Eglises d'Asie – Divers Horizons
ASIE CENTRALE : LA “ROUTE DE LA SOIE” EST DEVENUE UNE POUDRIERE
Publié le 18/03/2010
Il s’agit là d’une zone-clef du “vieux monde Aux temps de Marco Polo, c’était l’étape principale de la “route de la soie” qui reliait la Chine à l’Europe. Et, pour l’historien anglais Toynbee, l’Asie centrale doit être considérée comme le noyau fondamental de l’ancien monde. Qui la domine possède la clef de la domination de l’Asie, comme il advint au XVIIIe siècle sur la base du Great Game, le “Grand Jeu” entre la Russie et la Grande Bretagne visant à l’hégémonie sur cette région – comme aussi le sous-continent indien. (Qu’il suffise de lire les romans de Rudyard Kipling, à commencer par Kim pour se convaincre de la portée de ce “jeu d’échecs” et de ses implications). Ce “Grand Jeu” se conclut à égalité puisque la Russie maintint sa domination sur le Turkestan et, l’Angleterre maintint seulement le pouvoir sur l’Inde. Ne restera que la “zone grise” de l’Afghanistan. Aucun des deux rivaux ne réussit à y établir une influence durable, en dépit de guerres continuelles. Au cours de la période soviétique, l’Asie centrale devint comme l’“arrière boutique” de la politique mondiale, une sorte de “monde oublié” où, cependant, persistaient d’obscures forces de revanche, alimentées par un islam persécuté mais toujours bien vivant. Et aujourd’hui, le potentiel explosif de l’Asie centrale rede-vient menaçant du fait de la nouvelle phase aiguë de la crise afghane et de l’apparition dans la région d’un nouveau fac-teur mondial, les Etats-Unis. Le “Grand Jeu” se poursuit, l’un des protagonistes en est la Russie, conformément à la tradition à laquelle fait face (ou s’oppose ?) une nouvelle puissance anglo-saxonne, les Etats-Unis d’Amérique et non plus l’Angleterre impérialiste.
L’Asie centrale est formée de cinq républiques comportant six ethnies principales, cinq de langue turque et une de langue iranienne. La plus peuplée et la plus importante politiquement est l’Ouzbékistan (capitale Tachkent) avec environ 24 millions d’habitants, s’étendant sur 450 000 km . Aux côtés des Ouzbeks résident aussi les Karakalpaks ( les hommes au béret noir’) qui sont plus d’un demi-million. Le territoire le plus étendu est le Kazakhstan (Astana, la capitale, qui était précédemment Alma-Ata ou Almaty) qui compte seulement 16 millions d’habitants pour trois millions de km . Viennent ensuite le Kirghizistan (capitale Bichkek, Frunze en période soviétique), peuplé de 5 millions d’habitants pour 200 000 km . Puis le Turkménistan (capitale Ashkabad ou Achkabad) avec 200 000 km et 5 millions d’habitants : de nombreux Turkmènes et Ouzbeks vivent aussi en Afghanistan où l’un des chefs de l’Alliance du Nord (la coalition anti-Taliban) est justement un Ouzbek, le général Rashid Dustum. Et enfin le Tadjikistan (Douchanbe ou Dushanbe), de 144 000 km de superficie où habitent un peu plus de 6 millions de personnes. Leur langue est pratiquement identique au “dari” de l’Afghanistan et au persan. Toutes ces populations sont musulmanes, sunnites, de l’école hanafite, considérée comme une des plus libérales. Ce qui vaut aussi pour l’Afghanistan où, cependant, les Talibans ont introduit l’une des quatre écoles fondamentalistes de l’islam sunnite, dite wahhabite, originaire de la péninsule arabique.
Après la chute de l’URSS, les rapports de l’Asie centrale avec la Russie n’ont pas pris fin. Toutes les républiques de cette région font partie de la CEI, la Communauté des Etats indépendants, une organisation se présentant de façon assez confuse mais reconnaissant l’hégémonie de Moscou et adhérant à ses diverses organisations régionales telles que le Conseil de défense mutuelle, l’Evraes, (Coopération économique euro-asiatique), etc. Tous les peuples de l’Asie centrale possèdent un sens aigu de leur propre indépendance et ont toujours montré de l’hostilité à l’égard des dominations ou ingérences étrangères. Ce trait de caractère est si fort qu’il se manifeste même dans les appellations de certaines ethnies : ainsi ouzbek signifie “seigneur de soi-même”, kazakh a le sens d'”homme libre”, tadjik signifie “homme de la couronne”, c’est-à-dire possédant sa propre souveraineté, etc.
