Eglises d'Asie

Dans un Timor-Oriental officiellement indépendant depuis le 20 mai 2002, l’évêque catholique du diocèse de Dili affirme que l’Eglise restera une “voix morale” au service de ses habitants

Publié le 18/03/2010




Au cours d’une interview accordée à différents médias internationaux le 17 mai dernier, soit trois jours avant les cérémonies officielles marquant l’avènement de l’indépendance du nouvel Etat du Timor-Oriental, Mgr Carlos Belo, administrateur apostolique du diocèse catholique de Dili, a déclaré qu’à l’époque de l’occupation indonésienne, de 1975 à 1999, l’Eglise catholique avait sans relâche œuvré en étant la voix des sans voix. “L’Eglise était la seule institution indépendante qui a élevé la voix au nom du peuple (timorais) tandis que les autres voix étaient quasiment réduites à un silence complet”, a-t-il affirmé. A l’avenir, a-t-il continué, “si quelque chose ne tourne pas rond, nous dirons que cela ne va pas. Si quelque chose est bon, nous dirons nos félicitations”. Le prix Nobel de la paix 1996 – prix également co-décerné à Jose Ramos Horta – a poursuivi en ces termes : “Nous prendrons la parole pour éviter que la corruption ne se répande, pour appeler les Timorais de l’Est à travailler plus, pour maintenir la paix et la tranquillité”.

Précisant que la ligne de conduite de l’Eglise au Timor-Oriental serait fondée sur les valeurs chrétiennes, la déclaration universelle des droits de l’homme et la doctrine sociale de l’Eglise, Mgr Belo a annoncé que l’Eglise ne se contenterait pas de travailler sans relâche “pour l’âme (du pays), mais aussi pour son corps”, signifiant par là qu’elle comptait s’engager concrètement dans le développement du nouvel Etat. La priorité pour l’Eglise, a continué l’évêque de Dili, va aux ressources humaines, les défis auxquels le Timor-Oriental doit faire face étant “considérables” dans les domaines de la reconstruction, de la santé et de l’éducation (1).

A l’adresse de la communauté internationale, Mgr Belo a déclaré que “le combat continue”, précisant que l’Eglise était désireuse “de défendre le Timor-Oriental au sein des instances internationales, afin d’obtenir l’aide financière et l’assistance technique nécessaires au développement du pays”. La tâche la plus urgente consiste en la reconstruction des écoles et des autres infrastructures, a-t-il précisé. “Nous sommes la nouvelle nation de ce millénaire, mais nous sommes aussi une des plus pauvres de la région”, a-t-il déclaré, ajoutant que le Timor-Oriental devait construire de nouvelles relations avec l’Indonésie, mettant “la période de l’occupation derrière nous”.

Au sujet du processus de réconciliation au sein de la société est-timoraise, tout en affirmant que “le passé est le passé”, Mgr Belo a dit ne pas être “totalement satisfait” du travail en cours (2). “Les crimes graves (qui ont été commis) doivent être punis, a-t-il déclaré. J’entends les voix des veuves, les complaintes des femmes violées, celles des orphelins, qui ne veulent pas croiser dans la rue leurs agresseurs d’hier. Comment résoudre ceci ?”

Comme en écho aux propos de l’évêque de Dili, Xanana’ Gusmao, président élu en avril dernier et qui a prêté serment le 19 mai, a insisté, dans une interview accordée à l’agence catholique Ucanews (3), pour dire que ses objectifs à la tête de la nouvelle nation étaient certes “la démocratie, la stabilité et le développement” mais aussi “l’unité nationale et la réconciliation”. “Nous avons commencé le processus de réconciliation par des réunions à haut niveau, entre hommes politiques, mais nous n’en avons pas vu le fruit. C’est pourquoi nous avons démarré une nouvelle phase qui passe par des contacts à la frontière (entre le Timor-Oriental et la province indonésienne du Timor occidental) pour parler aux gens”, a-t-il expliqué, ajoutant que les réfugiés toujours présents en Indonésie “doivent revenir maintenant” et que “ceux qui ont commis des violences [au moment en août-septembre 1999] » reviendront dans un second temps, la justice leur étant garantie par la Constitution du Timor-Oriental.

Au sujet de l’Eglise catholique, Xanana’ Gusmao a témoigné de sa “grande reconnaissance” pour le rôle assumé pendant les années de l’occupation indonésienne. “Aujourd’hui, l’Eglise doit jouer un rô-le aussi important dans la construction d’une nation indépendante. La société civile du Timor-Oriental est encore embryonnaire”, a-t-il ajouté, précisant : “Je vois un rôle très important pour l’Eglise – celui de faire passer un message aux gens, non seulement la nécessité de respecter la démocratie, mais aussi donner confiance aux gens, que ce soit en tant qu’individus ou en tant que groupes”.

Le Timor-Oriental est peuplé de 740 000 habitants dont 90 % sont catholiques, les dix pour cent restants se répartissant en une petite communauté musulmane, en protestants et en animistes. L’Eglise catholique est organisée autour de deux territoires, celui de Dili et celui de Baucau. L’érection d’une troisième circonscription ecclésiastique est à l’étude et permettra la formation d’une Conférence des évêques catholiques du Timor-Oriental.