Eglises d'Asie – Japon
Des chrétiens se consacrent aux déshérités des taudis d’Osaka
Publié le 18/03/2010
“Kamagasaki est le lieu où le paradoxe d’une société où les victimes du capitalisme côtoient ceux qui en tirent profit est illustré de façon criante”, explique le jésuite Ryuichiro Hanafusa, de Tabiji no sato ( Un hameau sur la route’), une instance de coordination entre les groupes d’entraide. Le P. Hanafusa est un de ces nombreux travailleurs sociaux chrétiens qui se dévouent pour Kamagasaki mais aussi y apprennent beaucoup. Kamagasaki est un quartier misérable, constitué d’un carré de 800 m de côté et dont le nom ne figure pas sur le plan de la ville d’Osaka, une ville de 2,5 millions d’habitants. D’après une ONG qui travaille dans ce ghetto, 14 000 personnes sont inscrites aux bureaux pour l’emploi comme ouvriers journaliers et 1 900 dorment dans la rue. Une enquête de 1999 avait recensé des milliers de malades parmi eux. En hiver, ces personnes souffrent du froid.
A Kamagasaki encore, les distributeurs automatiques d’alcool sont partout. Les ivrognes trouvent donc facilement ce qui leur faut, très tôt, dès le matin. “Ici, rien à manger mais de quoi boire. Ca me permet au moins d’oublier”, dit l’un d’entre eux. Au vu et au su d’un grand commissariat de police, les dealers vendent leurs drogues et les yakuza (la mafia japonaise) supervisent les jeux d’argent et la prostitution. En période de croissance rapide, Kamagasaki fournissait la main d’œuvre occasionnelle indispensable et on pouvait y trouver du travail. Mais, en ces temps de crise économique, le nombre des SDF a crû tandis que les offres de travail diminuent.
Comme l’explique Atsushi Miura, un des responsables de l’Association de soutien de Kamagasaki, la plupart de ces gens ont près de 50 ans. Ils sont nés dans des régions agricoles ou de pêche vers la fin de la guerre : “Ils sont venus travailler ici comme saisonniers, mais une fois leurs parents morts au pays, ils ne savent plus où aller. Depuis peu, les 20-30 ans apparaissent. Beaucoup ne trouvent pas de travail et certains savent à peine lire et écrire”.
Beaucoup de gens dont des chrétiens viennent à Kamagasaki les aider à trouver du travail et à remplir les papiers nécessaires pour obtenir une aide sociale. Ils leur apportent de la nourriture, des vêtements et tentent de leur éviter l’alcoolisme. Il y a en ce moment pas moins de 13 groupements chrétiens à travailler sur la zone. Sœur Sakuma, des Filles de la Charité, visite entre 20 et 30 personnes dépendantes de l’aide sociale, nettoie leur chambre, coud des rideaux et les guide dans leur démarche auprès des bureaux d’aide sociale et les dispensaires. Sa congrégation a commencé à travailler à Kamagasaki dès avant la guerre. Peu à peu, les religieuses ont fini par être acceptées. “Jamais je ne me suis trouvée gênée en tant que religieuse, reconnaît Sœur Sakuma. Les gens sont gentils. Beaucoup souffrent, par exemple, de n’avoir plus leurs parents qui leur manquent”.
Keiko Takasaki, membre des Catéchistes de Marie, un institut séculier, constate que, grâce à la construction de nouveaux abris, le nombre de gens qui dorment dans la rue a diminué. “Certains n’ont rien à manger, sans travail et sans vêtements”. L’isolement, dit-elle, “est leur plus grand problème. Pourtant ils partagent avec ceux qui n’ont rien. Ici, on peut découvrir le beau côté de la nature humaine. C’est ce que j’aime ici”. Il en est de même pour Kaori Nakamura, 22 ans, une étudiante en dernière année d’une école supérieure, venue à Kamagasaki pour la deuxième fois dans le cadre du Mouvement des étudiants chrétiens. “Ici, je peux être telle que je suis. Le dernier jour de mon précédent stage, j’étais triste de devoir quitter et j’en ai eu les larmes aux yeux”, dit-elle, ajoutant qu’elle n’oubliera jamais toute cette souffrance. Le P. Hanafusa affirme, lui aussi, que les gens de Kamagasaki lui apprennent comment s’accepter soi-même. Il raconte qu’à son premier séjour, certains, qui ne savaient pas qu’il était prêtre, s’inquiétaient de savoir s’il avait du travail et où il dormait. “Ceux qui dormaient dans la rue s’inquiétaient pour moi. Ca arrive encore de temps en temps. C’est une grâce d’être soutenu par eux”.