Eglises d'Asie

La traduction officielle d’un dictionnaire des religions irrite les catholiques qui lui reprochent son ignorance des réalités et du vocabulaire du catholicisme vietnamien

Publié le 18/03/2010




Alors que les théologiens et les spécialistes des sciences sacrées appartenant aux diverses confessions religieuses du Vietnam sont quasiment dans l’impossibilité de publier leurs œuvres malgré la création récente d’une maison d’édition officielle spécialisée dans les écrits religieux (1), la permission d’éditer est généreusement donnée aux divers chercheurs en sciences religieuses dont les productions sont qualifiées de scientifiques par les responsables officiels de la production culturelle. C’est ainsi que l’on peut observer la parution régulière d’une revue trimes-trielle, appelée Etudes religieuses, dont le contenu touche moins la recherche que la gestion des affaires religieuses du pays. Dernièrement les Editions des sciences sociales se sont lancées dans un projet ambitieux : éditer des dic-tionnaires rendant compte de l’ensemble des réalités religieuses. C’est dans ce cadre qu’a été publiée une tra-duction par Lê Diên du Dictionnaire des religions de Marguerite-Marie Thiollier, réédité en 1971 chez Larousse. A lire les articles critiques consacrés à cet ouvrage, parus dans l’organe du Comité d’union du catholicisme, Le Catholicisme et la Nation (1), les capacités de son auteur n’ont pas été à la hauteur de ses ambitions.

Dans un article publié sous le titre : “Un dictionnaire des religions comportant trop d’erreurs le P. Nguyên Hông Giao, franciscain, a exprimé la déception que lui a causé la lecture de cette traduction : “Après avoir lu la version vietnamienne et l’avoir soigneusement comparée à l’original français, j’ai totalement été déçu. Je ne sais pas ce qu’il en est en ce qui concerne les autres religions, mais, la plus grande partie de ce qui est écrit sur le catholicisme (la traduction) regorge de passages erronés, inacceptables dans un ouvrage qui se veut scientifique.” Un certain nombre d’erreurs tiennent aux déficiences du traducteur dans le domaine de la langue française. Beaucoup d’autres ont pour cause son ignorance du dogme, de la pratique et de l’histoire du catholicisme. C’est ainsi que les clarisses, appelées selon la tradition, dans le texte français, des “Pauvres dames” deviennent en vietnamien de “misérables religieuses”. Au lieu de dire de l’évêque qu’il ordonne les prêtres et administre les sacrements de l’ordre et de la confirmation, la traduction proposée par les Editions des sciences sociales, affirme qu’“il dirige les ecclésiastiques, gère les saintes cérémonies quant à l’ordre et à la confirmation”. Les termes du lexique religieux français sont traduits par des vocables vietnamiens relevant de la plus haute fantaisie. Le Saint Office devient “la Sainte Obligation le sacrement, une “sainte cérémonie l’eucharistie, la “cérémonie de l’église” (bâtiment).

Ces quelques exemples, fait remarquer le P. Nguyên Hông Giao, prouvent à l’évidence que l’auteur de la version vietnamienne du dictionnaire, pour traduire le vocabulaire technique et spécialisé du catholicisme, n’a eu à sa dis-position que les pauvres ressources du lexique usuel. Depuis que le christianisme a été introduit au Vietnam voilà plus de cinq siècles, les prêtres et les laïcs ont été confrontés à la nécessité impérieuse d’exprimer dans leur langue de nouvelles réalités et de nouvelles expériences vécues par eux dans le cadre de leur foi religieuse. Aujourd’hui, après des siècles de recherche et d’expérimentation, ils ont à leur disposition un vocabulaire relativement précis et abondant, utilisé par des millions de Vietnamiens catholiques, un vocabulaire qui fait partie intégrante de la langue du pays et est devenu familier à leurs compatriotes non chrétiens qui, souvent, l’utilisent avec une grande justesse.

Dans sa conclusion, le religieux franciscain fait grief de cette ignorance aux autorités politiques et administratives du pays, qu’il ne nomme pas. Il leur reproche de négliger volontairement ces ressources linguistiques apportées au pays par le christianisme. Les écrits officiels, en effet, se complaisent à nommer certaines réalités chrétiennes par des mots désuets et surannés, ignorés aujourd’hui du commun des locuteurs vietnamiens. Depuis Hô Chi Minh, les communistes s’obstinent à désigner l’Eglise (Assemblée) et l’église (bâtiment) par le même mot nha tho, alors que n’importe quel Vietnamien sait utiliser deux termes pour distinguer ces deux réalités. Dans les ouvrages théoriques officiels, on continue d’employer pour désigner le christianisme des termes comme Dao Co Dôc, ou encore Dao Gia Tô, qui sont des phonétisations chinoises, importées au Vietnam, des mots Christ et Jésus, autant de termes inadéquats et un tantinet péjoratifs que, depuis longtemps, la population vietnamienne n’emploie plus, voire ignore.