Eglises d'Asie

Tension entre le Pakistan et l’Inde : les appels à la paix des chrétiens et d’une partie de la presse sont assourdis par les incitations à entreprendre une guerre limitée

Publié le 18/03/2010




La tension militaire entre l’Inde et le Pakistan n’a cessé de monter depuis le 14 mai, date à laquelle un attentat suicide à Jammu, dans le Cachemire indien, a fait 35 morts, attentat attribué par les autorités indiennes à des militants infiltrés en Inde à partir du Pakistan. Malgré cela, à plusieurs reprises, les dirigeants chrétiens de l’Inde ont essayé de peser sur les événements en faveur de la paix. Dès le 20 mai dernier, le porte-parole de la Conférence épiscopale, le P. Dominic Emmanuel, faisait connaître la désapprobation des chrétiens pour toute solution militaire au conflit actuel : “La guerre n’est jamais une solution, a-t-il répété. Elle n’ajoutera que d’autres misères aux épreuves déjà endurées par les deux peuples de l’Inde et du Pakistan.” Il a également fait remarquer que, si l’Eglise condamne les attaques terroristes, elle exige que soit mis en œuvre un mécanisme efficace susceptible de mettre un terme au cycle apparemment interminable de la violence.

Plus tard, le 25 mai, dans un communiqué de presse, les évêques de l’Inde ont renouvelé leur appel à la paix. Ils ont demandé aux deux pays en conflit de s’écarter à tout prix du conflit armé et de trouver une solution pacifique à leur dispute à propos de Jammu-Cachemire. Ils ont également condamné les attaques terroristes menées sur le territoire indien et demandé au Pakistan de faire son possible pour arrêter l’infiltration de terroristes dans la région du Cachemire indien, ce qui est le principal grief de l’Inde contre le Pakistan. Tout en soutenant les efforts du gouvernement indien, ils se sont déclarés convaincus que seul le chemin du dialogue et de la solidarité internationale serait efficace contre la violence aveugle. Le 20 mai précédent, le porte-parole de l’Eglise de l’Inde du Nord (protestante) exprimait le désir de son Eglise, à savoir que les deux pays presque belligérants entament sans tarder un dialogue de paix avec la participation de tous les secteurs de la société, en particulier des représentants des milieux religieux.

Ces appels à la paix ont également retenti ailleurs. Ils ont été repris quotidiennement dans une bonne partie de la presse indienne. L’éditorial du Times of India du 20 mai déclarait que l’Inde devait poursuivre et mettre en œuvre toutes les solutions alternatives à la guerre, qui reste le moyen le plus sûr de destruction mutuelle des deux pays.

Mais on entend bien d’autres voix, certaines aux accents plus bellicistes. Quelques-uns des membres du Parti du Premier ministre Atal Behari Vajpayee, le Bharatiya Janata Party (Parti du peuple indien, BJP), voudraient que l’Inde s’engage dans une guerre limitée avec le Pakistan. Cette guerre circonscrite dans le temps et dans l’espace aurait pour objectif de détruire les camps d’entraînement des terroristes situés au-delà de la “ligne de contrôle militaire” qui divise le Jammu et le Cachemire entre l’Inde et le Pakistan. “Puisque le terrorisme en Inde est alimenté depuis l’au-delà de la frontière, nous devons la franchir pour le rejoindre a dit Anand Geethe, parlementaire et membre de Shiv Sena (L’armée de Shiva). Le 17 mai dernier, le parlement indien a solennellement condamné les continuels actes de terrorisme encouragés par le Pakistan. Cette condamnation a été suivie de l’expulsion du haut commissaire pakistanais Ashraf Jehangir Qazi.

Depuis le massacre du 14 mai, les troupes des deux pays ont continué de se masser le long de la frontière et de la ligne de contrôle séparant les deux secteurs indien et pakistanais du Cachemire. Des échanges de tirs d’artillerie ont lieu sporadiquement. Le 27 mai, on annonçait qu’ils avaient fait 48 morts du côté pakistanais et 16 du côté indien. Le Pakistan vient d’ajouter à la tension existante entre ces deux puissances nucléaires de l’Asie du Sud en procédant à une série d’essais de missiles qui devait s’achever le mardi 28 mai.

Malgré la tension actuelle, un certain nombre d’observateurs restent optimistes. Plusieurs facteurs joueraient en faveur de la désactivation progressive de la tension, en premier lieu les pressions internationales sur les belligérants. Les forces sont déjà en présence depuis décembre dernier. Le risque d’escalade nucléaire joue ici, comme ailleurs, un rôle dissuasif.