Eglises d'Asie

Selon l’évêque du lieu, la présence de troupes américaines sur l’île de Basilan est appréciée par la population, désireuse de vivre en paix

Publié le 18/03/2010




Sur l’île de Basilan, au sud de Mindanao, où, depuis plusieurs mois, des troupes américaines sont à pied d’œuvre (1), la plupart des habitants ne souhaitent qu’une chose, la paix, et sont indifférents, ou en tout cas ne s’opposent pas à l’établissement d’une présence militaire américaine permanente. Telle est l’analyse que tient Mgr Martin Jumoad, évêque de la prélature d’Isabela, dont le territoire couvre l’île de Basilan. Dans un entretien accordé à l’agence Ucanews au début du mois de mai dernier, Mgr Jumoad a déclaré qu’il était opposé “en théorie” à la présence de bases américaines à Basilan mais, en tant que pasteur de ses fidèles, il “tendait à partager” l’accueil favorable que la population locale a réservé aux soldats américains, une population fatiguée des exactions commises par le groupe Abu Sayyaf et des combats entre l’armée philippine et ce groupe d’extrémistes musulmans versés dans le banditisme.

Arrivées en février dernier à Mindanao, les troupes américaines ont annoncé que leur objectif et la raison de leur présence étaient la libération de Martin et Gracia Burnham, le couple de missionnaires protestants enlevés par le groupe Abu Sayyaf il y a désormais plus d’un an (2). Les soldats américains n’étaient officiellement là que pour épauler leurs collègues philippins. Plus de trois mois après, le couple Burnham n’a toujours pas été libéré et le nombre des soldats américains présents aux Philippines est passé à près de 4 000, dont 600 stationnés sur l’île de Basilan. Depuis février, les troupes américaines ont aménagé des routes, bâti des camps et se sont entraînées avec l’armée philippine. Fin avril, les médias philippins ont fait état de plans indiquant que les Américains comptaient s’installer durablement à Basilan. Selon Mgr Jumoad, les travaux engagés par les Etats-Unis sur l’île témoignent d’une “volonté de rester”.

Tout en reconnaissant que, depuis l’arrivée de l’armée américaine, les gens “dorment bien la nuit”, Mgr Jumoad a déploré que les habitants de Basilan “ne raisonnent qu’à court terme, en fonction de leur sécurité immédiate, et ne cherchent pas à connaître les effets à long terme [de la présence améri-caine] ». L’évêque d’Isabela s’est déclaré opposé à l’installation de bases américaines dans l’île “car l’histoire a montré que les bases nuisent à notre société et à notre culture”, faisant référence à la cul-ture de dépendance et à l’industrie de la prostitution qui s’étaient développées autour des bases amé-ricaines de Clark et Subic Bay, bases fermées depuis plusieurs années maintenant. Dans l’immédiat, Mgr Jumoad estime que les infrastructures construites par les troupes américaines ne sont conçues que pour leur seul bénéfice et pour la guerre, et non pour le bien commun des habitants de l’île.

Selon le sénateur Rodolfo Biazon, vice-président de la Commission de défense du Sénat philippin, un récent rapport d’un think tank américain basé au Texas, Strategic Forecasting Inc., a expliqué que les hommes du génie de l’armée américaine qui construisent des routes, des ponts et des pistes d’atterrissage à Basilan sont là pour préparer l’installation d’une base avancée dont les Etats-Unis veulent se servir dans la lutte engagée contre le terrorisme en Asie. Selon ce rapport, Basilan est idéalement située pour cela du fait de sa proximité avec l’Indonésie et la Malaisie orientale, deux régions perçues par les Etats-Unis comme étant au centre d’activités impliquant des militants islamistes et des cellules de terroristes potentiels. Des responsables américains en visite aux Philippines ont déclaré, pour leur part, que les travaux engagés à Basilan visaient à soulager la pauvreté des populations locales et à ainsi supprimer une des causes du terrorisme.