Eglises d'Asie – Philippines
Attirés par de meilleures conditions de vie et des salaires plus élevés, des enseignants des écoles catholiques du pays partent travailler aux Etats-Unis
Publié le 18/03/2010
Estrelita Nabua, enseignante à l’école pour garçons St François Xavier, à San Juan, à l’est de Manille, déclare ainsi qu’en 2002, onze de ses collègues ont démissionné de leur poste pour partir à l’étranger, créant ainsi “un vide immense”, à moins de deux mois de la fin de l’année scolaire. Nabua avoue en être démoralisée. Ils démissionnent et partent “au moment où nous avons le plus besoin d’eux souligne Nabua, responsable des études dans les classes élémentaires de cette école.
Aux Philippines, l’année scolaire commence à la seconde ou troisième semaine de juin pour se terminer en mars ou avril, alors qu’aux Etats-Unis, elle commence en septembre. Selon Yolly Silang, responsable des opérations de Consortium Incorporated, basé au Texas, les écoles américaines préfèrent des Philippins parce qu’ils maîtrisent bien l’anglais, sont “efficaces, travailleurs, patients et dévoués Déjà en 2000, plus de 40 instituteurs d’une école de Makati, au sud de Manille, avaient posé leur candidature pour des postes au Texas. Une des institutrices de ce groupe qui attend son engagement explique qu’elle a fait acte de candidature parce qu’elle a besoin d’argent pour les études supérieures de ses enfants. Malgré les avantages pécuniaires qu’accorde l’école aux instituteurs qui ont des enfants dans l’institution, gérée par une congrégation religieuse, ils ne peuvent pas aller plus loin que le lycée, faute d’argent. Pour le semestre de juin à octobre, l’enseignante a dû verser 25 000 pesos (510 dollars US) de frais de scolarité rien que pour l’aîné de ses trois enfants. Après vingt ans d’enseignement en maternelle, elle reçoit 29 000 pesos par mois. Elle dit avoir eu de la chance d’obtenir une augmentation de salaire sans pour autant être certaine de décrocher bientôt sa maîtrise d’enseignante. On lui a souvent offert un poste dans l’administration mais le salaire ne correspondait pas à la “promotion”, a-t-elle expliqué. Si elle était acceptée dans une école texane, elle pourrait gagner 35 000 dollars par an, lui a assuré un ancien collègue devenu consultant dans une école américaine. Pour l’instant, elle a versé 2 200 dollars américains à un recruteur pour qu’il l’aide à obtenir visa, permis d’entrée et autres documents. Elle pense qu’embauchée à l’étranger, elle pourrait envoyer 1 000 dollars par mois à sa famille jusqu’à ce que celle-ci puisse venir la rejoindre aux Etats-Unis, où ses enfants pourraient poursuivre leurs études supérieures.
Maria Edna Villania, enseignante à l’école St Jean Marie Vianney, est prête, quant à elle, à dépenser 500 000 pesos pour les frais de voyage et de stage. Villania, 37 ans, espère, en travaillant à l’étranger, payer l’université à sa plus jeune sœur. Elle avait été très impressionnée au cours d’un séminaire d’orientation organisé par le J.S. Contractor Incorporated texan en mars 2001 où on lui avait dit que le salaire initial était de 3 000 dollars mensuels, assurance et couverture sociale comprises. Villania a enseigné cinq ans dans une école de Quezon où elle reçoit un salaire mensuel équivalent à 166 dollars américains.
Le phénomène de l’émigration aux Philippines n’est pas un phénomène nouveau. On estime généralement que près de sept millions de Philippins vivent en-dehors de leur pays et y envoient chaque mois de quoi faire vivre leur famille. Travaillant sur des chantiers ou en tant qu’employées de maison, les Philippins émigrés appartiennent à presque toutes les couches sociales du pays, ceux qui maîtrisent l’anglais et qui sont donc le plus souvent diplômés étant particulièrement touchés par le phénomène. Ainsi, outre les enseignants, de très nombreux ingénieurs ou infirmières philippins délaissent leur pays pour travailler à l’étranger, obérant d’autant les capacités de développement de l’économie locale.