Eglises d'Asie

Une réunion de hauts responsables concernant les Affaires religieuses du pays ignore volontairement un projet d’ordonnance mal accueilli par les croyants

Publié le 18/03/2010




Selon les rapports de la presse officielle, une réunion au plus haut sommet s’est tenue à Hanoi, du 22 au 24 avril 2002, pour y débattre des affaires religieuses du pays. Les travaux des hauts responsables gouvernementaux et régionaux réunis pour la circonstance ont porté sur le bilan de l’action accomplie par l’Etat dans le domaine religieux au cours de l’année écoulée, sur les perspectives envisagées pour l’année 2002 et surtout sur la façon dont a été appliqué l’arrêté 26/CP-ND, qui est l’avant-dernier document législatif en matière religieuse, publié en avril 1999. Les articles relatant cette réunion (1) empruntent tous le ton convenu, habituel en ce genre de questions, et, en fin de compte, ne fournissent que très peu de renseignements précis. La phraséologie officielle camoufle autant qu’elle le peut le jugement porté par les autorités sur la situation religieuse du pays et les orientations précises qu’ils comptent suivre. On peut cependant tirer un certain nombre de conclusions indirectes à partir de quelques-unes des indications fournies par les rapports officiels.

Les personnalités présentes pour ce débat sur la situation religieuse du pays sont d’un certain niveau, ce qui pourrait signifier que cette réunion revêtait une certaine importance. Trente représentants des régions dont les noms et les fonctions ne sont pas cités ont, chacun, apporté leur contribution au débat général (2). Mais les rapports ont surtout insisté sur deux hauts responsables qui sont intervenus l’un le premier jour du congrès, le second le dernier jour.

Le premier d’entre eux, Truong Quang Duoc, est responsable d’un organisme qui joue un tout premier rôle dans le contrôle des affaires religieuses, le Comité d’action (de mobilisation) populaire, correspondant à ce que les Partis communistes occidentaux appelaient l’agit-prop. Cet homme en pleine ascension fut longtemps haut directeur du Service des douanes et chef de la section du Parti de Da Nang. Lors d’une tentative de rajeunissement des cadres en janvier 2000, il a été nommé à la tête du Comité d’action populaire. Lors du dernier congrès du parti, où il a pris parti contre l’ancien secrétaire général, Lê Kha Phiêu, il est entré au Bureau politique. Il a joué un rôle important dans la reprise en main qui a suivi les troubles sur les Hauts Plateaux. Dans son intervention à la réunion de Hanoi, il n’a fait, selon les rapports, aucune allusion à la liberté religieuse et à son exercice au Vietnam. Par contre, il s’est montré satisfait de la soumission des croyants aux directives et aux politiques du Parti. Il a annoncé l’orientation de la politique religieuse du Parti pour l’année 2002 : la gestion étatique des affaires religieuses sera renforcée, la propagande au sein des milieux religieux sera intensifiée tandis que l’on veillera à introduire des éléments plus militants (côt can) à l’intérieur du clergé. Enfin, il a été annoncé qu’un projet concernant le domaine religieux serait présenté au 7ème plenum (réunion du Comité central) qui doit avoir lieu vers la fin de l’année 2002 (3). C’est Nguyên Công Tan, lui aussi personnage bien connu, qui a prononcé le discours de clôture de la réunion, le 24 avril 2002. Il s’est surtout adressé aux cadres chargés des affaires religieuses et aux membres du Bureau des Affaires religieuses. Il a exigé d’eux une connaissance profonde de la politique gouvernementale en matière religieuse. Il leur a rappelé l’importance de leur rôle politique, à savoir la mobilisation des milieux religieux au service de la patrie.

En dehors de la présence de personnalités politiques de premier plan, l’élément sans doute le plus marquant de cette réunion est l’absence de toute référence à un projet d’ordonnance en matière religieuse auquel le gouvernement semblait tenir. Le Bureau des Affaires religieuses l’avait soumis à l’examen de la Conférence épiscopale et aux prêtres des divers diocèses, à partir du 25 décembre 2000 (4). Le projet avait été rejeté quasi unanimement par les milieux concernés (5). Les évêques de la province ecclésiastique de Hô Chi Minh-Ville (6) voyaient même dans ce document l’illustration “d’un système fonctionnant par demande et octroi d’autorisation, système qui crée de l’arbitraire et a des conséquences négatives sur la société”. Après son examen par les milieux religieux, ce projet aurait dû être soumis au Bureau permanent de l’Assemblée nationale pour correction et promulgation. Or, tout semble indiquer aujourd’hui que cette ordonnance a été abandonnée. Aucun des rapports officiels sur la réunion du 22-24 avril dernier n’y fait la moindre allusion. Au contraire, de nombreuses références sont faites au document législatif qui a précédé cette ordonnance, l’arrêté 26/1999/ND.CP du 19 avril 1999 (7) avec sa lettre d’application du 16 juin 1999 (8), un décret qui, en son temps, avait, lui aussi, été très mal accueilli et pour lequel, les évêques avaient envoyé un communiqué critique aux autorités. On peut penser que le projet qui, selon Truong Quang Duoc doit être présenté au 7ème plenum reprendra sur de nouvelles bases le contenu de cette ordonnance ignorée aujourd’hui.