Eglises d'Asie

Des spécialistes étudient l’influence du christianisme sur les croyances des aborigènes

Publié le 18/03/2010




Au cours d’un récent congrès, des aborigènes et des chercheurs chrétiens ont étudié l’interaction entre les croyances des aborigènes taiwanais et le christianisme (1). Organisée le 16 mars dernier par l’Institut Ricci de Taipei, la rencontre avait pour titre : “Interaction entre les croyances traditionnelles des aborigènes taiwanais et le christianisme : coutumes locales et expérience Le directeur de l’Insti-tut, le P. Benoît Vermander, a souligné devant les journalistes que c’était la première fois que se tenait une telle rencontre sur un tel sujet à Taipei. “D’une façon générale, le christianisme et les Eglises chrétiennes n’essaient ni de supprimer ni de supplanter les cultures locales des aborigènes mais bien plutôt de se mêler à elles afin de faire naître une nouvelle et vivante synthèse”, a-t-il déclaré.

Lifok, un musicien de l’ethnie Ami, a expliqué à son auditoire que le peuple Ami, polythéiste, s’était très facilement adapté au catholicisme parce que croire à une autre divinité ne les perturbait pas et parce que la richesse de leur culture musicale a contribué au rapprochement. Les Amis sont une des 10 principales ethnies de Taiwan à côté des Atayal, des Bunun, des Paiwan, des Puyuma, des Rykai, des Saisiyat, des Shao, des Tsou et des Yami. Au début, les Ami croyaient par erreur qu’il y avait plusieurs dieux dans le catholicisme à cause des noms différents donnés à Dieu (Seigneur, Fils de Dieu, Christ, Jésus, Père, Fils et Saint Esprit), a expliqué Lifok, ajoutant, qu’à cause de problèmes de traduction, ils ne faisaient pas non plus de différence entre adorer Dieu et honorer la Vierge Marie et les saints. Lifok, un ancien catéchiste, a également fait remarquer que la riche culture musicale des Ami les avait aidés à apprécier le latin liturgique et la musique chinoise employée à l’époque. Lifok qui, depuis, se consacre à des recherches, a encore révélé que le goût des Ami pour cette musique était tel que, quand le mouvement de l’inculturation aborda Taiwan vers les années 1970, ils n’avaient pas accepté, du moins pendant un certain temps, que leur propre musique soit utilisée dans la liturgie.

Les Ami, la plus importante des ethnies, sont près de 130 000 et vivent principalement à Hualien et Taitung, sur la côte est de Taiwan. D’après Huang Kuo-chao, chercheur assistant de l’Institut Ricci, le christianisme n’a pas été le facteur déterminant à l’origine de l’extinction des croyances traditionnelles de certaines ethnies. Il a fait remarquer également que si la conversion de certains avait été source de tensions au sein de l’ethnie des Paiwan, par exemple, le fait religieux n’avait pas été le seul facteur de changement : la modernisation de l’agriculture et spécialement l’adoption des cultures de rapport avaient provoqué des bouleversements tout aussi considérables dans la société. Sakinu, pasteur protestant et aborigène de l’ethnie Paiwan, a affirmé de son côté qu’ils avaient tous éprouvé comme un vide spirituel quand ils avaient été libérés des 50 ans d’occupation japonaise (1895 à 1945) pendant laquelle on les obligeait à adorer l’empereur du Japon et à pratiquer le shintoïsme. Beaucoup de Paiwan sont devenus chrétiens après 1950, a poursuivi Sakinu, qui exerce son ministère à Taitung. Les Paiwan, au nombre d’environ 50 000, résident principalement à Taitung.

Sakinu a encore expliqué que depuis que les droits des aborigènes sont mieux reconnus, ces dernières années, beaucoup de gens accusent le christianisme d’avoir été, à la suite des Japonais, le destructeur des croyances et de la culture des aborigènes. Tseng Tzung-sheng, maître assistant en théologie au séminaire protestant de Taiwan, a évoqué les problèmes liés à l’expression de la culture traditionnelle dans un cadre religieux. Pour les Paiwan, un serpent est à l’origine de la vie et ils croient être nés d’un serpent. Or, dans la Bible, le serpent est le symbole du démon, a-t-il souligné, citant l’exemple d’une dénomination protestante ayant refusé à un dessinateur aborigène la permission d’introduire le totem d’un serpent dans un de ses temples. Il a conclu qu’il n’y avait aucune raison de forcer les Paiwan à utiliser les symboles juifs pour adorer Dieu. “N’est-ce pas signifier un plus grand respect rendu à Dieu quand, pour l’honorer, nous utilisons les symboles de notre propre culture ?”, s’est-il interrogé.

Ce séminaire s’est déroulé en coopération avec le Conseil pour les questions aborigènes de la ville de Taipei et la Commission pour les affaires aborigènes du Yuan exécutif. Quelque 75 représentants aborigènes et représentants de différentes appartenances religieuses y ont pris part.

Pour une population de 22 millions d’habitants, Taiwan compte environ 400 000 aborigènes parmi lesquels 70 % sont estimés être chrétiens – dont 100 000 catholiques.