Eglises d'Asie

Dans un message adressé aux fidèles bouddhistes à l’occasion de l’anniversaire de la naissance de Bouddha, le patriarche du bouddhisme unifié appelle les fidèles à la résistance

Publié le 18/03/2010




Depuis la petite pagode du village de Nghia Hanh, dans le Quang Ngai, où il est assigné à résidence sans avoir été jamais jugé, le vénérable Thich Huyên Quang, patriarche de l’Eglise bouddhiste unifiée a envoyé un message aux bouddhistes vietnamiens, à l’occasion de la fête du Vesak (le 2546e anniversaire de la naissance de Bouddha). Ce texte contient un appel à résister à la politique religieuse du gouvernement, qui vise à éradiquer du pays le bouddhisme indépendant. Il incite le clergé et les fidèles à se rassembler dans un mouvement pour la liberté religieuse et la défense de la démocratie et des droits de l’homme.

Le religieux, âgé aujourd’hui de 84 ans, est, depuis vingt ans, condamné à l’exil intérieur dans le Centre-Vietnam, pour avoir refusé de rejoindre l’Eglise bouddhiste vietnamienne, créée par le gouver-nement dans les années 1980 pour supplanter le bouddhisme traditionnel (1). Il persiste aujourd’hui dans ses positions et demande aux adeptes du bouddhisme de défendre la liberté du bouddhisme unifié contre toute tentative de contrôle de l’Etat : “Les bouddhistes vietnamiens ne peuvent pas consentir à l’extinction du Bouddhisme dans leur pays. Ils ne peuvent pas se laisser réduire à être des instruments au service d’une idéologie temporelle ou de pouvoirs politiques… Ces derniers passeront avec le temps. Il n’existe pas, en effet, de pouvoir politique, de dynastie ou de régime, quel que soit leur degré de répression ou de démagogie, qui puissent échapper aux lois de l’impermanence.” (2)

Depuis la création d’une Eglise bouddhiste à sa dévotion en 1981, le gouvernement a mis en œuvre une politique destinée à “unifier” le bouddhisme, c’est-à-dire à forcer l’Eglise bouddhique unifiée à se joindre à l’Eglise d’Etat en arrêtant et persécutant ceux qui s’y refusent. La visée finale de cette politique mise en place par Xuân Thuy, un ancien secrétaire du comité central, principal responsable du comité de mobilisation populaire et du Front patriotique, a été révélée par un cadre de haut niveau, aujourd’hui dissident, Do Trung Hiêu, qui a rédigé un récit de la création de l’Eglise d’Etat (3). Tout en accordant un minimum de liberté au culte, il s’agissait de priver la religion de tout contact avec la société civile, de la dépouiller de son contenu spirituel et graduellement de transformer le bouddhisme en instrument du Parti communiste. Faisaient aussi partie de cette politique, les 3 000 agents de sécurité qui, selon divers témoignages, auraient été infiltrés à l’intérieur des pagodes pour contrôler le bouddhisme de l’intérieur.

Dans son message, le patriarche du bouddhisme unifié appelle les bouddhistes à la résistance et leur demande de réaliser ici bas la mission de bodhisattva, (être humain ayant atteint l’illumination mais restant parmi ses frères pour assurer leur libération de la souffrance et de l’injustice). Reprenant un thème contenu dans le Sûtra du Lotus, il exprime sa conviction que les bouddhistes vont se lever et affronter la répression comme “d’innombrables bodhisattva jaillissant du fond de la terre pour défendre le bouddhisme et protéger la patrie vietnamienne Au Sangha des religieux et des religieuses, le patriarche attribue un rôle prophétique (voir d’avance), tandis que les laïcs bouddhistes sont conviés à jouer le rôle de pionniers (agir aux avant-postes) dans les zones les plus dangereuses de la société pour y apporter la paix et la sérénité et bâtir un monde humain et fraternel.

Les deux plus hauts dignitaires du bouddhisme unifié sont aujourd’hui isolés de leurs confrères et de leurs fidèles par les soins du gouvernement vietnamien. Le vénérable Thich Huyên Quang ne peut quitter la pagode où il réside dans le Quang Nam. Une tentative menée par ses confrères de tout le Vietnam pour le libérer et le ramener à Saigon pour y subir un traitement médical a échoué l’année dernière. Pour y avoir participé, son second, le vénérable Thich Quang Dô a été, lui-même, isolé dans sa cellule monastique de la pagode de Thanh Minh Thiên à Hô Chi Minh Ville depuis le 1er juin 2001.