La situation économique dans l’Asie centrale peut être, dans l’ensemble, mauvaise et même dans quelques cas désastreuse. Une seule donnée en donnera l’idée : le revenu par habitant était, pour l’Italie, de 20 170 dollars en 1997 ; à titre de comparaison, il était, pour le Kazakhstan, de 1 350, pour l’Ouzbékistan, de 1 020, pour le Turkménistan, de 640, pour le Kirghizistan, de 480, pour le Tadjikistan, de 330. Dans ces Etats, la croissance économique est partout négative et l’état de l’économie n’a cessé de s’y détériorer entre 1990 et 1997 dans les proportions suivantes : Ouzbékistan, -2,4 % ; Kazakhstan, -7,9 % ; Turkménistan, -9,6 % ; Kirghizistan, -12,3 % ; Tadjikistan, -16,4 %. Le Tadjikistan reste en queue de cette liste, ne serait-ce qu’en conséquence de la longue et meurtrière guerre civile que ce pays a connue. Politiquement, l’Asie centrale présente les caractères d’une grande instabilité. Tous les présidents actuellement au pouvoir, excepté l’un d’eux, Ashkar Akajev, du Kirghizistan, ont un passé de dirigeants communistes dans l’ex-URSS. Cela ne les empêche pas aujourd’hui d’afficher leur sympathie pour l’islam, ce qui suscite l’ironie : on dit qu’autrefois tous ces gens étaient qyzil (rouges) et qu’ils sont devenus jashyl (verts), couleur de l’islam. La métamorphose la plus impressionnante a été celle du président du Turkménistan, Saparmurad Nijazov, qui a instauré un régime à la fois totalitaire et paternaliste. Il se fait appeler Turkmenbashi (le chef des Turkmènes), a fait de son cheval l’emblème de l’Etat. Sur la place centrale de la capitale, Ashghabat (dont le nom signifie paradoxalement la “cité de l’Amour il a fait ériger un monument qui le représente, hissé sur une colonne qui tourne suivant le mouvement du soleil et, enfin, dans son village natal, Kypchak, il a ordonné de construire la plus grande mosquée d’Asie centrale. Mais le même genre de métamorphose, quoiqu’elle se présente de manière moins spectaculaire, peut être observé chez les autres leaders de la région : Islam Karimov (Ouzbékistan), Nursultan Nazarbayev, (Kazakhstan), Enomali Rahmonov (Tadjikistan). Quoi qu’il en soit, toutes les républiques d’Asie centrale (mais en particulier trois d’entre elles : le Tadjikistan, le Kirghizistan et l’Ouzbékistan) sont menacées de subversion armée par des mouvements fondamentalistes musulmans. En ce qui concerne la Russie, la complexité de l’Asie centrale semble actualiser le scénario entrevu par Samuel Huntington dans Le choc des civilisations. L’islam et la civilisation slave-orthodoxe se heurteront-elles ? Ou un choix “eurasiene” permettra-t-il leur intégration, leur collaboration ? Cette seconde possibilité n’est envisagée, à présent, du moins, que par le seul Nazabayev, tandis que les autres leaders oscillent entre les deux possibilités. A vrai dire, le rapport réciproque entre l’Asie centrale et la Russie présente bien des nuances. D’un côté, leur longue coexistence à l’intérieur d’un unique Etat, l’empire russe, puis l’Union soviétique, a rapproché les peuples et favorisé l’élaboration de modèles culturels assez semblables chez les uns et les autres, ce qui était favorisé par le caractère fermé du système soviétique qui privait les peuples sujets de la possibilité d’entretenir des rapports normaux d’échanges avec les représentants des cultures musulmanes et chrétiennes occidentales. Il y avait aussi un système unitaire d’instruction propre à renforcer, chez les peuples non russes, une orientation culturelle pro-russe. D’autre part, l’exagération de cette tendance (les Russes considérés comme “les frères aînés de tous les autres peuples de l’URSS a provoqué une réaction de rejet chez ceux qui étaient appelés autrefois inodorey (peuples allogènes). Réaction, pourtant, qui a été mitigée par divers facteurs, comme les migrations internes, les mariages mixtes, etc. A ce propos, il ne faut pas négliger un facteur important dans tous ces pays : la présence de minorités russes significatives et l’impact de leur comportement politico-culturel. Aujourd’hui, le pourcentage des Russes dans les républiques de l’Asie centrale reste non négligeable comme le prouvent les chiffres : Ouzbékistan 5,5 % ; Kazakhstan 35,8 % ; Tadjikistan 7,6 % ; Kirghizistan 18,8 % ; Turkménistan 9,8 %.
Contre cette présence russe (perçue comme “occidentale et contre une récente influence américaine s’opposent les mouvements islamiques fondamentalistes apparus après la chute de l’URSS et issus non pas tant de l’influence iranienne (les Iraniens sont chiites et, de ce fait, coupés de l’Asie centrale) autant que de celle des Talibans. Au début de la campagne contre l’Afghanistan, toutes les républiques de l’Asie centrale ont ouvert leur espace aérien, avec l’accord des Russes, ainsi que leur collaboration linguistique, mais une seule d’entre elles, l’Ouzbékistan, a mis à la disposition de Washington un aéroport militaire, celui de Khanabad, proche de la ville de Qarshi, permettant ainsi que cinq mille militaires américains stationnent sur son territoire.
