Eglises d'Asie – Taiwan
Le succès populaire que connaît le loto suscite l’inquiétude des responsables religieux et de nombreux débats
Publié le 18/03/2010
Le cardinal Paul Shan Kuo-hsi, évêque de Kaohsiung et président de la Conférence épiscopale de la région de Taiwan, a récemment exprimé son inquiétude dans un quotidien taiwanais à propos de la frénésie provoquée par cette loterie. Dans cet article publié le 31 mars, il demande au gouvernement, au lieu de compter sur les recettes qu’il tire de la loterie, de chercher des mesures adéquates et efficaces pour combattre la crise économique qui sévit à Taiwan et provoque accroissement du chômage et désordres sociaux. Selon le cardinal, cette loterie ne contribue qu’à « assoupir » la population.
De son côté, le vénérable Hsing Yun, fondateur à Kaohsiung de l’Ordre bouddhiste Fo Guang Shan a lancé en fé-vrier dernier un appel pour la suppression de cette loterie et a mis en garde contre les effets à long terme de ce jeu de hasard. « La joie suprême pourrait bien se transformer en chagrin », a-t-il déclaré, faisant allusion à la signi-fication que le mot loto’ peut prendre en chinois, joie ultime’. Première personnalité religieuse à avoir critiqué la loterie, il a, de plus, spécialement demandé aux croyants bouddhistes de ne pas demander à la relique du doigt de Bouddha de leur donner une chance à la loterie. Cette relique qui est présumée appartenir aux restes de Bouddha a été exceptionnellement prêtée par la Chine populaire pour être exposée dans l’île du 23 février au 31 mars.
Le loto taiwanais est sponsorisé par la Banque de Taipei avec l’aval du gouvernement. Les billets de ce loto, distribués à des guichets, sous forme traditionnelle ou sous une forme à gratter’, sont vendus, 50 dollars taiwanais (soit 1,5 dollars américains) ou 100 dollars, deux fois par semaine, le mardi et le vendredi. Depuis le lancement de la loterie, la vente des billets rapporte une moyenne de 1,3 milliards de dollars taiwanais par tirage, chacun pouvant varier de 0,77 à 2 milliards. Quelque 30 % des recettes sont consacrés à l’aide sociale. Le public est tellement pris par le jeu que certaines personnes, dont un chômeur, se seraient suicidées après avoir tout perdu. Les médias ne manquent pas, chaque jour, de parler de la loterie. Après la critique de la vice-présidente, Annette Lu, disant que la loterie était un « écroulement social » et que les jours de tirages ne devraient pas se dérouler en semaine, le directeur des Jeux a demandé que le tirage soit fait le mercredi et le samedi pour éviter que les gens quittent leur poste de travail en cachette pour jouer. D’après les résultats d’un sondage du ministère des Finances, publiés le 12 avril, 16,4 % des gens sur un éventail de 1 602 sondés pensent que le changement de jour sera une mesure efficace.
Dans les années 1950, Taiwan avait déjà organisé un jeu similaire baptisé « Billets patriotes » pour récolter des fonds pour le développement local et les services sociaux. Les billets étaient vendus par des handicapés, ce qui les aident à vivre. Mais le jeu fut supprimé en 1987 quand un jeu clandestin dérivé des paris pris sur les chiffres officiels fit florès. Avec la nouvelle loterie, ce sont les handicapés, les familles monoparentales à bas revenus et les aborigènes qui ont, en priorité, l’exclusivité de la vente des billets.