Eglises d'Asie

CONSIDERATIONS DU P. CHAN TIN AU SUJET DE LA MISSION DE DESINTOXICATION MENEE PAR DES DIGNITAIRES RELIGIEUX VIETNAMIENS AUX ETATS-UNIS

Publié le 18/03/2010




Une délégation de dignitaires religieux vietnamiens a soigneusement été sélectionnée par le Parti et l’Etat communistes vietnamiens pour mener une mission de désintoxication aux Etats-Unis sur le sujet des violations de la liberté religieuses, violations dénoncées au monde par d’autres dignitaires de diverses religions qui, eux, n’étaient “pas nationalisés La délégation, en mission de désintoxication, comprenait un pasteur, des bonzes et un prêtre. En apparence, les dignitaires en question sont allés aux Etats-Unis à l’invitation de l’assemblée générale des Eglises et sociétés américaines, pour une durée d’une semaine (du 9 au 16 mai 2002). Ils y ont rencontré beaucoup d’associations, et même des représentants du pouvoir américain, des députés et des sénateurs, des associations religieuses, la presse… Ils sont donc allés sonner le gong et faire entendre la cloche de bois aux oreilles de tous afin de les désintoxiquer en faveur du régime communiste vietnamien.

Ils sont donc allés aux Etats-Unis… mais pas tout seuls. Avec eux, parallèlement à eux, il y avait une délégation du régime communiste. Elle était composée de membres du bureau des Affaires religieuses, (souvent appelé par moi bureau de destruction de la religion) : M. Lê Quang Vinh, le directeur, M. Nguyên Van Ngoc, adjoint chargé du catholicisme (avant 1975, c’était un étudiant catholique membre du Club des étudiants catholiques du P. Nguyên Huu Lich, dominicain) ainsi qu’un certain nombre de fonctionnaires des Affaires religieuses, des Affaires étrangères et du Bureau du gouvernement.

Une délégation communiste, aussi nombreuse, garantissait que la mission de désintoxication confiée aux dignitaires religieux serait menée à bien en faveur du Parti communiste vietnamien. Les dignitaires en effet, pour désintoxiquer les Américains, ont dû choisir des mots convenables pour le Parti, mais cependant assez légers pour ne pas paraître trop impudents par rapport à la vérité brutale, celle des violations de la liberté religieuse, connues de tous, y compris des “désintoxicateurs”, dénoncées à l’opinion publique par d’autres dignitaires religieux, dans les années précédentes. Cette double contrainte est particulièrement visible dans la réponse du P. Dinh Châu Trân (dominicain de la province du Vietnam, ancien provincial) aux questions de l’hebdomadaire Catholicisme et Nation, n° 1 360, 7 juin 2002, pp. 14-15).

Le P. Dinh Châu Trân a dit : “J’ai apporté un certain nombre de précisions concernant l’ensemble des activités religieuses ordinaires au Vietnam, comme le développement du nombre de prêtres ou du nombre des fidèles.” Ces propos insignifiants ont peut-être plu au Parti communiste vietnamien, mais en réalité, ils n’ont convaincu personne. Il y a eu des nouveaux prêtres après six ou sept ans d’études de philosophie et de théologie dans les six grands séminaires communs aux 25 diocèses du pays. Mais que représentent ces prêtres en face des prêtres trop âgés, faibles ou malades ou décédés. Ces derniers sont plus nombreux que les prêtres nouvellement ordonnés. L’Etat vietnamien a fait un habile calcul. En limitant le nombre d’étudiants dans les grands séminaires, il limite les nouveaux prêtres qui, ainsi, ne sont pas assez nombreux pour prendre la charge des paroisses. Ainsi, les fidèles manqueront de pasteurs pour les instruire de la foi chrétienne, pour leur dispenser les sacrements, les guider dans la vie chrétienne. Le Parti communiste veut éliminer l’Eglise non pas avec les emprisonnements et la mort comme autrefois (bien que ces méthodes continuent encore avec l’utilisation de la loi de la jungle pour condamner à quinze ans de prison le P. Nguyên Van Ly du diocèse de Huê), mais il veut “l’étouffer dans l’œuf” en lui accordant la permission d’ordonner un nombre limité de prêtres. Ils accordent une permission qu’ils retirent ensuite en utilisant la loi de la jungle pour limiter les activités et brimer son organisation intérieure.

Le P. Dinh Châu Trân évoque encore le nombre de fidèles. Son augmentation est un phénomène normal qui n’a rien à voir avec la liberté religieuse. Après 1975, les dirigeants communistes ont ordonné à leurs cadres d’exercer leur vigilance sur l’augmentation de la population Hoa (d’origine chinoise) et la population catholique. Pour ce qui concerne cette dernière, les familles y sont généralement nombreuses et se soucient de faire baptiser leurs enfants, de leur enseigner le catéchisme et de les marier avec des catholiques. Pour un ou deux membres de ces familles catholiques qui meurent, il se trouve une dizaine d’autres pour les remplacer. Le développement du nombre de catholiques n’est, en rien, à attribuer aux mérites du Parti. Celui-ci voudrait limiter et freiner ce développement qu’ il ne le pourrait d’aucune manière. En outre, il faut compter en plus des milliers de non-chrétiens, y compris des membres du Parti, qui, chaque année, se tournent vers le Seigneur. Indirectement, le P. Dinh Châu Trân souligne les performances du parti en matière religieuse. Voilà qui nous fait sourire. Mais peut-être que le P. Dinh Châu Trân en a souri lui-même intérieurement. En tout cas, il n’en laisse rien paraître.