Le 30 octobre dernier, Islam Karimov avec le ministre de la Défense Qodir Ghulomov et celui des Affaires étrangères Abdulaziz Komilov a reçu à Tachkent le général américain Tommy Franks et puis le 3 novembre le ministre américain de la Défense, Donald Rumsfeld. Ce dernier a qualifié ses rencontres de “très efficaces, franches et ouvertes se disant “complètement satisfait de la contribution apportée par les Ouzbeks” à l’opération Enduring Freedom. Le gouvernement de Tachkent cherche, en tous points, à faire preuve de son récent “pro-américanisme utilisant la presse contrôlée par le régime et les chefs spirituels officiels de l’islam. Et, quelques jours avant l’arrivée de Franks, des manifestations d’appui aux Etats-Unis ont été organisées dans le pays, en divers endroits, y compris la région de Bukhara, centre historique de l’islam d’Asie centrale. Par ailleurs, après les attentats du 11 septembre, le Nazarat (direction spirituelle), organe des musulmans d’Ouzbékistan, a fait savoir, avec l’approbation du gouvernement à tous les imam-khatib (les “curés” des mosquées) qu’ils devaient condamner le terrorisme dans les sermons du vendredi (khtak al jumu’ahn) et faire connaître le communiqué de l’ambassade américaine à Tachkent où l’on affirmait que les “Etats-Unis combattent le terrorisme mais non l’islam
Mais il existe, cependant, des signes dont il est difficile de mesurer la portée exacte, la presse ouzbek étant soumise à la censure. L’état d’esprit d’au moins une partie de la population semble différent de celui des dirigeants de ce pays. Ainsi, le 26 octobre, à Tachkent, une dizaine de personnes ont organisé une manifestation anti-américaine, rapidement réprimée par la police. Avant son arrestation, l’un des manifestants a exprimé l’opinion qu’il s’opposait à une “croisade chrétienne contre l’islam ajoutant que “Bush est le terroriste numéro un dans le monde” et que “Karimov est le terrorisme numéro deux car il a permis aux Américains d’utiliser nos bases pour détruire les musulmans Et dans l’Etat voisin du Kirghizistan, une enquête faite le 18 octobre par l’agence de presse Khabar a révélé que, bien que 55 % des personnes interrogées ont déclaré être favorables au renversement du régime des Talibans en Afghanistan, seulement 55 % ont approuvé les opérations militaires anglo-américaines et 48 % ont proposé que le Kirghizistan se déclare neutre dans le conflit.
De nombreux représentants du “clergé” et de la culture musulmane en Asie centrale expriment aussi des réserves sur la politique pro-américaine de la région. Ainsi, Sadiqzhan Kamiluddin, président du Centre islamique du Kirghizistan, tout en condamnant “les actions des terroristes qui ont causé la mort de personnes innocentes” répète les critiques exprimées par les autorités musulmanes en d’autres parties du monde également. D’après lui, les attentats ont été provoqués par la politique “anti-islamique” des Etats-Unis. “Jusqu’ici, a-t-il déclaré, le problème de la Palestine n’a pas été résolu et la guerre se poursuit, en Afghanistan. Tous les malheurs du monde islamique sont liés à la politique de Washington Kamiluddin craint qu’après la tragédie survenue aux Etats-Unis, la situation dans l’Ouzbékistan voisin n’empire : “La télévision ouzbek a recommencé à illustrer les procès intentés contre les soi-disant terroristes islamiques qui agiraient dans le pays. Tachkent a monté une campagne de propagande sur le thème suivant “Chacun est en droit de défendre sa propre maison”, ce qui peut déboucher sur de nouvelles répressions des musulmans de cette république.” Et Dilmurat Azhy Orosov, mufti de la région de Dzhalalabad (Kirghizistan méridional) a bien défini les attentats de New York et de Washington comme “une catastrophe de dimension mondiale” mais il a ajouté : “Washington accuse aujourd’hui les musulmans d’être les responsables de cette tragédie. Mais si tu ne te conduis pas correctement vis-à-vis de quelqu’un, il ne faut pas espérer qu’il soit à son tour correct à ton égard. Les Etats-Unis ont martyrisé le monde musulman. Ce pays cause le malheur des musulmans en diverses parties du globe : en Iraq, en Palestine, en Afghanistan.”
Une des républiques d’Asie centrale, le Turkménistan, à la frontière de l’Afghanistan, de l’Ouzbékistan et du Tadjikistan, connaissant les positions d’une assez grande partie de son opinion publique musulmane, a tenté d’établir des rapports de non-belligérance avec les Talibans. Au Turkménistan, comme nous l’avons déjà évoqué, est en place le régime de Saparmurad Nijazov, et le Turkmenbashi, qui gouverne le pays d’une main de fer, sous l’apparence d’une bonhomie paternelle, promet à ses sujets asr ( le siècle d’or’) à l’enseigne du triptyque : “xalq, vatan, Turkmenbashi” ( peuple, patrie, chef’). Vers la fin du mois d’août 2000, le ministre des Affaires étrangères d’Ashghabat, Boris Shahmuradov, s’est rendu en Afghanistan pour une rencontre avec le mollah Omar, chef surprême des Talibans, à l’occasion de laquelle il a déclaré : “Nous ne sommes pas de l’avis des autres pays pour lesquels l’Afghanistan représente une menace pour l’Asie centrale Le Turkménistan est la seule république de la région qui fait état d’un semblable point de vue.
