Eglises d'Asie

UN PROJET PASTORAL POUR LA COMMUNAUTE DES CATHOLIQUES CHINOIS DU PEROU

Publié le 18/03/2010




Ucanews : Dans quelles circonstances la communauté catholique chinoise de Lima est-elle apparue ?

Mgr Travaglia : La population chinoise du Pérou est estimée à environ 500 000 personnes et plus de 2,5 millions de Péruviens ont des ancêtres chinois. Les Chinois, venant principalement de la province du Guangdong dans le sud de la Chine, ont commencé à arriver en 1849 pour prendre la place des esclaves africains. Au Pérou, où 89 % des 27 millions d’habitants sont catholiques, la plupart des Chinois arrivés avant 1970 sont baptisés. Ceux qui sont arrivés après cette date ont pu observer l’exemple donné par de nombreux catholiques et n’ont pas été impressionnés. Pourtant, chaque année, des adultes, aussi bien que des étudiants de l’école sino-péruvienne Jean XXIII, reçoivent le baptême.

Qu’est-ce que « l’école sino-péruvienne Jean XXIII ?”

L’école chinoise du Pérou a été fondée en 1962 par l’évêque italien Orazio Ferruccio Ceol, premier évêque de Kichow (Qichun), dans la province du Hubei, en Chine centrale. Après avoir été expulsé par les communistes en 1952, l’évêque Ferruccio a été envoyé au Pérou en 1954 afin de travailler au milieu des migrants chinois. L’école a été fondée avec l’aide de Jean XXIII afin d’aider les familles chinoises à vivre leur foi et d’évangéliser les parents chinois au travers de leurs enfants. (NDLR : Mgr Ceol, franciscain, avait été condamné à mort, mais la sentence fut commuée en expulsion immédiate.) Notre école compte environ 1 900 élèves répartis entre les sections maternelles, primaires et secondaires. Un peu plus de 80 % d’entre eux ont des ancêtres chinois. Ils reçoivent tous un enseignement de base en mandarin, mais seuls quelques-uns sont capables de maîtriser cette langue. En ce moment, nous voulons installer un laboratoire de langue chinoise avec système informatique, pour nos étudiants mais aussi pour les cours du soir. Pour cela, nous sommes soutenus par le service culturel de l’ambassade de Chine à Lima, et nous espérons finaliser des accords avec une université et un institut de Pékin pour ceux de nos élèves qui souhaitent améliorer leur niveau de chinois et vivre là-bas pour un certain temps. Il y a une autre école appelée Ecole technique sino-péruvienne de Saint-François d’Assise. Elle est ainsi nommée car la construction a été soutenue par la communauté chinoise et est rattachée à la nôtre. Elle est située dans une partie très pauvre et dangereuse de Lima, en banlieue. Pour un effectif total de 800 élèves, nous offrons 100 petits-déjeuners et environ 400 repas de midi aux plus pauvres. La situation est désormais très difficile en raison de l’augmentation du chômage au Pérou, mais la providence nous aide à poursuivre notre témoignage.

A quels genres de problèmes la communauté chinoise de Lima doit-elle faire face ?

Je remarque que les Chinois souffrent des mêmes problèmes que la société péruvienne tels que le chômage et l’augmentation de la pauvreté essentiellement causée par les effets de la mondialisation. Lorsque les Chinois sont arrivés, ils ouvraient des petits magasins et des restaurants, et travaillaient sans compter les heures. Grâce à ces efforts, leurs enfants pouvaient accéder aux meilleures écoles et universités. Ils voulaient qu’ils deviennent des professionnels, et aujourd’hui nous pouvons voir de nombreux Chinois à des postes importants, tel Luis Chang qui est ministre des Transports et de l’Habitat. En cette période de mondialisation, il est plus difficile de démarrer une entreprise, tout est différent.

Y a-t-il des problèmes propres aux Chinois du Pérou ?

