Eglises d'Asie

Le Centre de service social du diocèse catholique de Bui Chu reflète un certain état de l’évolution de la société vietnamienne

Publié le 18/03/2010




A partir des difficultés rencontrées au cours de leur travail au service des secteurs les plus démunis de la société, un certain nombre de militants chrétiens du Centre de service social du diocèse de Bui Chu au Nord-Vietnam portent un jugement critique sur l’évolution morale et psychologique de la société qui les entoure. Ils la qualifient d’apathique et d’égoïste. Pour justifier leur jugement ils soulignent un certain nombre de caractéristiques sociales actuelles observées par eux (1).

Marie Nguyên Thi Kinh, la principale responsable du centre, tout en déclarant sa joie de travailler au service des enfants, voit dans le nombre de plus en plus élevé d’enfants abandonnés la marque d’une société de plus en plus insensible aux exigences morales ordinaires. En effet, le nombre des enfants délaissés et confiés aux bons soins des organisations de bienfaisance n’a cessé d’augmenter au cours des années récentes. Le Centre de Bui Chu en a recueilli onze pour l’année 2001, le double du nombre des enfants recueillis l’année précédente. Ce n’est qu’une toute petite partie de l’ensemble des enfants abandonnés par leurs parents, dont beaucoup ne peuvent trouver de place dans les diverses institutions spécialisées dans cette tâche à l’intérieur de la province, qu’elles soient publiques ou privées.

A l’heure actuelle, le Centre diocésain, dont le P. Joseph Pham Ngoc Oanh est le directeur, entretient avec ses faibles moyens plus de 50 orphelins, près de 16 autres enfants handicapés mentaux et atteints de poliomyélite, ainsi que 22 personnes âgées impotentes. Les enfants sont souvent trouvés à l’intérieur des trains, dans des gares, sur les trottoirs ou encore dans des dépôts d’ordures où leurs mères, des prostituées ou des jeunes filles célibataires et sans ressources, les ont déposés. Quelques enfants sont directement portés au centre, généralement à partir de l’âge trois mois. En réalité les enfants recueillis ne sont pas seulement sans parents ou abandonnés par eux, ils souffrent également de divers handicaps ou malformations de naissance, parfois dues à l’agent orange répandu sur les forêts vietnamiennes par les militaires américains au cours de la dernière guerre du Vietnam. Ceci explique que beaucoup de ces enfants ne dépassent pas l’âge de quinze ans. En témoigne le cimetière de l’institution qui malgré ses 3 600 m n’a presque plus de place libre.

Cet afflux nouveau d’enfants abandonnés dans les centres sociaux tient en grande partie, pensent les travailleurs sociaux du Centre, à la pauvreté et à la faim qui, en dépit des réformes économiques récemment mises en œuvre par le gouvernement, sévissent encore dans les zones rurales de la province de Nam Dinh où se situe le diocèse de Bui Chu. Les familles paysannes y cultivent des lopins de terre d’une superficie moyenne de 300 m qui leur rapportent environ deux millions de dôngs par personne et par an, alors que le revenu annuel dans les villes approche les quinze millions de dôngs. Depuis que le Vietnam a adopté l’économie de marché, l’écart entre les riches et les pauvres, entre la population des campagnes et celle des villes n’a cessé de s’agrandir. Les divers programmes de lutte contre la pauvreté lancés par le gouvernement, ces dernières années, n’ont gère apporté de résultats significatifs. A ce dénuement des campagnes, il faut ajouter un certain nombre de fléaux sociaux, auxquels la récente libéralisation économique a donné un plus libre cours : la multiplication des divorces, la diffusion de la consommation de drogues, le trafic des femmes et des enfants, le relâchement des mœurs, très sévères autrefois dans le Nord-Vietnam.

Voilà 147 ans que le Centre de service social Duc Anh de Bui Chu, continue son œuvre contre vents et marées, fidèle à ses objectifs premiers, à savoir l’éducation des enfants abandonnés et le service des personnes isolées ou handicapées. La maison fut fondée en 1852 par l’évêque espagnol, Mgr Diaz Sanjurio, martyrisé, le 20 juillet 1857, et canonisé en 1988 par le pape Jean-Paul II. Des statistiques dressées en 1916 estimaient, qu’à cette époque, le centre Duc Anh avait déjà élevé plus de 2 000 enfants abandonnés ou de familles pauvres. Après une période de vicissitudes, l’établissement commença à connaître un nouvel essor à la fin de la guerre en 1975. A cette époque, rapporte le P. Joseph Pham Ngoc Oanh, la maison fut restaurée. On y construisit quelques salles supplémentaires et on y ajouta un certain nombre d’équipements. Aujourd’hui, une quarantaine de personnes s’occupent des pensionnaires jeunes et vieux de Duc Anh. Un grand nombre d’entre elles appartiennent à la congrégation du Sacré Cœur ; les autres sont des dames vivant dans la maison depuis de longues années ou des volontaires plus jeunes (2).