Eglises d'Asie – Vietnam
RAPPORT SUR LA SITUATION DES DROITS DE L’HOMME ET DE LA LIBERTE RELIGIEUSE AU VIETNAM – Commission pour la liberté religieuse de l’Alliance évangélique du Canada – février 2002 –
Publié le 18/03/2010
… dans la récente publication de l’association américaine Human Rights Watch, intitulée “Répression des montagnards : conflits à propos des terres et des religions”. Le document ci-dessous a été traduit en français par M. Nguyên Tan Duc.
Introduction : droits de l’homme et liberté religieuse au Vietnam
Un des cinq derniers pays communistes du monde, le Vietnam gouverne ses 80 millions d’habitants par un de ces dont on connaît le sort lamentable au XXe siècle. A l’instar de la Chine, il a rejeté beaucoup de l’idéologie marxiste, ce qui a permis d’améliorer substantiellement son économie, même si la moitié de la population continue de vivre dans la pauvreté. Le Vietnam, cependant, s’accroche fermement au dogme de la domination du Parti communiste sur tous les aspects de la vie politique et sociale au point d’inscrire ce principe dans sa Constitution. Aucune opposition politique n’est autorisée. La liberté de la presse n’existe pas : tous les médias sont sous le contrôle de l’Etat. Il n’y a pas de justice indépendante. Les rassemblements publics doivent avoir la permission des autorités. Il n’existe pas de syndicats indépendants. Sur l’échelle des libertés civiques et politiques, le Vietnam obtient la note 7 (la plus mauvaise) dans le rapport Freedom in the World 1998-1999 de Freedom House (1), et l’avant-dernière (note 6) en ce qui concerne la liberté religieuse dans l’édition 2001 de Religious Freedom in the World (2), un ouvrage devenu rapidement le standard pour évaluer le degré de liberté religieuse d’un pays. En dépit des dénégations officielles de ses autorités, le Vietnam demeure un violateur systématique de la liberté religieuse. Le traitement que le Vietnam inflige à sa minorité protestante est particulièrement répréhensible (3).
L’importance de la liberté religieuse
Nombreux sont les politiciens, diplomates, journalistes et scientifiques en Occident qui souffrent de ce que Paul Marshall, un spécialiste des droits de l’homme, avait nommé la “myopie séculière”, qui signifie l’incapacité de percevoir ou de comprendre correctement le rôle de la religion dans la vie des individus et sur le plan politique. Les croyances religieuses profondément ancrées ou les croyances professées par des idéologies laïques sur la religion sont les principaux moteurs des grands événements dans le monde d’aujourd’hui. Alors que dans certaines situations le discours religieux a été utilisé pour justifier la répression des droits de l’homme, la religion a joué et continue de jouer un rôle important dans la démocratisation des nations aussi diverses que le Mexique et la Pologne.
La liberté religieuse a été appelée la première liberté parmi les droits de l’homme, ou encore la “liberté mère” (4). Ironiquement, la fixation que se font les communistes chinois et vietnamiens sur les mouvements religieux dans leurs juridictions respectives montre probablement qu’ils ont une meilleure compréhension de l’importance du fait religieux dans la société civile que beaucoup de dirigeants politiques en Occident. En examinant le rôle de la religion dans la promotion de la société civile et dans la démocratisation dans de nombreux pays du monde, il est clair qu’une recherche sur la liberté religieuse au Vietnam est fondamentale pour la connaissance des possibilités de réforme démocratique dans ce pays.
Les religions au Vietnam
Le Vietnam est une des sociétés les plus religieuses de l’Asie. Le culte des ancêtres, l’animisme et les religions organisées imprègnent encore la vie et la sociétés vietnamiennes. Même les déclarations officielles du gouvernement reconnaissent le fait que 70 % du peuple vietnamien pratiquent une religion et que cela exige une certaine organisation. (Par contraste, les membres du Parti communiste ne représentent que 3 % de la population.) Il est intéressant de noter que le Parti communiste envisage actuellement d’ériger quelques-uns de ses dirigeants récemment décédés en figures nationales à qui un culte est dû, rivalisant ainsi avec la pratique historique du culte des héros nationaux (5).
