Eglises d'Asie

Moluques : la tension étant très forte dans l’archipel, Mgr Mandagi, évêque du diocèse catholique d’Amboine, a dénoncé l’inaction des autorités indonésiennes

Publié le 18/03/2010




Après la sanglante attaque du village chrétien de Soya par des extrémistes musulmans dans la nuit du 27 au 28 avril dernier (1), la tension est restée très vive tout au long de ces derniers quinze jours aux Moluques. Divers incidents ont coûté la vie à plusieurs personnes, tant dans la population chrétienne que dans la communauté musulmane. Réagissant à la dégradation de la situation, Mgr Mandagi, évêque du diocèse catholique d’Amboine, ainsi que les principaux responsables des Eglises protestantes des Moluques, ont envoyé une lettre en date du 29 avril au secrétaire général des Nations Unies pour exprimer leur désarroi. Les responsables chrétiens tenaient ainsi à interpeller la communauté internationale face à l’enlisement du processus de paix engagé en février dernier par les accords de Malino (2). Deux jours plus tard, le 1er mai, Mgr Mandagi a déclaré que la proclamation de la loi martiale aux Moluques, qui a semblé être un temps envisagée par le gouvernement indonésien, ne résoudrait rien et ne ferait qu’ajouter aux souffrances de la population. Selon lui, ce dont les Molu-ques ont besoin, c’est de voir la justice restaurée. “La paix ne pourra être ramenée aux Moluques que par le retour de la justice”, a déclaré l’évêque catholique, soulignant que les violations des droits de l’homme sont légions ces derniers temps alors même que l’état d’urgence civil est en vigueur.

Un premier pas vers cette justice réclamée par les chrétiens des Moluques a semblé être franchi lorsque, le 4 mai dernier, les autorités indonésiennes ont procédé à l’arrestation de Ja’far Umar Thalib, le chef des Laskar Jihad, groupe des “combattants de la guerre sainte” qui s’est donné pour mission de chasser les chrétiens des Moluques. L’arrestation de Ja’far Umar Thalib a eu lieu à l’aéroport de Surabaya, chef-lieu de la province de Java-Est, où le chef des Laskar Jihad se trouvait après avoir quitté les Moluques. Il lui est reproché la nature incendiaire du discours qu’il a tenu le 26 avril dernier devant la grande mosquée d’Amboine. Immédiatement transféré à Djakarta, Ja’far Umar Thalib a été interrogé neuf heures durant et maintenu en détention. Le responsable de la police chargé de son arrestation, le brigadier général Aryanto Sutadi, a déclaré le 5 mai qu’il espérait qu’il n’y aurait pas “de pressions politiques pour obtenir la libération de cet homme”.

A Amboine, dès l’annonce de l’arrestation de Ja’far Umar Thalib, la tension a monté d’un cran. Des heurts entre la police et des partisans de Thalib ont fait deux morts et plusieurs blessés. Le lendemain, plusieurs engins explosifs ont éclaté dans le chef-lieu des Moluques, sans faire de victime, et un mu-sulman, membre des Laskar Jihad, a été abattu par la police, une bombe à la main. Selon le P. Agus Ulahayanan, du Centre de crise du diocèse catholique d’Amboine, contacté le 5 mai par téléphone, “les musulmans et les chrétiens vivent dans la peur mais l’arrestation de Thalib ne résoudra rien. Celle-ci pourrait même envenimer la situation car Thalib a des hommes et des réseaux.”

Le 9 mai, à Djakarta, le gouvernement indonésien a déclaré qu’il avait émis une série de cinq directives pour mettre fin au conflit des Moluques, prévoyant notamment le désarmement des factions en présence ainsi que l’interdiction et l’expulsion des Moluques tant des Laskar Jihad que des partisans de la RMS (République des Moluques du Sud). Quelques jours plus tard, le 15 mai, un article du Jakarta Post soulignait que, sur le terrain, aux Moluques, rien ne suivait. Indiquant que des policiers et des membres des forces spéciales de l’armée (Kopassus) s’étaient heurtés à Amboine, l’auteur de l’article écrivait que la réputation des autorités sur le terrain continuait à se dégrader. Désignant sans le nommer Bambang Yudhoyono, ministre des Affaires politiques et de sécurité, le journaliste dénonçait le silence et l’inaction des plus hautes autorités indonésiennes.

A Djakarta encore, des responsables religieux, regroupés au sein du Mouvement moral national (Gerakan Moral Nasional), comprenant aussi bien des protestants, des catholiques que des musulmans, ont demandé le 15 mai au gouvernement de faire la lumière sur les personnes ou les groupes qui entretiennent le conflit aux Moluques. Selon eux, les Moluquois, chrétiens comme musulmans, aspirent à la paix et la présence et l’action tant des Laskar Jihad que des partisans de la RMS sont utilisées pour exacerber ce conflit.