Eglises d'Asie

Une politique très sévère à l’encontre des toxicomanes provoque des troubles sérieux à l’intérieur des camps de désintoxication

Publié le 18/03/2010




La politique rigoriste appliquée aux milieux toxicomanes du Vietnam suscite de violentes réactions chez ces derniers. Les 6 et 7 juin derniers, dans un centre de désintoxication situé, semble-t-il, à Can Tho, 369 des 637 internés ont pris la fuite après avoir détruit une partie de l’équipement du centre, causant des pertes matérielles estimées à 1 500 dollars (1). Le directeur du centre, Nguyên Van Sau, qui a rapporté la nouvelle à la presse étrangère, a affirmé que 287 d’entre eux ont été arrêtés et remis au centre par la police. L’ordre aurait été rétabli dans ce camp de rééducation où, selon les dires du responsable, les pensionnaires, outre le traitement médical auquel ils sont soumis, doivent de plus s’acquitter d’un certain nombre de travaux manuels. Plusieurs gardiens sont affectés à la surveillance du camp. Une tentative du même ordre avait eu lieu quelques jours plus tôt, le 4 juin, dans un autre centre de désintoxication nommé An Binh, situé près de Hô Chi Minh-Ville. Vingt-six pensionnaires avaient pris la fuite, passant à travers les barreaux d’une fenêtre. Seize d’entre eux ont été repris par la police. Les autres se seraient réfugiés dans leurs familles.

Les deux responsables des camps interrogés par la presse internationale ont tous deux répondu que les troubles ré-cents dans les camps de désintoxication avaient pour origine une directive gouvernementale ayant décidé de pro-longer à 24 mois la durée du séjour en camp pour les drogués, celle-ci n’étant auparavant que de six ou douze mois. La nouvelle directive prévoit également que, pour les récidivistes, la rééducation durera quatre mois (2).

En réalité, la prolongation de la durée de désintoxication dans les camps n’est que l’une des mesures prises dans le cadre d’une nouvelle politique extrêmement sévère désormais appliquée à la population toxicomane du Vietnam, estimée entre 100 et 200 000 personnes par les autorités vietnamiennes. Le gouvernement a effectivement mis en œuvre une politique ambitieuse et volontariste destinée à désintoxiquer en cinq ans la totalité des drogués recensés aujourd’hui et à réduire le taux moyen des rechutes à moins de 60 % (3). Actuellement, seuls 20 à 30 % des toxicomanes recensés par les autorités locales sont soumis à la désintoxication. 70 à 80 % des personnes passés par les camps retournent dans les mois qui suivent à la consommation de drogues et stupéfiants. Pour parvenir aux objectifs visés, les procédures d’arrestation des drogués et de leur envoi dans les camps ont été simplifiées. Selon l’arrêté 34 du Premier ministre, daté du 28 mars dernier (4), pour amener un toxicomane en centre de désintoxication forcée, il suffit d’une décision du président du Comité populaire de la commune, où vit l’intéressé, approuvée par les autorités du district ou de l’arrondissement. La désintoxication devra durer deux ans. Si l’intéressé s’est présenté volontairement à la cure, celle-ci ne durera que six mois. Le travail fait partie intégrante du programme quotidien de rééducation réservé aux pensionnaires des centres de désintoxication. Dès qu’ils sont l’objet d’une mesure administrative, les toxicomanes sont intégrés dans des brigades de travail.

Les camps de rééducation pour toxicomanes sont aujourd’hui au nombre de 62 pour la totalité du pays. Au cours des deux derniers mois, trois nouveaux centres ont été ouverts, deux à Hô Chi Minh-Ville et un à Hanoi. Ils ne répondraient qu’à 30 % des besoins (5). Camps et toxicomanes sont plus particulièrement concentrés dans et autour des deux mégalopoles du Vietnam. Selon Saigon Giai Phong ( Saigon libéré’) (6), la ville de Hô Chi Minh-Ville soigne environ 16 000 personnes dans quelque quinze centres et chantiers de désintoxications établis autour de la ville. La seule ville de Hanoi abrite environ 12 000 personnes s’adonnant à la drogue. Les centres de traitement des drogués sont trop rares pour accueillir tout le monde. Seuls 4 000 toxicomanes sont soumis à un traitement.