Au cours de la période post-révolutionnaire, le Vietnam a entrepris des campagnes systématiques de répression contre les religions organisées. Des chefs religieux furent arrêtés et condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement, tous les missionnaires expulsés, leurs biens confisqués, et la formation et la nomination de nouveaux dirigeants religieux restreintes de façon draconienne. Les groupes religieux furent bannis de l’enseignement, du corps médical et d’autres services sociaux. L’éducation et la littérature religieuses étaient virtuellement éliminées. La Bible était traitée comme marchandise de contrebande.
Depuis l’avènement du Doi Moi ( Renouveau’ : version vietnamienne de Glasnost et Perestroïka) à la fin des années 1980, la politique la plus répressive a subi quelque changement. Le Vietnam prétend reconnaître aujourd’hui six “religions officielles”, nommément, par ordre d’importance décroissante : bouddhisme, catholicisme, caodaïsme, Hoa Hao, protestantisme et islam. En fait, cela signifie que l’Etat, à travers son Bureau des Affaires religieuses et les sections spéciales de son ministère de la Sécurité publique, a créé par cooptation ou par coercition des petites organisations “patriotiques” et non représentatives à partir des six religions officielles. Les figures de proue de ces organismes cooptés ne sont pas reconnues ou respectées par les fidèles. Ces organisations sont des porte-voix du gouvernement et des marionnettes du Front de la Patrie (l’exception étant l’organisation protestante – l’Eglise évangélique du Vietnam – reconnue seulement en avril 2001, que nous examinerons plus loin).
La liberté religieuse au Vietnam
Des observateurs occasionnels ont cru voir, à tort, dans le culte librement célébré par certains organismes religieux dans des établissements, la preuve de la liberté de religion. Certes les églises catholiques et les temples protestants sont souvent combles plusieurs fois le dimanche, ce qui conduit certains à croire que tout est normal. Cependant, autoriser quelques pratiques religieuses est loin de signifier la liberté de religion selon les normes internationales.
La Constitution du Vietnam contient bien un article sur la liberté de religion, mais il est très en deçà des obligations stipulées par les accords internationaux que le Vietnam a signés tels que la Déclaration universelle des Droits de l’homme et la Convention internationale sur les Libertés politiques et civiques. Les fidèles doivent faire face à des menaces continuelles de la part du gouvernement qui impose que la liberté religieuse doit se pratiquer selon la loi’. Le Vietnam a longtemps promis de promulguer une législation approfondie sur la religion mais rien de tel ne semble en vue. Entre-temps les “lois” sur la religion ne sont qu’une série de décrets (le dernier en date étant le décret 26 de 1999) qui visent non pas à garantir les libertés, mais plutôt à contrôler et à proscrire les religions. Les décrets sur la religion, expliqués par la suite par une confusion de notes et de circulaires, sont souvent l’objet d’interprétations capricieuses de la part des autorités locales qui, elles, sont hostiles à la religion. Quand ces “lois” gênent le gouvernement et paraissent favoriser les croyants, elles sont commodément ignorées et ces derniers font l’objet d’“arrestations administratives” et de condam-nations, domaine où même la maigre jurisprudence du pays en la matière est mise à l’écart. De plus, les autorités sont passées maîtres dans l’art d’utiliser les subterfuges et les faux-semblants pour brutaliser et abuser les croyants. Les “lois” vietnamiennes en matière de liberté religieuse se situent bien en deçà des standards internationaux, celles qui existent sont violées et, dans la pratique, même les moindres protections légales offertes aux croyants sont constamment ignorées.
L’engagement d’un leader religieux dans la lutte pour la liberté religieuse est traité comme une activité politique illégale. Un cas fameux est celui du P. Nguyen Van Ly, arrêté à Huê en mai 2001 pendant que plusieurs centaines d’agents des forces de sécurité entouraient son église paroissiale. Après plusieurs mois de détention, il a été condamné à 15 ans de prison. Le vénérable Thich Quang Do était mis en résidence surveillée pour avoir projeté une manifestation en faveur du chef de la plus grande organisation religieuse du pays, l’Eglise bouddhique unifiée du Vietnam (EBUV), toujours interdite. Le chef suprême de l’EBUV, le vénérable Thich Huyen Quang, d’une santé fort précaire, est depuis longtemps en résidence surveillée. Le chef suprême de la religion Hoa Hao, Le Quang Liem, a également été arrêté et emprisonné en 2001. Si le Vietnam ose se conduire ainsi envers des dirigeants bien connus et de réputation internationale, on peut imaginer ce qu’il peut arriver aux croyants ordinaires.