La plus étendue des républiques d’Asie centrale, le Kazakhstan, est de beaucoup la plus riche en ressources naturelles : qu’on pense aux gisements de pétrole dans la zone du lac Tengiz, non loin d’Astana, la ville où par ordre de Nazarbajev a été transférée la capitale. Auparavant, le siège du gouvernement était Alma-Ata (Almaty), au sud du pays. Il s’agit, comme nous l’avons dit, du fait que cette république compte la plus importante proportion de population russe de la région, au point que les “derzhaviki” nostalgiques de l’empire russe, parmi lesquels Alexandre Soljenitsyne, souhaitent que certaines de ces régions soient annexées par la Russie. Quant au Kazakhstan, ainsi que le Kirghizistan, ce sont les pays les moins “russophobes” de la région au point que le président kazakh Nursultan Nazarbayev a élaboré une doctrine qui lui est propre selon laquelle (reprenant les idées des “eurasiennes” russes au début du XXe siècle) tous les territoires de l’ancien empire russe, indépendamment du régime qui peut y être installé, constituent une unité géographique indivisible. Le Kazakhstan est celle des cinq républiques de l’Asie centrale qui est la moins menacée par le fondamentalisme musulman – ce qui d’ailleurs a rendu possible la visite du pape Jean-Paul II (unique jusqu’ici dans la région). Un fait qui, dans l’avenir, peut exercer une influence sur l’évolution de l’Asie centrale, c’est la rivalité pour l’hégémonie régionale entre le Kazakhstan (dont le territoire est le plus étendu) et l’Ouzbékistan (dont la population est plus nombreuse). Les deux républiques ont aussi des attitudes opposées par rapport à Moscou : tandis que Tachkent viserait à tenir les Russes en dehors de l’Asie centrale (Karimov a longtemps décliné l’offre russe d’une aide militaire contre les extrémistes et, par la suite, il a accepté la présence américaine), Astana se montre favorable à une alliance avec la Russie. Comme contrepoids à l’influence de Moscou, Karimov a recherché l’appui de la Chine. A la suite de complexes débats, en août 1999, Pékin a fourni à l’Ouzbékistan une grande quantité d’armes. Cependant, après l’élection de Vladimir Poutine comme président de la Russie, les rapports entre Tachkent et Moscou se sont améliorés au point que les journaux, la radio et la télévision ont reçu la “recommandation” de cesser toute propagande anti-russe.
Un fait économique attire sur l’Asie centrale la cupidité des puissances mondiales : la région est riche en pétrole (Kazakhstan) et en gaz naturel (Turkménistan). Le problème principal, c’est de rendre disponible ces ressources et surtout de construire des voies d’acheminement, oléoducs et conduites de gaz, qui permettent d’atteindre les marchés économiques mondiaux tout en évitant les zones d’agitation et en restant rentables. La discussion sur le tracé de ces voies de transport détermine les conflits en cours, y compris celui de l’Afghanistan. De fait, aujourd’hui, le gaz et le pétrole de l’Asie centrale ne peuvent être transportés qu’à travers le territoire russe. C’est là une situation qui ne satisfait ni les républiques d’Asie centrale, ni les pays consommateurs, et particulièrement les Etats-Unis.
Actuellement, il existe quatre grands projets pour la construction et l’installation d’oléoducs et de gazoducs : le premier prévoit un tracé à travers le Caucase et la Russie méridionale, allant jusqu’à l’Europe occidentale. Le second permettrait d’atteindre l’Europe occidentale par l’Iran, la Turquie et la Bulgarie. Le troisième ferait passer les conduites à travers l’Ouzbékistan, le Kazakhstan et la Chine, jusqu’à la Mer jaune d’où les pétroliers poursuivraient vers le Japon et les marchés mondiaux. Le quatrième, enfin, atteindrait le port de Karachi, au Pakistan, à travers l’Afghanistan. C’est dans cette perspective qu’on a entrevu l’aide initiale apportée par les Américains aux Talibans afghans au cours de la période 1994-1995. Le premier projet du tracé est, en fait, inacceptable pour les Etats-Unis car il prévoit la traversée du territoire russe. Le second peut encore moins plaire à Washington, parce qu’il passe par l’Iran, un Etat classé parmi les “Etats voyous» soupçonnés de soutenir le terrorisme. Le quatrième projet est difficile à réaliser, en raison de coûts trop élevés. Il resterait la solution de traverser l’Afghanistan. Compter tout d’abord sur les Talibans pour la réaliser s’est révélé une erreur – mais resterait possible, dans l’avenir, maintenant que le régime des Talibans a été anéanti.
Cette perspective explique l’appui donné aux Etats-Unis par l’Ouzbékistan, l’attitude de Karimov étant dictée non seulement par des motifs géostratégiques (créer un contrepoids à l’influence russe, en dépit d’un rapprochement récent) mais aussi par les très importants intérêts économiques de Tachkent dans la région.
