censure. Le précédent rédacteur en chef, Mme Kim Hanh, avait été destitué de son poste pour avoir laissé passer dans son journal un article parlant de la vie amoureuse de Hô Chi Minh, jugé irrespectueux. Bien que le journal soit l’organe du très officiel mouvement de la jeunesse communiste, il s’est acquis une certaine popularité à Hô Chi Minh-Ville par les histoires sensibles qu’il ose traiter de temps en temps. Alors que le Nhân Dân, organe officiel du Parti communiste vietnamien, ne tire qu’à 150 000 exemplaires, dont beaucoup sont envoyés gratuitement aux divers services, Tuôi Tre, avec 280 000 exemplaires (davantage encore pour son supplément du dimanche) bénéficie du lectorat le plus important du pays.
La sanction imposée aux trois journalistes de Tuôi Tre n’est que l’une des multiples pénalités et censures infligées aux rédacteurs et responsables de presse par le département de la presse (Vu Bao Chi) officiellement chargé de les contrôler. Dans l’interview du 13 mars, son directeur, M. Don, faisait le bilan suivant. Pour les quatre dernières années, de 1998 à 2001, de nombreuses fautes de gravité diverse ont été sanctionnées. La permission de paraître a été retirée définitivement à un quotidien, à quatre revues et à 66 bulletins. Une interdiction temporaire de parution a été infligée à trois quotidiens, deux revues, et quatorze autres publications. Seize journalistes ont fait l’objet d’un blâme et seize autres ont reçu un avertissement. Dix-neuf d’entre eux se sont vus retirer la carte de journaliste (6).