Eglises d'Asie

Un religieux rédemptoriste explique à la police pourquoi il n’est pas allé voter le 19 mai 2002

Publié le 18/03/2010




Le 19 mai 2002, jour où tous les citoyens adultes du Vietnam étaient invités à aller déposer leurs bulletins dans l’urne en vue d’élire leurs futurs représentants à l’Assemblée nationale, le prêtre rédemptoriste bien connu, le P. Chân Tin est resté au monastère sans aller voter. Il avait annoncé son abstention un mois auparavant dans une déclaration faite à la police et transcrite sur un document daté du 19 mai et diffusé sur Internet. Le religieux y énumère les raisons qui, selon lui, l’ont dispensé d’accomplir ce devoir civique.

Un mois avant les élections, le religieux avait reçu la visite de deux policiers de son arrondissement qui au cours de la conversation firent allusion aux prochaines élections législatives. Le P. Chân Tin leur fit alors savoir qu’il n’irait pas déposer de bulletin de vote et qu’il n’était pas nécessaire de le faire appeler au bureau de vote dans l’après-midi lorsque l’on se serait aperçu de son absence. Il ne se dérangerait pas. Etonnés, les agents de la sécurité lui demandèrent d’énoncer les raisons de son abstention.

Le religieux a expliqué alors que les élections, telles qu’elles sont organisées au Vietnam constituent une loterie inepte, puisque les gros lots sont attribués à l’avance par le Parti et l’Etat, aidés par les membres du Front patriotique. En outre, c’est un jeu très coûteux, ou tout le monde, à 100 % est obligé de voter. Pour qu’il y ait de vraies élections, il faudrait que les candidats puissent se présenter librement et qu’ensuite les électeurs votent librement. Or dans un pays “socialiste qui s’autoproclame cent fois plus démocratique que les pays capitalistes, le Parti et l’Etat choisissent les candidats et les présentent de sorte que les élections se déroulent selon les voeux des dirigeants. Il existe, dit-on, un petit nombre de candidats “libres En fait rétorque, le P. Chân Tin, ils ont, eux aussi, reçu l’approbation du Parti et du Front patriotique. En conséquence, peu importe que les citoyens aillent voter. Qu’ils déposent ou non leur bulletin dans l’urne, les résultats seront les mêmes.

Le P. Chan Tin s’est ensuite interrogé sur le degré de représentativité de la future Assemblée nationale. Elle ne représente en rien la population du pays. En effet, celle-ci comporte 80 millions d’habitants et deux millions d’entre eux sont inscrits au Parti communiste. Or les communistes qui n’entrent au Parti que pour faire carrière et ne comptent dans leurs rangs que bien peu de gens de talent vont conquérir la totalité des 500 sièges de l’assemblée. Le prêtre dissident propose alors que les députés ne soient plus appelés les représentants du peuple (dân biêu) mais les représentants du parti (dang biêu). C’est d’ailleurs une Assemblée bien inutile, devant laquelle les ministres et les grands personnages du gouvernement ne viennent s’expliquer que sur des broutilles, des histoires sans importance. Les décisions importantes sont prises ailleurs. On n’y a jamais discuté de l’article 4 de la Constitution qui oblige 78 millions de citoyens non communistes à se soumettre au marxisme-léninisme. Les droits de l’homme, pas plus que l’abolition de la constitution ne sont des questions que l’on discute à l’Assemblée.

Toutes les réunions organisées à droite et à gauche pour présenter les candidats aux élections depuis le début de l’année n’ont été que formelles. En témoigne ce qui s’est passé à Hô Chi Minh-Ville dans les milieux catholiques. Pour les représenter, un nouveau candidat prêtre a été choisi destiné à remplacer l’ancien (1), le P. Phan Khac Tu. Les quelque 500 000 catholiques de la ville l’ont appris de la bouche des cadres. Personne ne leur a a jamais demandé leur avis.

Le religieux fait ensuite allusion aux traités frontaliers passés entre le Vietnam et la Chine, l’un, le 30 décembre 1999, concernant la frontière terrestre, l’autre le 25 décembre 2000, délimitant la frontière maritime (2). Le Vietnam a perdu 700 m de son territoire terrestre et 9 % de sa superficie maritime sans que l’Assemblée n’émette de protestation. Le doyen de l’Assemblée de l’époque, Nông Duc Manh, actuel secrétaire général du Parti a signé les traités clandestinement, apparemment sans scrupule.