Eglises d'Asie – Philippines
Mindanao : des chrétiens et des responsables d’ONG soupçonnent l’armée d’avoir assassiné quatre membres d’une organisation de défense des droits de l’homme
Publié le 18/03/2010
Benjaline Hernandez, âgée de 22 ans, était étudiante à l’université jésuite Ateneo de Davao où elle était associée au journal étudiant local. Secrétaire générale à Davao de l’organisation de défense des droits de l’homme, Karapatan, elle menait des recherches au sujet de l’impact du processus de paix sur les communautés paysannes de la vallée de l’Arakan. Elle et les trois personnes qui l’accompagnaient (Vivian Andrade, Crisanto Amora et Labaon Sinunday) avaient entrepris une mission d’études sur le terrain d’une durée d’un mois et comptaient également poursuivre une enquête commencée auparavant au sujet d’un massacre commis l’an dernier dans le village de Tabala, situé dans la vallée de l’Arakan. Vivian Andrade, 18 ans, Crisanto Amora, 23 ans, et Labaon Sinunday, aborigène âgé de 30 ans, appartenaient à Progressive Peasant Organization, une ONG associée à Karapatan sur ce projet d’études. Selon le P. Fausto Tenorio, Benjaline Hernandez était venue le rencontrer au mois de mars pour évoquer sa recherche dans la vallée de l’Arakan et le massacre de Tabala : “C’était un peu comme une visite de courtoisie étant donné que la zone concernée par sa recherche recouvrait une partie de la carte des communautés que nous servons.”
Selon le rapport de Karapatan, la milice paramilitaire, entraînée et financée par l’armée, connue sous le nom de Civilian Armed Forces Geographical Unit, a ouvert le feu le 5 avril dernier sur la hutte dans laquelle Hernandez et ses compagnons préparaient leur déjeuner. L’incident s’est produit dans le village de Bukatol, dans le district de Kinawayan (vallée de l’Arakan). Un témoin anonyme rapporte que Sinunday, blessé, a tenté de s’enfuir de la hutte avant de s’effondrer quelques mètres plus loin. Ses trois compagnons ont réussi à s’échapper de leur abri mais sont tombés sur des miliciens postés en embuscade. Des témoins affirment avoir entendu une des victimes implorer la vie sauve mais tous quatre ont été “éliminés”. Le corps de Benjaline Hernandez portait plusieurs impacts de balles et sa tête avait été fracassée “apparemment par un objet contondant”, peut-on encore lire dans le rapport de Karapatan. Selon le porte-parole de la Sixième division d’infanterie en charge de la vallée de l’Arakan, les victimes ont été tuées lors d’un échange de tirs d’une durée de 30 minutes qui a opposé une trentaine de guérilleros communistes et un groupe formé de soldats de l’armée et de miliciens.
Pour Felixberto Calang, évêque de l’Eglise indépendante des Philippines (1) et président de la branche de Davao de l’ONG Karapatan, la mort de ces quatre jeunes personnes s’apparente à un massacre et ces “meurtres” indiquent que les forces armées gouvernementales sont “sur une pente dangereuse où les personnes perçues comme des obstacles à leurs actions fascistes et terroristes sont, particulièrement en zone rurale, éliminées physiquement”. L’officier adjoint au commandant du 73e bataillon d’infanterie, le major Vicente Tomas, a déclaré pour sa part qu’il était nécessaire de mettre sur pied une commission d’enquête indépendante, composée de responsables de l’administration et de défenseurs des droits de l’homme, issus des ONG.