Eglises d'Asie

Tamil Nadu : vives réactions d’industriels concernés par une manifestation contre le travail des enfants

Publié le 18/03/2010




Beaucoup de dirigeants et militants chrétiens se sont associés à une manifestation organisée le 30 avril dernier dans le Tamil Nadu, pour s’opposer au travail des enfants dans cet Etat du sud de l’Inde. 5 000 personnes ont participé à cette démonstration qui se déroulait à Virudhunagar, la ville où est né Kumaraswami Kamaraj, un des politiciens les plus influents de l’Inde contemporaine, le dernier des grands disciples du Mahatma Gandhi. Mais Virudhunagar est aussi aujourd’hui la cité où l’industrie des feux d’artifice et des allumettes emploie un grand nombre de mineurs. Aussi bien les manifestants se sont heurtés aux protestations et aux dénégations des patrons d’usine et de certains groupes hindouistes qui ont voulu voir dans cette campagne un “complot chrétien” dirigé contre l’hindouisme.

Parmi les manifestants représentant plus de 150 associations se trouvaient un certain nombre de délégués de l’archidiocèse de Madurai et, en particulier, Mgr Antony Pappusamy, son évêque auxiliaire. Celui-ci a justifié sa présence parmi les protestataires en affirmant que le travail des enfants était une des questions les plus brûlantes de la région. Selon lui, des milliers de mineurs étaient employés par les manufactures d’allumettes et de feux d’artifice, en dépit des directives des Nations Unies interdisant l’exploitation du travail des enfants jusqu’à l’âge de 18 ans. Le prélat a ajouté que, depuis plus de trois décennies, l’Eglise catholique essaie de mobiliser la population et les pouvoirs publics sur la nécessité de mettre un terme à cette violation des droits de l’enfant.

Dans le défilé, les femmes étaient les plus nombreuses et portaient des pancartes sur lesquelles on pouvait lire : “Fin au travail des enfants ! “Gardons nos enfants hors des manufactures de feux d’artifice ! “N’exploitez pas les enfants ! Certains des mots d’ordre criés par elles affirmaient que les “réjouissances publiques” étaient mieux illuminées par des chandelles que par des “feux d’artifice” confectionnés grâce à la peine des enfants. Lors de la clôture de la manifestation, un de ses organisateurs, I. Anthonyswami, du Mouvement d’Action sociale, a donné pour consigne aux consommateurs de ne pas utiliser des produits marqués par la sueur et le sang des enfants. V. Karuppan, de la Campagne nationale pour les droits des dalits, s’est adressé directement aux patrons d’industrie exigeant d’eux qu’ils fassent la preuve officielle que les enfants n’étaient pas employés dans la production des allumettes et des feux d’artifice.

Le mouvement du 30 avril en faveur des enfants a suscité des démentis de toutes sortes du côté des patrons dénoncés pour leur exploitation du travail des enfants. Ils ont fait publier dans la presse des déclarations d’innocence, affirmant que leurs usines n’employaient plus d’enfants depuis que des lois gouvernementales l’interdisaient. Au cours du mois de mars dernier, certains d’entre eux avaient fait manifester des étudiants pour montrer que les enfants étaient à l’école et non pas en usine. Un propriétaire de manufacture a même averti qu’il intenterait un procès à quiconque parlerait ou écrirait sur le travail des enfants dans les usines de la ville. En outre, des groupes hindous ont pris le relais des protestations patronales en affirmant que la récente campagne contre le travail des enfants était animée par les Eglises chrétiennes et était, en réalité, dirigée contre les fêtes hindoues telles que le Deepavali (procession des lampes allumées). Des grands placards affichés à Sivakasi, lieu où se trouvent les manufactures d’allumettes et de feux d’artifice, présentaient la campagne comme une activité subversive des prêtres, destinée à propager le christianisme. Un chroniqueur de la presse locale, membre d’un groupe d’extrême droite, a traité les militants impliqués dans la manifestation d’“exploiteurs des pauvres et de larbins à la solde de l’étranger ».

Une loi pour la prohibition et la réglementation du travail des enfants a été adoptée le 23 décembre 1986 en Inde. En particulier, elle interdit l’emploi des enfants dans les industries à haut risque, comme celles où sont produits feux d’artifice et allumettes. Depuis cette époque, selon une enquête récente du Mouvement contre le travail des enfants (1) ils ne sont plus employés à l’intérieur des manufactures mais accomplissent leur ouvrage chez eux avec autant de risques (2).