Eglises d'Asie – Indonésie
Moluques : une nouvelle fois, l’évêque catholique d’Amboine déplore la détérioration de la situation dans l’archipel et met en garde contre un possible exode des chrétiens
Publié le 18/03/2010
Le 29 avril dernier, le responsable de l’Eglise catholique ainsi que les dirigeants des principales dénominations protestantes des Moluques avaient à nouveau envoyé une lettre à Kofi Annan pour exprimer leur désarroi (4). Au début du mois de juin, Mgr Mandagi, en visite auprès de ses séminaristes réfugiés à Manado, sur l’île de Célèbes, a une nouvelle fois dénoncé l’inaction des autorités gouvernementales, estimant “extrêmement étonnant” que, dans la petite ville d’Amboine, 9 000 hommes de troupes et 2 000 hommes appartenant à la police ne soient pas parvenus en 2001 à rétablir et maintenir l’ordre. L’incapacité des autorités locales à exercer un contrôle sur “les combattants de la guerre sainte”, les Laskar Jihad, ainsi que sur d’autres groupes de militants montrent que certaines personnes ont intérêt à ce que ce conflit perdure, a encore déclaré Mgr Mandagi.
L’évêque d’Amboine a cité en particulier le vice-président de la nation, Hamzah Haz, qui s’est rendu de façon fort visible en visite à la prison où est détenu le chef des Laskar Jihad, Jafar Umar Thalib. Selon Mgr Mandagi, la visite du vice-président au leader musulman extrémiste, arrêté pour les discours provocateurs prononcés à Amboine deux jours avant l’attaque meurtrière du village chrétien de Soya (5), ne peut être qualifiée de simple “visite amicale” mais doit être comprise comme étant un geste “politique”. “Hamzah Haz est un de ces hommes politiques au plus haut niveau qui a utilisé le conflit des Moluques pour obtenir un avantage politique”, a déclaré l’évêque catholique, ajoutant que “c’était la façon de faire de Haz, en tant que président du Parti du développement uni, d’obédience musulmane, pour maintenir les combattants du djihad et les musulmans extrémistes sous son contrôle et pour atteindre ses propres fins politiques”.
En tant que responsable local de l’Eglise, l’évêque a ajouté qu’il n’hésitait “jamais à dénoncer les hommes politiques, aussi haut placés soient-ils, y compris le vice-président, lorsqu’ils ne reculent pas devant le sacrifice de vies humaines pour atteindre leurs objectifs politiques”.
Par ailleurs, Hamzah Haz s’est rendu aux Moluques le 11 juin pour une visite de quelques heures. Chargé par la présidente Megawati Sukarnoputri de gérer le dossier du conflit des Moluques, il est arrivé à l’aéroport d’Amboine avec un programme manifestement préparé pour ne froisser aucune des parties en présence et effacer en partie l’image laissée par sa visite à Jafar Umar Thalib en prison, a estimé le P. C.J. Böhm, du Centre de crise du diocèse catholique d’Amboine. En effet, dès sa descente d’avion, le vice-président s’est rendu au village de Soya, écoutant les chrétiens et leur promettant que les événements vécus le 28 avril dernier ne se reproduiraient plus. Un peu plus tard, au centre d’Amboine, Hamzah Haz a rencontré les leaders chrétiens et musulmans et leur a réaffirmé son attachement aux accords de Malino. Enfin, avant de s’envoler pour Djakarta, il a assisté, devant la mosquée Al-Fatah à une cérémonie de remise d’armes, des musulmans locaux et des membres du Laskar Jihad remettant, entre autres, 24 fusils aux forces armées.
A Djakarta, le magazine Tempo a cité les propos du chef emprisonné des Laskar Jihad, selon lesquels il est “impossible d’expulser les combattants du djihad des Moluques car tous les musulmans aux Moluques sont des combattants du djihad ». Le 30 mai, le chef d’état-major de l’armée de terre, le général Endriartono Sutarto a mis en place un nouveau commandant en chef pour les Moluques, le général Djoko Santoso succédant au brigadier général Mustopo. Sutarto, qui doit prochainement remplacer l’amiral Widodo à la tête de l’état-major interarmées, a déclaré à cette occasion : “Avons-nous tous, en tant que croyants, perdu notre conscience ? Je ne le crois pas. Nous pouvons toujours faire la distinction entre le bien et le mal et ressentir les souffrances endurées par les autres comme nos propres souffrances.”