Le prêtre a également mentionné “le fait que les milieux catholiques participent avec force aux œuvres éducatives, sociales et caritatives comme l’assistance aux victimes des fléaux naturels, le logement des sans abri, les classes de l’affection, l’assistance scolaire par bourses, la distribution gratuite de soins médicaux et de médicaments…”

A cause de leur foi et de leur charité, nos compatriotes catholiques sont effectivement puissamment engagés dans les œuvres citées plus haut. Mais la raison de leur engagement n’est pas le respect manifesté par le Parti pour la liberté des individus et de l’Eglise en ce domaine. L’Eglise n’a pas le droit de travailler dans le domaine social selon les exigences qui sont les siennes. Elle doit obéir à celles de l’Etat. Dans de nombreux cas, les Eglises catholiques, bouddhistes, hoa hao, lorsqu’elles ont porté secours aux sinistrés des inondations du Vietnam occidental en ont été empêchés. Leurs délégations ont été arrêtées, punies d’amende tandis que les secours apportés étaient confisqués. Lorsqu’elle construit des maisons de “l’affection”, les Eglises n’ont pas le droit d’en choisir les bénéficiaires. C’est l’Etat qui les choisit, des personnes qui ont acquis des mérites en portant tort au Sud-Vietnam, que l’Etat appelle des “familles révolutionnaires”.

Le P. Dinh Châu Trân a ajouté : “J’ai illustré mon propos avec un certain nombre d’exemples comme la formation des prêtres dans les six séminaires. Comme je l’ai dit plus haut, six séminaires pour 25 diocèses, c’est insuffisant pour la formation des prêtres. Il y a plusieurs années que les évêques ont demandé d’ouvrir une faculté de théologie à Xuân Lôc. Dieu sait combien de permissions ont été obtenues. Mais recevoir la permission est une affaire et ouvrir une faculté de théologie en est une autre. La permission a été obtenue depuis deux ou trois ans, mais, à l’heure actuelle, le séminaire n’est toujours pas ouvert. Le Parti est trop généreux ! Les séminaristes des six séminaires doivent subir des interrogatoires de la Sûreté, faire des rapports en de nombreux endroits pour obtenir la permission d’entrer au séminaire. Les professeurs doivent être sélectionnés par l’Etat en fonction des critères du Parti. Je sais ne pas comment le P. Dinh Châu Tran a illustré son propos. Certainement, pas comme moi !

A propos des évêques, le P. Dinh Châu Trân se contente de dire que “les consécrations épiscopales rassemblent des dizaines de milliers de fidèles Le problème des diocèses sans évêques est très préoccupant. Les sièges sont vacants, ou leurs titulaires sont âgés et faibles comme c’est le cas pour le diocèse de Hanoi. Le Saint-Siège veut nommer des évêques en fonction de ses exigences propres. Mais l’Etat veut qu’ils correspondent à ses critères particuliers. Les évêques sont les guides de la foi des fidèles, ce qui est une affaire intérieure à l’Eglise. D’un point de vue civique, si les évêques sont des citoyens sans faute, l’Etat ne devrait avoir aucune raison d’intervenir ou de s’opposer. Que les fidèles participent nombreux aux consécrations épiscopales, cela signifie simplement que les fidèles ressentent le besoin de la présence d’un évêque auprès d’eux. Partout où est nommé un nouvel évêque, ils se réjouissent et viennent nombreux. Cela ne fait qu’accentuer le besoin d’évêque dans les diocèses au siège vacant parce que l’Etat n’est pas satisfait du candidat proposé.

Quant à “la nombreuse participation des fidèles dans les messes quotidiennes et dominicales” que mentionne le P. Trân, elle n’est en rien une preuve de la liberté religieuse. Au contraire, elle démontre seulement que les fidèles surmontent les difficultés que le Parti communiste vietnamien impose aux catholiques, appelés des “citoyens de deuxième classe”, pour trouver le Seigneur, pour écouter sa vérité au lieu des mensonges de l’idéologie marxiste-léniniste, pour obtenir la force et le courage de vivre leur foi et de la propager. L’Etat, lui-même, désire qu’il y ait des cérémonies religieuses les plus solennelles possibles pour faire croire aux étrangers qu’il existe une vraie religion au Vietnam, alors qu’il s’efforce d’éliminer la religion de toutes les manières possibles.

Quant à l’affaire du prêtre Nguyên Van Ly, cet homme cou-rageux qui, depuis un endroit isolé du diocèse de Huê, la paroisse de Nguyêt Biêu, a lutté pour les droits de l’homme et la liberté religieuse, a été mis en résidence surveillée, puis condamné à quinze ans de prison plus cinq ans de résidence surveillée par le Parti communiste vietnamien, le P. Dinh Châu Trân n’ose pas en dire un mot. Il n’ose pas dire que l’Etat utilise la loi de la jungle. Cependant, il ne soutient pas non plus le gouvernement en cette affaire… Il laisse ce soin à Nguyên Van Ngoc, le vice-directeur du bureau central des Affaires religieuses. Tous savent de quelle façon, cet homme en a parlé. Au tribunal de Huê, le P. Ly n’avait pas d’avocat. Au tribunal populaire improvisé aux Etats-Unis, M. Ngoc a pu, en toute liberté, accuser le P. Nguyên Van Ly, d’avoir troublé l’ordre public.

Je ne connais pas la raison qui a poussé le P. Dinh Châu Trân à accepter de participer à cette délégation de dignitaires religieux chargé de procéder à la désintoxication des Américains. Un pasteur étranger qui a suivi de près cette mission de désintoxication m’a informé que jamais le nom du prêtre catholique n’avait été révélé à la presse et au public. C’est un signe qui montre que le P. Dinh Châu Trân a accompagné cette délégation à son corps défendant. Cela est regrettable et prête à ambiguïté. Mais une chose est claire : le prêtre n’a jamais dit que le respect des droits de l’homme et de liberté religieuse existait au Vietnam. Cela est à souligner.