Des éléments concrets font se rapprocher les Ouzbeks et les Américains – et surtout le désir de rendre disponible le territoire afghan ainsi que la lutte contre le terrorisme islamique avec lequel Tachkent doit prendre des dispositions. Et le Pakistan, pour son compte, a depuis longtemps proposé de relier la ville ouzbek de Termez, à la frontière de l’Afghanistan, avec Karachi, en construisant un chemin de fer sur le territoire de l’Afghanistan (ce serait le premier dans ce malheureux pays).
De la sorte, l’Ouzbékistan pourrait accéder au port le plus important de la mer d’Arabie, ce qui entraînerait pour lui des avantages incalculables, étant donné que jusqu’ici toutes les importations et exportations de l’Ouzbékistan doivent passer par la Russie, source de mille complications politiques et économiques. L’intérêt des Etats-Unis coïncide ici avec celui du Pakistan, car le chemin de fer projeté longerait l’oléoduc et le gazoduc.
Face au sentiment qu’ils revivraient les intérêts des grandes puissances, dans le cadre d’un nouveau “Grand Jeu les peuples de l’Asie centrale craignent d’être les perdants. Aussi une série de mouvements fondamentalistes ont sympathisé avec les Talibans. On parle peu, en Europe et en Amérique, de ces mouvements et du potentiel de déstabilisation qu’ils représentent. Ils constituent, du reste, une pléiade difficile à cataloguer. C’est une continuelle histoire de fusions, de scissions, de nouvelles fondations, d’épisodes de guérilla et de répression de la part des autorités qui, souvent, jettent les fidèles musulmans dans les bras des extrémistes qualifiant de “fondamentaliste” toute forme d’opposition politique même si elle est justifiée.
Des mouvements islamistes s’étaient déjà formés, en Asie centrale, à la fin du régime soviétique dans les dernières années de 1980, sous Mikhaïl Gorbatchev. La principale de ces organisations, née en Ouzbékistan, s’appelait Islam lashkarlari ( Combattants de l’islam’) et se divisait en deux branches, l’une, politique, d’inspiration wahhabite, guidée par Muhammad Radzhab, imam-khatib de la mosquée centrale de Kokand et par Abdulwali Mirzoyev, imam d’une mosquée de Andizhan, l’autre, de caractère militaire, dénommée Adolat ( Justice’) et commandée par Tahir Juldashev. A cette époque existaient parallèlement deux pouvoirs : les activistes garantissaient l’ordre, interprété selon la charia, la loi musulmane, tandis que le gouvernement soviétique de l’Ouzbékistan acceptait de fait l’activité des islamistes, étant trop engagé à maintenir son vacillant pouvoir dans les conditions des réformes de Gorbatchev.
Les choses changèrent avec la chute du communisme, entraînant l’indépendance de l’Ouzbékistan. Le gouverne-ment de Tachkent n’a plus pu compter sur l’appui de Moscou. Vers 1993, le chef de la “Direction spirituelle” (Nazarat) des musulmans de l’Asie centrale, Sheikh Muhammad Sadiq Yusuf Sadiq, connu pour avoir approuvé l’occupation des mosquées par les intégristes, émigra en Arabie saoudite, évitant ainsi de finir en prison. En mars-avril de la même année, la majeure partie des fondamentalistes fut arrêtée par Tahir Juldashev et Dzhumabaj Khodzhijev qui, plus tard, deviendra très connu sous le nom de Dzhuma Namangani (il s’agit d’un pseudonyme tiré de son lieu d’origine, la vallée de Namangani). Le premier entra dans la clandestinité créant un groupe armé, sans beaucoup de réalisme, appelé Tawbah ( Repentir’), nom extrait de la IXe sourate du Coran. En même temps, Tachkent commença également à serrer la vis au clergé fondamentaliste. En 1995 fut arrêté Muhammad Radzhab et, à l’automne de la même année, Abdulwali Mirzojev “disparu”. Peu de temps après, Islam Karimov fit dissoudre diverses formations extrémistes et interdit l’activité des “missionnaires” saoudiens qui prêchaient le wahhabisme et celle des Egyptiens qui faisaient de la propagande pour les frères musulmans (al-Ikhwan-al-Muslimun qui étaient hors-la-loi en Egypte). En 1998, débuta une campagne contre les organisations musulmanes jugées trop actives sur le plan politique. Les administrations locales refusèrent de renouveler les certificats d’enregistrement de 80 % des mosquées, considérées comme autant de “foyers d’extrémistes ce qui fit suite à une vague de répression. Après une série d’attentats à Tachkent, en février 1999, on dénombra un millier d’arrestations. Peu à peu, les divers groupes issus de cette atmosphère de radicalisation, puis interdits, se sont regroupés en deux formations, l’une de caractère plus politique, l’autre presque exclusivement militaire.
