Eglises d'Asie

L’asile donné par les Etats-Unis aux 900 Montagnards réfugiés au Cambodge ne va pas forcément mettre un terme à l’exode des Montagnards

Publié le 18/03/2010




Dans la partie de bras de fer opposant le Haut Commissariat aux réfugiés des Nations Unies et le Vietnam au sujet du rapatriement des Montagnards réfugiés au Cambodge, un coup de théâtre retentissant avait eu lieu, le 23 mars dernier, lorsque l’organe des Nations Unies avait officiellement annoncé, depuis Genève, qu’il se retirait de l’accord tripartite signé entre le Vietnam, le Cambodge et lui-même pour le rapatriement des Montagnards (1). La décision faisait suite à une incursion de 400 Vietnamiens dans un des camps de réfugiés placé sous la responsabilité des Nations Unies, une incursion destinée à faire pression sur les pensionnaires. Par ailleurs, plusieurs groupes de plusieurs dizaines de Montagnards avaient été anormalement rapatriés et remis aux autorités vietnamiennes sur les Hauts Plateaux par les soins de la police cambodgienne.

Un nouveau rebondissement tout aussi subit qu’inattendu a eu lieu, le 26 mars suivant. On apprenait ce jour-là que non seulement l’idée de rapatriement était abandonnée mais que les EtatsUnis avaient décidé d’accueillir comme réfugiés les quelque neuf cents pensionnaires des deux camps situés dans les provinces de Mondolkiri et de Rathanakiri. La proposition avait été rendue publique après deux jours de discussions entre l’ambassadeur des Etats-Unis à Phnom Penh, Kent Wiedemann, et le Premier ministre cambodgien, Hun Sen, assisté d’autres responsables. Apparemment, le gouvernement vietnamien a été pris de court par la proposition américaine. Le jour même, Mme Phan Thuy Thanh, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, se montrait décontenancée, déclarait n’avoir pas d’information sur les intentions américaines et, indirectement, refusait aux Montagnards exilés le statut de demandeur d’asile puisqu’elle les qualifiait de personnes ayant franchi illégalement la frontière. Elle ajoutait que les Montagnards rapatriés ne faisait l’objet d’aucune sanction, discrimination ou poursuite en justice. De son côté, l’ambassadeur du Vietnam au Cambodge laissait entendre que l’installation des réfugiés Montagnards aux Etats-Unis ne ferait qu’encourager l’exode de leurs compatriotes vers le Cambodge dans l’espérance de pouvoir eux aussi s’exiler en Amérique.

C’est le gouvernement cambodgien en premier qui, après s’être tenu dans l’expectative pendant quelques jours, a donné son accord au projet d’installation aux Etats-unis des Montagnards vietnamiens hébergés dans son pays. Le 31 mars 2002, Hun Sen a fait savoir que le gouvernement du Cambodge offrait la possibilité aux réfugiés des minorités ethniques de se réinstaller aux Etats-Unis s’ils le souhaitaient. Il ajoutait qu’il y avait deux portes de sortie pour eux : l’une vers les Etats-Unis, l’autre étant leur retour au Vietnam. Il ajoutait que, après cela, les Montagnards ne seraient plus autorisés à entrer au Vietnam et que les camps seraient fermés.

Après avoir manifesté à plusieurs reprises son irritation à l’égard de la décision des Etats-Unis, le gouvernement vietnamien a finalement accepté que ses ressortissants réfugiés au Cambodge partent s’installer dans un pays tiers sous la protection de l’ONU. Tout en critiquant le Haut Commissariat pour avoir “unilatéralement suspendu l’application de l’accord tripartite la porte-parole des Affaires étrangères a déclaré, le 31 mars, que “le Vietnam estime que cette question doit être réglée rapidement dans un esprit humanitaire, sans la politiser”. Le 2 avril, le Département d’Etat a renouvelé sa promesse de réinstaller aux Etats-Unis les actuels pensionnaires des camps cambodgiens. Cette promesse, a dit son porte-parole, concerne tous ceux qui sont qualifiés pour cette réinstallation et qui la souhaitent. Cependant, le même jour, un communiqué des Affaires étrangères vietnamiennes exprimait la crainte que l’initiative américaine en faveur des Montagnards ne soit, à long terme, destinée à nuire aux intérêts du Vietnam et du Cambodge.

Le conflit entre le Vietnam, le Cambodge d’un côté et les Nations Unis de l’autre au sujet de l’exode des habitants des Hauts Plateaux vers le Cambodge est-il pour autant terminé ? Il est probable que non. Le Cambodge en accord avec son voisin le Vietnam a décidé de verrouiller sa frontière, de refouler immédiatement les “migrants illégaux” et de fermer les deux camps d’hébergement actuellement ouverts. Or, l’agence des Nations Unies a déclaré publiquement que, selon elle, le Cambodge doit continuer de donner asile aux Montagnards fuyant leur pays. Un haut fonctionnaire du Haut Commissariat s’est ainsi prononcé : “Nous attendons du Cambodge qu’il remplisse ses obligations internationales en tant que signataire de la Convention sur les réfugiés de 1951.”