Eglises d'Asie

Moluques : un attentat à la bombe, qui a fait sept victimes – de confession chrétienne -, souligne la fragilité de la paix et la difficulté à mettre en œuvre tous les points de l’Accord de Malino

Publié le 18/03/2010




Le 3 avril dernier, l’explosion d’une bombe de forte puissance, jetée depuis une voiture en fin de matinée dans un quartier chrétien de la ville d’Amboine, a fait craindre un temps que l’accord de paix pour les Moluques, signé à Malino, sur l’île de Célèbes, le 12 février dernier (1), soit en péril. En effet, après l’explosion de la bombe, qui a fait sept morts – tous chrétiens – et une soixantaine de blessés, dont plusieurs gravement atteints, une foule composée de chrétiens s’est dirigée vers les bureaux du gouverneur de la province et y a mis le feu, le détruisant en grande partie (2). Ces événements ont laissé penser un moment que le cycle des violences ne reparte comme avant la signature de l’accord de paix (3). Cependant, bien que la situation reste tendue dans la ville d’Amboine, aucun autre incident grave n’a été à déplorer depuis. Selon Ferry Wattimury, responsable de communautés chrétiennes et un des signataires de la Déclaration de Malino II, l’attentat du 3 avril “n’a pas été perçu comme étant une attaque dirigée contre les chrétiens. Les gens savent ici que c’était une tentative visant à faire dérailler le processus de paix. Ils n’ont donc pas cherché à se venger en attaquant les musulmans. Dans le passé, un tel incident aurait provoqué des troubles bien plus graves et entraîné des combats pendant des jours”. Son analyse est partagée par Daud Sangadji, musulman et signataire lui aussi de l’accord de Malino : “Les gens en ont assez de se battre. Ils sont devenus plus conscients et ne se laissent pas aisément emporter par la provocation.”

Le 7 avril, une importante délégation gouvernementale est arrivée de Djakarta pour faire le point sur la situation et affirmer la volonté de la présidente Megawati de voir l’accord de paix appliqué. Emmenée par les deux ministres qui ont joué un rôle-clef dans la signature de l’accord du 12 février, Susilo Bambang Yudhoyono, ministre des Affaires politiques et de sécurité, et Yusuf Kalla, ministre des Affaires sociales, la délégation comprenait 38 personnes dont les plus hauts responsables de la police et de l’armée. Dans l’après-midi du 7 avril, les membres de la délégation ont assisté à la destruction de plus de 9 000 armes artisanales, brûlées sur la Place de l’indépendance (Lapangan Merdeka), à Amboine, des bombes étant par ailleurs détruites en mer et des armes régulières remises à la police et à l’armée.

Dans la soirée de cette même journée, la délégation gouvernementale a reçu à la résidence du gouverneur de la province les 70 signataires de l’accord de paix (35 chrétiens et 35 musulmans). Selon Mgr Mandagi, évêque catholique d’Amboine, qui était du nombre, les deux groupes de Moluquois ont donné un témoignage de réelle unité aux représentants de Djakarta. Ils se sont plaints d’une seule voie du fait que le gouvernement indonésien n’accorde pas assez d’importance aux accrocs qui ont été commis à l’encontre de l’accord de paix, citant, entre autres, la liberté de parole qui a été laissée à la station de radio SPMM (Suara Perjuangan Muslim Maluku – La voix de lutte des musulmans moluquois’), contrôlée par le Laskar Jihad et au ton provocateur, ou bien encore le fait que la date-limite pour remettre volontairement les armes a été repoussée d’un mois sans consultation préalable. “Si le gouvernement fait mine d’ignorer ces injustices et ces négligences, nous ferions mieux d’annuler la totalité de l’Accord de Malino”, a déclaré un des 70 délégués, sous les applaudissements de ses pairs.

Selon le Centre de crise du diocèse catholique d’Amboine, la prochaine date où la solidité de l’accord de paix risque d’être testée est le 25 avril 2002. Le bruit court en effet à Amboine que le FKM (Front pour l’indépendance des Moluques) projette de hisser les couleurs de la RMS (République moluquoise du sud) ce jour-là, date-anniversaire de l'”indépendance” des Moluques. A titre préventif, le gouverneur de la province a publié une lettre interdisant toute activité qui serait contraire à l’unité de la République d’Indonésie, citant nommément, entre autres choses, le fait de hisser les couleurs du FKM ou de la RMS.