Eglises d'Asie

Chrétiens et musulmans dressent un bilan et tirent les conclusions des événements du Gujarat

Publié le 18/03/2010




Le procès des instigateurs des massacres du Gujarat continue de s’instruire à travers les déclarations et les analyses élaborées par diverses personnalités des milieux catholiques et musulmans. Quelques-unes d’entre elles étaient présentes à une réunion organisée dans les locaux de la cathédrale du Sacré-Cœur à New Delhi, par la Commission Justice et paix’ du diocèse, pour discuter des perspectives de paix dans le Gujarat (1).

Présente à cette réunion, la fondatrice du Forum des femmes musulmanes, le docteur Saieeda Hamid, a voulu d’emblée souligner la dimension nationale de ce qui était en train de se passer dans l’Etat du Gujarat. Elle a affirmé que le groupe extrémiste Rashtriya Swayamsewak Sangh (Corps national des volontaires, RSS) a choisi le Gujarat comme terrain d’expérimentation pour y mettre à l’épreuve sa politique nationaliste. “Si le carnage du Gujarat n’est pas stoppé immédiatement, il est inéluctable qu’il s’étende au reste du pays a-t-elle ajouté. Selon elle, les troubles actuels ne sont pas simplement des conflits mettant aux prises des communautés de religions différentes. Il s’agit là d’un génocide cautionné par le pouvoir d’Etat, d’un nettoyage ethnique de la population musulmane par les hindous. Elle a rapporté à ce sujet qu’un parlementaire du Bharatiya Janata Party (Parti du peuple indien, BJP), Maya Kodnani, avait pris la tête d’un groupe d’incendiaires et de pillards qui, à Naroda Patia, ont massacré des musulmans après avoir brûlé leurs demeures (2). Elle a fait remarquer qu’au cours de ces heurts prétendument intercommunautaires, seules les maisons musulmanes avaient été incendiées. Curieusement, les habitations des hindous sont restées intactes. La dirigeante féministe a aussi mis en cause les deux journaux locaux, Gujarat Samachar et Sandesh (3), qui ont jeté de l’huile sur le feu en publiant des récits mensongers des événements en cours.

Le responsable des relations publiques de la Conférence épiscopale est également intervenu et a rendu compte d’une visite effectuée par lui et son équipe dans un village appelé Talon, le 2 avril dernier, après les massacres. Avant que n’éclatent les troubles, quarante familles musulmanes y vivaient. Lors de la visite, il n’y avait plus de traces visibles de la population musulmane. La mosquée était partiellement détruite et les émeutiers avaient écrit sur ses murs des slogans hindouistes. Le prêtre avait alors interrogé un groupe de jeunes gens pour savoir ce qui s’était passé. Il lui avait été répondu d’aller d’abord interroger les musulmans et de venir ensuite rapporter la réponse au village. Les jeunes gens avaient également affirmé que six fusils d’assaut et deux lances-roquettes avaient été découverts dans un camp d’hébergement d’Ahmedabad, une affirmation sans aucun fondement, a dit le prêtre. En réalité, selon des informations sérieuses, les musulmans qui ont fui le village de Talon avaient été victimes de représailles déclenchées par des reportages mensongers des quotidiens Gujarati Samacha et Sandesh. Le prêtre a également fait état des menaces qui ont été proférées contre les musulmans qui faisaient partie de son équipe. Le patron de la pension de famille où il logeait a été sommé de refuser le logis aux musulmans de l’équipe sous peine de voir son établissement rasé. Des menaces du même type ont été directement adressées au prêtre qui a été prié de renvoyer sur le champ les musulmans membres de son groupe.

A la fin de la réunion, un certain nombre de suggestions ont été faites et des résolutions ont été prises. Une campagne de signatures devait être lancée accompagnée d’un mémorandum envoyé au président de la République visant l’interdiction des groupes hindouistes extrémistes comme le Vishwa Hindu Parishad (Conseil mondial hindou), le Rashtriya Swamaaysewak Sangh (Corps national des volontai-res), le Bajrang Dal et le Shiv Sena (L’armée de Shiva). D’autres résolutions ont été prises qui ont pour objectif de rétablir les ponts entre les communautés musulmanes et hindoues. Une circulaire en ce sens a été rédigée pour les catholiques de Delhi par Mgr Vincent Concessao. Elle demande aux chré-tiens de l’archidiocèse de s’efforcer de créer des liens de solidarité entre les divers groupes religieux.