Eglises d'Asie

A Florès, des familles dont des membres ont disparu lors des purges anti-communistes de 1965 demandent une enquête de la Commission nationale des droits de l’homme

Publié le 18/03/2010




Sur l’île de Florès, des familles dont des membres ont été tués ou ont disparu lors des purges anti-communistes de 1965-1966 ont demandé à la Commission nationale des droits de l’homme, siégeant à Djakarta, d’enquêter sur ces faits. Selon Laurensius Say, conseiller du Parti catholique démocratique à Sikka, un district de Florès, il est important que la Commission ouvre des enquêtes “car plusieurs des principaux acteurs [des massacres] sont toujours vivants et occupent des fonctions importantes au sein de l’exécutif et du législatif local”.

En 1965, le 1er octobre, à la suite d’une tentative de coup d’Etat attribuée aux communistes, une vague de violence avait traversé tout le pays et s’était prolongée durant une année entière. Des groupes paramilitaires avaient tué des dizaines de milliers de communistes ou supposés tels à travers le pays, dans les zones rurales en particulier. Selon les estimations, le nombre des morts va de 160 000 à 500 000. Dans le district de Sikka, Laurensius Say a rassemblé le maximum d’informations sur ces meurtres, dont il estime le nombre entre 800 et 2 000. Pour lui, “l’appartenance au communisme” donnée comme justification aux purges est “une véritable absurdité Les villageois qui connaissaient les victimes ont déclaré que ceux qui ont été tués étaient connus pour être “des voleurs, des joueurs, des buveurs ou des violeurs” mais pas des communistes.

Laurensius Say, qui a perdu des parents lors de ces tueries, décrit comment se sont déroulées les purges dans son village. Un représentant des autorités locales s’était rendu dans le village et avait demandé à tous les hommes de se rendre au bureau du district le lendemain, sans quoi leurs femmes et enfants seraient enlevés. Le lendemain, tous les hommes s’y étaient rendus et aucun n’en est jamais revenu. S’ils sont vivants aujourd’hui, s’interroge Laurensius Say, nul ne sait où ils peuvent se trouver. Plus de trente-cinq ans après ces “violations massives” des droits de l’homme, des enquêtes sont nécessaires car plusieurs des principaux responsables des purges sont toujours vivants, argumente-t-il.

Dans sa démarche, Laurensius Say a trouvé le soutien de responsables de l’Eglise. Dans le diocèse de Maumere, dont dépend le district de Sikka, le P. Arkadius Dhosa Ndo, président de la Commission Justice et paix’ locale, s’accorde pour qualifier les purges de 1965-66 de violation des droits de l’homme. Toutefois, ajoute-t-il, les hommes du Commandement opérationnel pour la restauration de la sécurité et de l’ordre, nom officiel de la structure mise en place par le pouvoir de l’époque, ne peuvent être tenus pour responsables car ils ne faisaient que ce qui leur était demandé de faire.

Pour le P. John Mansfor Prior, professeur au grand séminaire de Ledalero, à Florès, les responsables politiques avec les dirigeants religieux, catholiques, protestants et musulmans, devraient former une commission “vérité et réconciliation” afin de promouvoir l’unité nationale tout en éclaircissant ces violations des droits de l’homme. Une telle commission aura la tâche de “trouver le nom des victimes et les lieux où les corps reposent” afin que ceux-ci soient exhumés, identifiés et remis en terre selon les rites propres à chaque religion. Un monument serait ensuite édifié à leur mémoire. Avec un tel monument, ces meurtres de masse “ne seraient jamais oubliés par nos enfants et nos petits-enfants”, a-t-il conclu, déclarant : “Nous ne pouvons pas juger le passé, mais nous pouvons apprendre de ce passé.”