La situation des protestants
Depuis 35 ans, les membres de la Commission pour la liberté religieuse de l’Alliance évangélique du Canada ont eu une expérience personnelle directe avec le mouvement protestant au Vietnam. La Commission comme d’autres organisations ont rassemblé une documentation considérable sur le déficit de liberté religieuse et la persécution des protestants au Vietnam (6).
En dépit des tracasseries et persécutions dont les protestants sont victimes sous le communisme, leur mouvement qui comptait 160 000 âmes en 1975 s’élève aujourd’hui (en 2001) à 1,1 millions – chiffre multiplié presque par sept en 26 ans. Presque les trois-quarts de tous les protestants appartiennent aux minorités ethniques. On compte quelque 500 000 montagnards (7) protestants dans les Hauts Plateaux du Centre, et plus de 200 000 croyants Hmong et Dao dans les provinces du Nord-Ouest. Le mouvement des Hmong a émergé il y a seulement 12 ans. Le reste des protestants des minorités ethniques appartiennent à l’Eglise évangélique du Vietnam, la plus ancienne et la plus impor-tante dénomination, ou à l’une des nombreuses églises domestiques qui ont commencé à voir le jour en 1988.
En avril 2001, après avoir tour à tour ignoré, harcelé et persécuté les protestants pendant 26 ans, les autorités du Vietnam ont accordé la reconnaissance légale à l’Eglise évangélique du Vietnam (EEVN). Nous pensons pouvoir attribuer ce revirement au désir du Vietnam de voir ratifier le Traité bilatéral sur le commerce avec les Etats-Unis. Le processus de “régularisation” des statuts de l’EEVN, selon le terme utilisé par les autorités, était tout à fait sur-réaliste. La fuite d’un document officiel secret a permis aux leaders protestants d’apprendre l’existence d’un plan par le-quel les autorités espéraient avoir la mainmise sur la direc-tion de l’EEVN. Ils ont résisté aux grossières tentatives du Bureau des Affaires religieuses pour manipuler quelques chefs protestants naïfs et ambitieux, et ont pu finalement élire les hommes en qui ils avaient confiance.
Les nouveaux dirigeants de l’EEVN, devenus circonspects, ont annoncé un plan ambitieux de “régularisation” de leur situation et d’un retour à la normale. Cependant, les neuf mois qui se sont écoulés depuis avril dernier ont montré que les autorités n’ont pas renoncé à leur intention de contrôler les affaires de l’Eglise. Jusqu’à présent, aucun progrès notable n’a été enregistré par l’EEVN. La formation des dirigeants n’est toujours pas autorisée, ni la publication de livres religieux dont le besoin se fait criant. Les propriétés confisquées n’ont pas été restituées. Les autorités ont traîné les pieds dans la mise en œuvre d’un organe directeur pourtant prévu dans la nouvelle constitution ecclésiale approuvée par le gouvernement, et ont simplement mis le veto sur certains noms de dirigeants choisis par l’Eglise. Alors que les leaders de l’EEVN font de leur mieux pour occuper le nouvel espace qui semble leur être offert, il est probable qu’ils devraient continuer à vivre comme s’ils étaient encore dans l’illégalité. Les bénéfices d’une reconnaissance légale sont encore à réaliser.
Grâce à la fuite de documents du Parti communiste vietnamien estampillés “secret” et “top secret”, nous avons une connaissance exceptionnelle des motivations qui expliquent la dureté avec laquelle les dirigeants vietnamiens se comportent vis-à-vis des protestants. Dans ces documents, M. Pham The Duyet, depuis longtemps représentant de la ligne dure du Bureau politique, aujourd’hui président du Front patriotique, explicite le cadre conceptuel d’une politique vis-à-vis du christianisme (8). Cela peut se résumer comme suit : “L’Amérique a perdu la guerre des bombes et des canons. Les ennemis du Vietnam n’ont pas encore abandonné la lutte contre la révolution du peuple. Leur nouvelle stratégie s’appelle évolution pacifique’ et leurs armes sont les droits de l’homme, la démocratie et la liberté religieuse. L’avant-garde de cette nouvelle attaque est la religion protestante. Voyez comment les Eglises ont aidé à renverser les régimes en Europe de l’Est. Soyez vigilants !”