La première est le Hizb ut-Tahrir il-Islami ( Parti de la libération islamique’). Il s’agit là d’un mouvement international, influencé par les Frères musulmans, qui a trouvé des conditions particulièrement favorables de développement dans l’aire géographique de l’ex-Union soviétique. Hizbut ut-Tahir il-Islami est né du conflit israélo-palestinien. Ce fut Sheikh Mohammad Tagiddin an-Nabhani qui le fonda dans le but de rétablir un état unitaire groupant les musulmans sunnites – le “califat disparu après la défaite de l’empire ottoman, au cours de la première guerre mondiale. Ce parti est hors-la-loi, pratiquement dans tous les pays arabes et on suppose qu’il a sa centrale clandestine en Jordanie. En Palestine, du Hizb ut-Tahrir sont nés les mouvements les plus extrémistes de la lutte anti-israélienne comme le Hamas (abréviation de Harakah-i-muqâwamah-l-islâmîyah ( Mouvement de résistance islamique’), la guerre sainte musulmane (al-jihâd al islami) et d’autres encore. Le programme du parti embrasse trois domaines : 1) éducation des jeunes dans l’esprit de l’idéologie du parti ; 2) interaction avec la communauté musulmane pour influencer ses dirigeants et préparer l’instauration du califat ; 3) établir solidement la société dans le califat qui fonctionnera exclusivement suivant les lois musulmanes. On peut lire, en outre, en ce programme, que “les différentes idéologies qui s’opposent à l’islam par exemple le capitalisme et le communisme, y compris le socialisme, sont dépravantes, contraires à la nature humaine et inventées par les hommes. Leur action corruptrice est évidente, leurs défauts sont visibles et contredisent l’islam et ses lois de telle façon qu’il est interdit d’y adhérer. Aussi, lorsque des musulmans forment des groupes, ils doivent être constitués sur les seules bases de l’islam, sur ses idées et ses méthodes
Les structures du parti sont “pyramidales” : chaque cellule (khalqah : cercle, groupe) est constituée de quatre à cinq personnes dont on ne connaît que le pseudonyme. Au moment d’adhérer au parti, les néophytes émettent le serment de s’engager à exécuter les ordres donnés même s’ils leur sont contraires. La transgression de ce serment est punie de mort. L’instruction militaire est dirigée par un “muörif” ( surveillant’) soumis au chef régional (mas’ul, responsable’). Au niveau de la république entière, les cellules sont soumises au commandement d’un mutamâdi ( commandant permanent’). Si un muörif ou un mas’ul ou tout autre dirigeant est arrêté, son poste est occupé par un autre membre de l’organisation désigné précédemment et il est obligatoire de reconnaître son autorité. A la différence de certaines organisations précédentes, le parti n’agit pas seulement dans les milieux des paysans analphabètes mais s’adresse aussi aux milieux urbains et aux intellectuels. Un élément important de son activité est l’enrôlement de personnes qui appartiennent aux structures du pouvoir, jusqu’aux grades les plus élevés. On fait ainsi appel à des “forces saines” à l’intérieur du gouvernement ouzbek ; comme le proclame Hizb ut-tahir, “il y a bien des personnes de qualité dans le gouvernement de Karimov et c’est une occasion pour démolir ce parti de l’intérieur
Le Hizb ut-tahir est arrivé en Asie centrale par la voie de l’action de propagande des organisations islamiques internationales, parmi lesquelles Jami at ut-talabah, c’est-à-dire l’organisation des Talibans afghans. Son “baptême du feu” eut lieu au cours des incidents d’août-novembre 1999 au sud du Kirghizistan (les escarmouches de Batken) lorsqu’un groupe de guerriers chercha, sans succès, à traverser le territoire kirghize allant du Tadjikistan à l’Ouzbékistan. Par la suite, en novembre, quelques dizaines de guerriers conquirent et occupèrent pendant quelques jours la ville de Jangi-abad, à 75 km de Tachkent. C’est alors que l’opinion publique eut connaissance des noms des chefs du mouvement : les déjà nommés Dzuma Namangani et Tahir Juldashev.
L’appréciation de Hizb ut-tahir sur la présence russe dans les parties musulmanes de l’ex-URSS est totalement négative. On lit, dans un appel du parti daté du 24 novembre 1999 : Actuellement, les musulmans n’ont pas un calife qui rassemble une armée pour tirer vengeance des vieillards, des femmes et des enfants, une armée qui leur fasse oublier ce qui est, dans leur esprit, suggéré par le shaitan (le diable) et qui restitue aux musulmans leur grandeur, la dignité et l’honneur de l’islam. Et un communiqué diffusé clandestinement (après l’attaque anglo-américaine en Afghanistan, et le soutien donné par Karimov aux Etats-Unis) relate que : “Karimov doit choisir entre la Russie et l’islam. Mais si les troupes russes entrent en Ouzbékistan, ce sera favorable à Hizb ut-tahir, parce que le gouvernement se laisse arracher le masque et la guerre pourra commencer.”
La seconde organisation fondamentaliste dont nous avons parlé est islami Harakati (en russe : Islamskoje Dvizhenije Uzbekistana – IDU). Après le début de la campagne anti-islamique du président Karimov, de nombreux membres des divers groupes fondamentalistes, y compris Hizb ut-tahir, environ deux mille personnes, se sont enfuies en Afghanistan et au Tadjikistan et, dans ces derniers pays, ils ont pris part à la guerre civile avec les islamistes au lieu de la Muholifati Muttahidi Tocikistan (Objedinennaya Tadziksaya Oppoziciya : Opposition Tajika unifiée, OTO Cette organisation formée par les groupes Rastoxez ( Renaissance’) et Hibi Rastoxezi Islami ( Parti de la renaissance islamique’) était guidée par Sayyid Abdullah Nuri et par l’ex-qasi Kalan ( juge supérieur’) de l’administration judiciaire de la “direction spirituelle” du Tadjikistan Khodza Akbar Turadzhon-zoda. L’OTO se forma en opposition à l’ex-dirigeant communiste Tajiko Rahmon Nabijev qui, le 27 octobre 1991, devint président du Tadjikistan.
