Eglises d'Asie

Un évêque catholique du pays passe en revue l’individu, la nation, les associations, les Eglises au Vietnam et les trouve “pauvres en indépendance”

Publié le 18/03/2010




Une des nombreuses lettres pastorales envoyées par Mgr Nicolas Huynh Van Nghi aux fidèles de son diocèse de Phân Thiêt a plus particulièrement retenu l’attention de ses lecteurs. Portant le n° 79 et datée du 15 mai 2002 (1), la lettre est intitulée “Pauvres en indépendance et elle porte en exergue la phrase : “Annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres” (Lc 4, 18). L’évêque y aborde avec audace et subtilité un certain nombre de thèmes brûlants, dont certains font même partie de l’actualité immédiate. Il traite successivement de la personne, de la nation, des organisations privées, des Eglises au Vietnam, attribuant à chacune des entités ainsi énumérées le qualificatif de “pauvres en indépendance”.

S’appuyant sur la déclaration des droits de l’homme et la constitution Gaudium et Spes du Concile Vatican II, la lettre pastorale commence par mettre en relief l’indépendance fondamentale de la personne humaine. La dignité et la grandeur de l’homme créé à l’image de Dieu dépassent celles de toute créature et placent la personne humaine au-dessus de toute institution, au-dessus même des lois ou productions humaines. C’est pourquoi aucune instance au monde ne peut la soumettre à l’esclavage. En tant que citoyen, l’homme ne doit laisser aucune autorité l’asservir ou régir sa vie. L’indépendance de la personne humaine doit être préservée, en soi et chez les autres, contre l’emprise de l’argent, de l’ambition et de bien d’autres aliénations.

L’évêque donne alors à sa réflexion une dimension plus vaste en abordant le sujet de l’indépendance des nations et de l’obligation pour elles de préserver l’intégrité de leur territoire. Les dirigeants natio-naux, poursuit l’évêque, ont l’habitude d’évoquer la souveraineté nationale qui s’étend au territoire terrestre, maritime comme spatial. Ils s’opposent à quiconque envahit leur territoire ou intervient dans les affaires intérieures du pays. La lettre souligne de plus que le Vietnamien est plus particulièrement sensible à l’indépendance de son pays. Détacher un pan du territoire terrestre et maritime du pays pour le donner à une puissance étrangère est une faute grave. Mgr Nghi conclut ce passage en encourageant ses lecteurs à défendre résolument l’intégrité du territoire du Vietnam, car, affirme-t-il, en répétant la maxime de Hô Chi Minh, “il n’y a rien de plus précieux que l’indépendance et la liberté”. Après avoir évoqué la question du territoire devenue brûlante depuis la signature en 1999 et 2000 d’accords frontaliers entre la Chine et le Vietnam, qui ont suscité une vive polémique à l’intérieur comme à l’extérieur du pays (2), l’évêque évoque d’autres menaces contre l’indépendance du pays, telles que la dette extérieure, l’influence culturelle étrangère, la dépendance politique, diplomatique et militaire. “Ne laissez pas votre pays s’appauvrir en indépendance ! recommande-t-il à ses lecteurs.

Ce sont ensuite les groupes et associations de la société civile, depuis la famille jusqu’aux associations de plus grande dimension qui sont passées en revue par l’évêque et jugées à l’aune de l’indépendance. Dans ce passage, l’évêque insiste plus particulièrement sur la séparation et l’autonomie traditionnelles des trois pouvoirs, législatif, judiciaire et exécutif. Il regrette que le Vietnam, en ce domaine, soit encore “très pauvre”. En conséquence, écrit-il, les droits fondamentaux des citoyens ne sont pas encore respectés comme ils devraient l’être.

C’est ensuite le tour des Eglises du Vietnam à être trouvées pauvres, non seulement en ressources matérielles ou en activités mais surtout en indépendance et autonomie, indispensables pour elles dans l’exercice des fonctions qui sont les leurs. Le décret 26/1999 qui régit aujourd’hui les activités religieuses, dit ironiquement l’évêque, exprime clairement cette indigence des Eglises (3). Cependant, il ne sert a rien de faire de longs commentaires à ce sujet, mais, pour le bien de la nation et du peuple, il recommande à ses lecteurs de faire en sorte que certaines des conséquences fâcheuses de ce décret soient contrecarrées ou minimisées.