Les minorités protestantes : victimes de choix des répressions
Les Montagnards des Hauts Plateaux du Centre
La majeure partie des 500 000 montagnards chrétiens des Hauts Plateaux, bien que historiquement liés à l’EEVN, ont connu un sort bien pire que celui de leurs coreligionnaires des plaines. Toutes leurs églises furent immédiatement confisquées dès la prise de pouvoir par les Communistes et l’ensemble des chrétiens entrèrent dans la clandestinité. Comme d’autres montagnards, ils ont vu, au cours des dernières années, nombre des terres qui leur appartenaient depuis toujours, illégalement expropriées, par saisie et corruption, au profit des Vietnamiens des plaines.
En février 2001, à la grande surprise de beaucoup, des milliers de montagnards ont manifesté devant les bureaux des autorités provinciales de Dak Lak et de Gia Lai. Ils protestaient contre la perte de leurs terres et la répression de leur foi religieuse. Les autorités réagirent par une répression massive menée par l’armée et les forces de sécurité. On découvrit que des agitateurs extérieurs avaient utilisé le réseau interne de l’Eglise pour communiquer entre eux. Bien qu’on n’ait identifié qu’une poignée d’extrémistes impliqués dans l’affaire, les protestations ont servi d’alibi à la répression contre l’ensemble du mouvement chrétien. Le mouvement d’opposition pacifique n’a servi qu’à renforcer le point de vue des partisans de la ligne dure sur la menace que représenterait la religion chrétienne.
Loin de prendre en considération les griefs des montagnards expropriés, les autorités dirigèrent leurs attaques contre leurs messagers. Plusieurs responsables chrétiens qui avaient, par le passé, exprimé pacifiquement les plaintes de leurs gens auprès des autorités, furent recherchés et arrêtés. Certains disparurent. Des centaines de personnes fuirent vers le Cambodge. Des chrétiens qui, des années durant, s’étaient retrouvés tranquillement en petits groupes, furent interdits de poursuivre leurs réunions. Les réunions cultuelles furent attaquées, les objets de culte confisqués. Les autorités se mirent à rechercher et à “interviewer” tous les responsables qu’elles connaissaient afin de déterminer si leurs motivations étaient purement religieuses ou aussi “politiques”.
Certains fonctionnaires locaux ont fait savoir qu’ils voulaient “éradiquer” le christianisme. Dans plusieurs villages de la province de Dak Lak (9), ils avaient organisé des “Cérémonies de repentance pour avoir embrassé le christianisme”. Venant dans un village accompagnés de nombreux cadres, policiers et soldats, ils “encourageaient” les chrétiens à boire un infect cocktail de sang d’animal fraîchement sacrifié et d’alcool de riz puissant pour manifester leur renoncement à la foi chrétienne. Effrayés par ce traitement, un grand nombre de croyants abandonnèrent leurs maisons pour s’enfuir dans la forêt ou vers le Cambodge.
Suite à cela, le Haut Commissariat aux Réfugiés a établi deux camps de réfugiés au Cambodge. Le plus récent groupe est arrivé dans ce pays en février 2002. La police cambodgienne a capturé quelques montagnards et les a rendus à la police vietnamienne contre récompense. Les responsables cambodgiens ont autorisé leurs homologues vietnamiens à pénétrer dans les camps pour prendre des films vidéo. C’est ainsi que le mauvais traitement de certains montagnards ramenés de force au Vietnam est maintenant bien documenté. Le HCR a failli dans sa mission de protection du peuple montagnard (10).
Devant cette situation, l’accord tripartite du 21 janvier 2002 entre le Cambodge, le Vietnam et le HCR pour rapatrier rapidement les 1 000 montagnards actuellement au Cambodge est préoccupant. Dans un communiqué conjoint, Human Rights Watch et Amnesty International ont protesté avec véhémence contre cet accord. Le rapatriement volontaire n’est pas requis dans l’accord et le HCR n’a pas reçu la pleine liberté pour surveiller la situation des réfugiés. On se demande pourquoi le HCR a signé le traité sur le rapatriement alors que les dangers qui menacent les réfugiés rapatriés sont si évidents. Certaines ONG présentes dans la région craignent que le HCR n’ait agi par sentiment anti-religieux et anti-américain. (Les montagnards dans les camps sont pratiquement tous chrétiens et certains avaient été engagés pendant la guerre au côté des Américains pour combattre le communisme.) Quelles que soient ses motivations, le HCR n’est manifestement pas à la hauteur de la mission de protection des réfugiés qu’on lui avait confiée. On ne peut accorder aucune crédibilité aux assurances proclamées par le Vietnam que les réfugiés rapatriés ne seront pas l’objet de représailles.