Le Tadjikistan est le premier pays de la zone post-soviétique d’Asie centrale, où un conflit d’ordre ethnico-religieux se soit transformé en guerre civile. Les causes de ce conflit sont multiples. A la suite de l’écroulement de l’URSS, le contrôle de Moscou s’est affaibli et, le “rideau de fer” qui isolait l’Asie centrale du reste du monde s’étant brisé, le Tadjikistan se trouva exposé à d’anciens et latents conflits internes ou provoqués par l’Afghanistan. Un motif de conflit interne (en plus des positions contraires entre religieux et laïcs (ex-communistes) a été alimenté par d’anciennes rivalités ethniques. Les Tadjik des montagnes sont, depuis des siècles, en opposition avec les habitants du Pamir, du Badakhstan, lesquels parlent leurs propres dialectes et professent en majorité l’islamisme et d’autre part sont en difficulté avec les Tadjik de la plaine et surtout les habitants de la vallée du Kuljab et cet antagonisme eut parfois l’occasion de se manifester ouvertement.
La guerre civile, au cours de laquelle Nabijev eut l’appui de la 201ème division motorisée russe (intervenue comme “force de paix et encore aujourd’hui présente et s’élève à 8 000 hommes, provoqua plus de 100 000 morts au cours des six premiers mois. Nabijev mourut le 10 avril 1994 et son successeur, au mois de novembre de la même année, fut élu pour sept ans comme chef de l’Etat : Enomali Rahmonov. En 1999, Rahmonov, Nuri et Turadzhon-zoda signèrent, à Moscou, un accord qui mettait fin aux hostilités et organisait une participation de l’opposition au gouvernement. Toutefois, les chefs de l’IDU refusèrent de reconnaître l’accord convenu par Rahmonov avec l’OTO et, en août 1999, ils prirent part à une attaque contre les régions méridionales du Kirghizistan, à Baken. Toutefois, les formations de l’IDU quittèrent le territoire de la république en octobre de la même année.
Après la constitution du Mouvement islamique de l’Ouzbékistan, ses chefs furent recrutés parmi ceux qui avaient collaboré avec Hizb ut-tahir. La direction politique fut confiée à Tahir Juldashev, le commandement militaire à Dzhuma Namangani, et l’information et la propagande à Zuhair Ibn-Abdurrahman. Le but principal de l’organisation fut la proclamation d’un Etat islamique dans la vallée de Ferghana. Cependant, le quartier général de l’IDU se trouvait, jusqu’à l’attaque américaine en Afghanistan, à Kandahar, centre politique et religieux des Talibans. Si sont exactes les nouvelles diffusées par les agences russes, le 19 novembre dernier, le général Abdurrashid Dustum, chef militaire d’origine ouzbek de l’Alliance du Nord, aurait fait savoir que Namangani aurait été tué durant le siège des forces anti-Talibans à Kunduz, au nord de l’Afghanistan. Les Talibans l’auraient chargé du commandement du front de Talungan où ils disposait d’au moins 10 000 guerriers, pour la plupart arabes, pakistanais et tchétchènes.
D’après le journal russe bien informé, Nezavisimaja Gazeta (10 octobre 2001), l’IDU comme aussi Hizb ut-tahir “jouissent de l’appui constant des Talibans et d’Oussama Ben Laden A partir de 1995, affirme le quotidien, Oussama Ben Laden a rencontré plusieurs fois Tahir Juldashev, l’aidant à établir des contacts avec les Talibans. Le service d’espionnage des Talibans, -i ihtizar, a offert à Juldashev une résidence à Kaboul et des locaux permettant l’ouverture d’une représentation à Kunduz. Le même Hizb ut-tahir a précisé son attitude vis-à-vis de Ben Laden en un communiqué diffusé clandestinement à Tachkent et en d’autres localités, après les récents attentats américains et les représailles des Etats-Unis : “Nous n’avons pas de relations spéciales avec Ben Laden, peut-on lire, mais nous appuyons tous les mouvements islamiques en Asie centrale et c’est pour ce motif qu’il est si connu. Nous nous opposons de toutes nos forces aux Juifs et à Israël. Nous ne voulons pas tuer les Juifs, mais ils devront quitter l’Asie centrale. Les Etats-Unis et les Juifs sont les ennemis de l’islam. Le communiqué fait aussi allusion aux réels problèmes de l’Ouzbékistan, problèmes qui suscitent le mécontentement et trouvent un écho favorable dans la population, indépendamment des questions islamiques et internationales. Du reste, le document de Hizb ut-tahir poursuit ainsi : “Karimov n’a pas d’avenir. Il y a trop de corruption, une mauvaise politique, il n’y a pas de travail, l’économie est déplorable et la colère gronde parmi le peuple. On met aussi sur le compte de Hizb ut-tahir ou de l’IDU l’assassinat survenu le 11 avril 2001 du premier vice-ministre de l’Intérieur Habib Sanginov, ex-dirigeant de la partie la plus modérée de l’OTO puis chargé, à partir de 1998, de la lutte contre les formations islamiques intégristes.
