Eglises d'Asie

Kerala : une religieuse ouvre un centre destiné à redonner l’espoir à ceux qui songent à mettre un terme à leurs jours

Publié le 18/03/2010




Voilà plusieurs années que la sœur Elisabeth Vadakkekara reste éveillée toute la nuit et ainsi, aide des centaines de ses compatriotes désespérés à prolonger leur vie “jusqu’au matin suivant”. Depuis 1999, en effet, elle est à la tête d’une Mission médicale de prévention du suicide, qui reçoit des appels téléphoniques, nocturnes pour la plupart, et essaie par ses conseils de conduire ceux qui ont recours à ses services vers un nouveau départ dans la vie. La soeur dont la spécialité était la psychiatrie clinique, a décidé en 1999, de changer de voie pour répondre directement aux demandes d’assistance morale. Elle établit alors son centre dans les faubourgs de Thiruvananthapuram, la capitale du Kerala, un Etat où, selon les statistiques, un suicide a lieu toutes les heures.

C’est en constatant l’existence d’une véritable tendance suicidaire à l’intérieur de la population de l’Etat que la soeur a pris la décision d’y remédier en partie en portant assistance aux personnes songeant à mettre fin à leur vie. Pour la seule année 2001, on a compté, en effet, 9 080 cas de suicides dans le Kerala, ce qui représente une cadence de 25 suicides par jour et une moyenne de 29,3 suicides pour 10 000 habitants alors que la moyenne nationale en ce domaine est seulement de 11,2 pour 10 000 habitants. L’Etat détient ainsi le triste record du plus grand nombre de personnes se donnant volontairement la mort. Cette constatation avait d’autant plus ému la religieuse que l’Etat du Kerala est le plus avancé de tout le pays dans le domaine de l’instruction et des soins de santé et jouit des meilleurs indices socio-économiques de l’Inde. Cependant, d’autres facteurs pouvaient expliquer en partie cette malheureuse tendance : la division des familles, l’effondrement de l’économie agricole traditionnelle, le déclin de l’industrie et le progrès du chômage.

Pour pouvoir, sans problème, recevoir les coups de téléphone, de jour comme de nuit, la religieuse a choisi de séjourner dans le Centre. Là elle répond, chaque jour, à 20 ou 30 appels de personnes qu’elle s’efforce de faire vivre, selon son expression, “jusqu’au matin suivant”. Les appels proviennent d’étudiants dans la détresse, d’épouses dépressives, de maris alcooliques, de jeunes gens traumatisés ou encore des paysans pauvres et couverts de dettes. Les appels au secours sont lancés en plus grand nombre au mois de mai, lors de la publication des résultats scolaires. Selon la soeur, quatorze écoliers ont mis fin à leurs jours en 2001 à cause d’un échec à un examen ou de notes trop basses, ce qui témoigne de la tension éprouvée par les écoliers aujourd’hui, commente la religieuse. Elle ajoute que, d’une façon générale, tous ces désirs et tentatives de suicide révèlent les tensions et les déceptions que les idéaux de la civilisation de consommation entretiennent au sein de la société.

Le Centre ne se contente pas de répondre aux appels téléphoniques qui lui sont adressés. Les appels lancés précipitamment au Centre dans les heures de détresse se prolongent dans des relations durables avec le personnel. Des accompagnements psychologiques sont offerts aux personnes concernées. Pouvant durer plusieurs mois, ils ont pour objectif de restaurer chez les patients l’énergie, l’optimisme et la volonté de vivre. La religieuse cite le cas d’une jeune fille que ses parents voulaient marier contre son gré. Incapable de leur tenir tête, elle avait tenté de mettre fin à ses jours en se jetant sous un train. Mais celui-ci n’étant pas passé à l’heure prévue, la jeune fille avait ajourné son projet. Amenée par ses parents au Centre, elle y séjourna trois mois et grâce au soutien psychologique reçu, reprit goût à la vie. D’autres personnes sauvées du désespoir par l’intervention du Centre et par un accompagnement de quelque mois sont devenues des familiers de la religieuse et se sont portées volontaires pour aider les personnes en proie à la tentation du suicide.