Eglises d'Asie

Les Montagnards exilés au Cambodge se préparent à un départ aux Etats-Unis tandis que la répression continue sur les Hauts Plateaux du Centre-Vietnam

Publié le 18/03/2010




Après avoir reçu la promesse d’un accueil aux Etats-Unis (1), les 905 Montagnards des Hauts plateaux du Centre-Vietnam, réfugiés au Cambodge et pensionnaires des deux camps situés dans les provinces de Mondolkiri et Rattanakiri, ont été transportés par petits groupes à Phnom Penh en vue d’organiser leur départ vers leur futur pays d’accueil. Leur transfert était achevé le lundi 15 avril. Les réfugiés sont actuellement hébergés dans une ancienne usine désaffectée de la banlieue de la capitale du Cambodge et, selon les autorités américaines, devront y demeurer au moins deux mois, le temps de s’acquitter des formalités d’immigration indispensables. On apprenait, par ailleurs, que, le lundi 15 avril, dès le départ du dernier convoi de réfugiés Montagnards hors du camp d’hébergement de Mondolkiri, la police cambodgienne pénétrait sur les lieux, pillait ce qui restait et brûlait le reste, y compris le bureau du Haut Commissariat dont les objets de valeur avaient été préalablement enlevés. Les responsables de la Sûreté cambodgienne ont justifié cette opération par la nécessité de récupérer le terrain en vue de la prochaine récolte. Mais il est plus probable qu’elle était destinée à signifier la volonté des autorités vietnamiennes et cambodgiennes de mettre un terme définitif à l’épisode de l’exode des Montagnards au Vietnam. Il y a quelque temps, le Premier ministre Hun Sen avait demandé aux Nations Unies de fermer les camps avant le mois d’avril et avait décidé que quiconque entrerait au Cambodge sans papiers serait traité comme migrant illégal et non comme demandeur d’asile.

Bien qu’en dernier ressort, le gouvernement vietnamien ait consenti au départ de ses ressortissants des Hauts plateaux vers les EtatsUnis, il n’a cessé de mettre en cause les intentions des Etats-Unis dans cette affaire. Le journal officiel de la Sûreté dans son numéro du 9 avril 2002 (2) soulignait que l’asile accordé aux Montagnards par les Etats-Unis ne signifiait pas que ce pays se souciait véritablement du sort des habitants des Hauts Plateaux. Le journal résumait ainsi les soupçons vietnamiens : “Leur projet (des Etats-Unis) est de saboter le processus de rapatriement, de provoquer une nouvelle vague de migrants traversant illégalement la frontière et, ainsi de causer l’instabilité sur les Hauts Plateaux et sur tout le territoire du Vietnam.” Des indications concordantes suggèrent, en effet, que le pouvoir central vietnamien s’inquiète de la turbulence des populations montagnardes, en suspecte le loyalisme et cherche à les encadrer le plus possible. On apprenait ainsi, le 10 avril, du responsable du travail et de l’immigration de la province de Thai Binh que d’ici l’année 2005, chaque année, 10 000 Vietnamiens de cette province allaient être envoyés sur les Hauts Plateaux dans les provinces de Dak Lak et de Kontum pour y travailler dans des zones d’économie nouvelle, dans des fermes d’Etat et dans des “agences de défense” (3). La migration de Vietnamiens sur les Hauts Plateaux est, on le sait, mal perçue par les Montagnards et a contribué en partie à la révolte qui a eu lieu en février 2001. D’autres mesures annoncées donnent à penser que le renforcement de l’ordre sur les Hauts plateaux est à l’ordre du jour. Le journal des pionniers Tiên Phong annonçait le 15 avril, que des cadres du Parti avaient été envoyés dans les provinces des Hauts Plateaux. Ils ont pour mission de renforcer les cellules du Parti et les Comités populaires. “Leur mission, disait le journal, est de s’associer aux autorités locales en vue de favoriser le développement socio-économique, assurer la sécurité et renforcer la Défense nationale au niveau local.” Les cadres toucheront en guise de compensation financière pour l’accomplissement de leur mission une prime de un million de dôngs (66 dollars) et une allocation mensuelle de 400 000 dôngs (26 dollars).

Une toute récente publication de l’organisation américaine, Human Rights Watch, intitulée “Répression des Montagnards : conflits à propos de terres et de religion sur les Hauts Plateaux du Centre-Vietnam” est venue confirmer l’existence de la sévère répression menée aujourd’hui contre les populations des Hauts Plateaux. Cette étude très sérieuse et très documentée, longue de 200 pages, après avoir tracé une histoire des relations des populations montagnardes avec le pouvoir central avant et après 1975, rentre dans le détail des faits à partir du soulèvement de février 2001. Elle décrit les manifestations puis la reprise en main de la population par le pouvoir central, grâce à une démonstration de force massive. Dans les semaines qui ont suivi le soulèvement, la police a arrêté des centaines de Montagnards, utilisé la torture pour obtenir des confessions et des déclarations publiques des leaders de la rébellion. Elle s’en est pris aux dirigeants religieux du protestantisme évangélique qu’ils ont traité comme s’il s’agissait d’une organisation subversive. De nombreux cas de persécution religieuse sont décrits dans le détail.