La principale base d’opérations et la source principale de recrutement de l’IDU se situe dans la vallée de Ferghana, sur les montagnes du Tjan-Shan et du Gissaro-Alay. Elle couvre environ 300 km sur les territoires de l’Ouzbékistan, du Tadjikistan et du Kirghizistan ; ce qui représente pour l’Ouzbékistan un grave facteur de déstabilisation, étant donné la forte densité de la population et son niveau de vie extrêmement bas. La plus grande partie de la population est en effet constituée par des Ouzbeks. Déjà, sous la période soviétique, en 1989, après la nomination de Rafid Nishanov comme premier secrétaire du Comité central de Pe ouzbeko, dans la région de Ferghana Kirghiz éclata un conflit ethnique entre les Ouzbeks et les Kirghiz qui fit de nombreuses victimes. Ce fut alors comme une des premières déchirures dans le tissu ethnique de l’URSS. Depuis, les engagements d’intensité variable n’ont plus cessé, et dans le Kirghizistan est en cours une guérilla locale qui donne bien du fil à retordre au président Askar Akajev. Dans la région de Chuj où se trouve la capitale kirghize, Bichkek, les forces de sécurité ont mené une campagne contre les “porteurs d’idées religieuses extrémistes” et arrêté plus de 200 fondamentalistes qui propageaient l’introduction de la charia dans la république.
Tahir Juldashev qui, plus tard se serait réfugié chez les Talibans de l’Afghanistan, a déclaré récemment que dans son organisation affluent surtout des jeunes provenant de la vallée de Ferghana. Actuellement, à ce qu’il dit, se trouveraient sous ses ordres plus de 7 000 combattants “moudjahidin Hizb ut-tahir a organisé une structure financière qui ne s’occupe pas seulement de propagande islamique et de terrorisme, mais aussi de bienfaisance, ce qui attire dans ses rangs bien des besogneux dont le nombre ne fait que s’accroître en Asie centrale. Un magistrat de Och, au Kirghizistan, a assuré que, à proportion des fonds recueillis, les activistes et les membres de Hizb ut-tahir doivent verser aux caisses de l’organisation 10 % de leur revenu et cet argent permet d’offrir quelques subsides aux plus pauvres d’entre eux.
Les autorités ouzbeks ont arrêté des centaines de membres de Hizb ut-tahir et de l’IDU, donnant lieu à de nombreuses manifestations de protestation. En juillet 2001, à Tachkent et Andizhan, quelques dizaines de femmes, parentes des activistes emprisonnés, vêtues de la “chadra le vêtement traditionnel qui couvre tout le corps, et de la “parandza le voile sur le visage, se sont réunies devant les mairies des deux cités ouzbeks, demandant l’immédiate libération des islamistes. En même temps les promoteurs de cette manifestation envoyèrent à Islam Karimov une lettre ouverte demandant de “cesser la répression contre les musulmans
Si l’IDU exerce son activité surtout en Ouzbékistan, le Hizb ut-tahir se groupe au contraire dans le Tadjikistan et le Kirghizistan. Le gouvernement de Douchanbe a pris d’énergiques mesures répressives. Dans les derniers mois, les services tadjiks de sécurité ont arrêté plus de 150 extrémistes. Des mesures de ce genre ont été prises aussi au Kirghizistan où le gouverneur de la région de Och, Naken Kasijev, en avril 2001, a déclaré : “Dans les deux dernières années, sur le territoire de notre région, ont été découverts 47 cas de diffusion de tracts, ce qui a amené 37 manifestations et le procès de 49 personnes collaborant avec Hizb ut-tahir. Dans la même région, sont connus et surveillés par la police 356 activistes de l’organisation islamique. Toutefois, certains personnages bien connus et ayant des liens avec le fondamentalisme islamique se déplacent librement dans la région sans que personne ne s’en préoccupe ce qui laisse supposer qu’il y a des complicités dans les organes du gouvernement. L’un d’eux est Mahmud Khudajberdyjev qui vit en Ouzbékistan et a cherché, par deux fois, à organiser des insurrections armées au Tadjikistan. Il apparaît parfois à Tachkent, à Termez, sur la ligne de la frontière entre l’Ouzbékistan et l’Afghanistan, à Dzhizac, et Chimkent, il fait des discours et tient des réunions, mais les autorités ouzbeks assurent qu’on ne sait rien de lui.”
En conclusion, il est facile de comprendre que l’Asie centrale ex-soviétique, présentant d’énormes problèmes et de profondes contradictions, peut devenir, dans un avenir très proche, une des contrées les plus dangereuses et déstabilisantes pour l’équilibre mondial.