Les Hmong des Provinces du Nord-Ouest
Les documents du Parti et du gouvernement qui sont parvenus d’une façon ou d’une autre à la connaissance des organisations des droits de l’homme, ainsi que de nombreuses relations faites par les victimes, confirment une campagne systématique pour contenir et éradiquer le mouvement protestant parmi la minorité Hmong dans les provinces du Nord-Ouest (11). Cette campagne se poursuit actuellement sans répit. Nous avons une liste d’une vingtaine de chrétiens Hmong prisonniers de conscience purgeant en ce moment leur peine (12). Nous pensons qu’il y en a beaucoup d’autres.
Au milieu des années 1990, alarmé par développement rapide du protestantisme parmi les minorités, le Parti a changé sa tactique en cherchant à stopper le mouvement. Jusqu’alors il avait adopté la ligne marxiste traditionnelle selon laquelle la religion était un phénomène social sans utilité et une superstition qui disparaîtrait quand le peuple serait correctement éduqué et bénéficierait d’un niveau de vie convenable. Toutefois les médiocres perspectives en matière d’amélioration du niveau d’éducation et du niveau de vie des minorités ethniques ont convaincu les autorités de chercher des outils plus immédiats et plus efficaces pour contrer le christianisme. Elles décidèrent d’exploiter la division entre chrétiens et animistes chez les Hmong. Par décret, on décida que les croyances animistes traditionnelles n’étaient plus des superstitions rétrogrades à éradiquer, mais plutôt une belle tradition culturelle à préserver. On décrivit les chrétiens comme traîtres à leur propre culture et les chefs des tribus furent encouragés à reconvertir les chrétiens contre récompense. Le gouvernement organisa des séminaires pour mettre en œuvre cette politique dont le but était de faire signer aux chrétiens l’engagement de renoncer au christianisme et de retourner à la religion traditionnelle. Des avantages financiers étaient offerts à ceux qui se reconvertiraient. Si cela échouait, la force brutale était utilisée, souvent sous la forme de raids nocturnes à domicile par des fonctionnaires et des policiers. Les chrétiens Hmong ont envoyé des centaines de pétitions polies aux plus hautes autorités pour se plaindre de ces abus, le plus souvent sans succès. Ces documents, dont copie fut envoyée également à leurs coreligionnaires à l’étranger, firent état de coups et blessures, de viols et rapines et de toutes sortes de harcèlement et d’intimidation.
Une méthode particulièrement brutale consiste à menacer les chrétiens de détruire leurs maisons s’ils refusent de se reconvertir. Dans ce cas, les récalcitrants sont forcés de participer à la destruction de leurs propres maisons avant d’en être chassés. Au cours des cinq dernières années, le nombre de chrétiens Hmong qui ont fui vers d’autres endroits dans les provinces du Nord-Ouest et, plus au sud, à 1 300 km dans les Hauts Plateaux du Centre, dépasse dix mille. Des centaines de chrétiens Dao ont subi le même sort.
Des documents officiels en la possession des membres de la Commission pour la liberté religieuse montrent de façon indubitable que ces brutalités sont répandues et systématiques. Il ne s’agit pas du fait de quelques fonctionnaires locaux dévoyés, mais bien d’une politique préconisée par les dirigeants du Parti. On lira ci-dessous deux extraits de documents officiels du district de Bao Thang, province de Lao Cai, datés du 25 mai 2001 (13) :
Réduire progressivement le nombre des villages, des familles et des individus qui embrassent le christianisme illégalement.
Empêcher fermement et résolument les gens de se réunir pour prier, adorer et chanter des cantiques chrétiens, et en même temps, juger sévèrement ceux qui distribuent la Bible illégalement en contrevenant au décret 87/CP.
Comment qualifier cela, si ce n’est une flagrante violation de la liberté religieuse ?