Je pense que les nouveaux arrivants rencontrent deux nouveaux types de difficultés. Ils viennent au Pérou dans l’espoir d’y rester pour une courte période et se rendre ensuite en Amérique du Nord. Pour eux, le Pérou n’est qu’une étape leur permettant de rejoindre le nord. Parmi ceux qui sont arrivés ces dernières années, nombreux sont ceux qui ne savent pas comment gérer leur liberté. Au lieu de donner ce qu’il y a de mieux pour l’éducation de leurs enfants, et construire leur avenir, ils perdent le peu d’argent qu’ils possèdent dans les jeux de hasard. Leurs enfants souffrent de pauvreté et nous devons alors prendre en charge leur scolarité. Certains n’accordent pas beaucoup d’importance à une bonne éducation. Même si nous offrons les frais de scolarité, ils préfèrent envoyer leurs enfants dans les écoles publiques où ils n’ont pas besoin de payer les frais de transport par bus, et les classes sont plus courtes. Seuls quelques-uns de ceux qui sont arrivés de Chine ces dernières années se soucient de la religion, même s’ils viennent régulièrement me voir pour me demander de bénir leur restaurant ou leur maison. Chaque année, je célèbre entre 15 et 20 baptêmes d’enfants et d’adultes. Nous essayons de semer la Parole de Dieu et de proposer l’enseignement de l’Eglise, attendant que Dieu fasse ce qu’Il souhaite.

Les catholiques chinois sont-ils actifs au sein de l’Eglise au Pérou ?

Parmi les Chinois de deuxième et troisième générations, s’exprimant en espagnol, nombreux sont ceux qui animent des mouvements catholiques. Récemment, un groupe appelé Bonheur des Cieux a été créé. Ce groupe a un vrai dynamisme et travaille à l’évangélisation. Ils viennent tous les dimanches à la messe où nous avons des liturgies en espagnol et en cantonais. Ils ont ensuite leur réunion d’approfondissement de la foi. Tous les deux mois, ils organisent des célébrations spéciales et festives. La dernière a regroupé environ 180 Chinois. Ils sont en relation avec les Amis de la Passion de Jésus, un groupe dirigé par un prêtre de l’Institut pontifical des Missions Etrangères (PIME) à Hongkong, le P. Giovanni Giampietro. Ce dernier nous a rendu une visite en juillet dernier et nous a aidé à établir un programme d’évangélisation.

Comment les catholiques chinois ont-ils réagi à l’annonce de votre nomination ?

J’ai noté une pointe de fierté un peu spéciale parce que je viens de leur communauté. C’est à cause d’eux et en raison de leur statut de minorité dans l’Eglise que j’ai été choisi.

Nous savons que vous êtes aussi estimé dans le milieu de l’éducation. Quels sont vos engagements ?

J’ai été président du Regroupement des Centres d’Education catholique du Pérou pendant neuf ans. Cela représente environ 900 écoles dans le pays. En qualité de responsable des écoles Jean XXIII et Saint-François d’Assise, cela signifie que j’en ai la responsabilité directe et en suis le représentant légal. J’ai été président de la Confédération inter-américaine pour l’éducation catholique pendant trois ans, jusqu’en décembre dernier. Il s’agit d’une organisation regroupant 23 fédérations d’écoles catholiques d’Amérique, forte de plus de 14 millions d’élèves répartis du Canada à l’Argentine. Ce poste rejoint aussi celui de conseiller auprès de l’Organisation mondiale des Ecoles catholiques. Le point commun entre ces diverses responsabilités a été et est le souci de l’éducation catholique, pour la défendre et promouvoir une éducation fondée sur les valeurs humaines, tout en gérant les systèmes éducatifs et économiques, en accordant la préférence aux plus pauvres. Vraiment, au cours de ces vingt dernières années, ma préoccupation première a été l’éducation catholique, que ce soit au sein des établissements scolaires dont j’ai eu la responsabilité ou au sein des différentes organisations dont j’ai pu faire partie.