Eglises d'Asie

LA CARITAS A FAIT S’ASSEOIR LA COREE DU NORD ET LA COREE DU SUD A UNE MEME TABLE A PEKIN

Publié le 18/03/2010




Agence Fides : comment est la situation actuelle en Corée du Nord, dans le domaine de la famine, de la malnutrition et de la santé ?

Mme Kathi Zellweger : La situation n’est plus aussi désespérée qu’en 1995. Grâce aux aides alimentaires, il y a eu des améliorations en ce qui concerne la famine. La récolte de 2001 a été la meilleure depuis 1995 ; mais cela ne veut pas dire qu’il y ait suffisamment de nourriture pour tous. C’est pourquoi il est très important de continuer à nourrir les groupes les plus vulnérables, comme les enfants de moins de six ans, les femmes enceintes, les personnes âgées. La situation dans le domaine de la santé n’a pas beaucoup changé : il y a des structures, des hôpitaux et du personnel médical ; mais il manque les médicaments de base. Aussi est-il très difficile de faire fonctionner les hôpi-taux. Une enquête intéressante qui compare la situation des enfants de Corée du Sud et les enfants de Corée du Nord montre qu’un enfant de sept ans, au Sud, mesure en moyen-ne 125 cm et pèse 26 kg, alors que, au Nord, un enfant du même âge mesure 105 cm et pèse seulement 16 kg. Ceci nous fait comprendre ce qui s’est passé, et ce qui se passera pour la prochaine génération, parce que les conséquences en sont dramatiques sur le développement physique.

La situation socio-politique favorise-t-elle l’aide inter-nationale en faveur de la population ?

Les aides humanitaires ont toujours été les bienvenues, parce qu’elles n’ont pas de finalité politique. Lorsque les aspects politiques interviennent, même les aides ne sont pas accueillies favorablement. Nous autres, à la Caritas, nous n’avons jamais eu de problèmes, et notre aide a toujours été acceptée : nous avons toujours trouvé la porte ouverte.

Nous savons que la Caritas a toujours été bien acceptée dans le pays : comment se développe le travail de Caritas. Y a-t-il un nouveau plan d’aides ? Quels sont les rapports de Caritas avec les autorités ?

Au mois d’avril dernier, la Caritas a lancé un nouvel appel pour demander la somme de 2 600 000 dollars, pour financer le programme d’aides pour les cinq prochaines années. Pour la première fois, les Nord-Coréens ont participé activement au renouvellement du programme : au mois de novembre dernier, nous avons eu une rencontre à Pékin, à laquelle a participé la Caritas de Corée du Sud, et des fonctionnaires de Corée du Nord. C’est la première fois que, lors d’une rencontre organisée par la Caritas, les représentants de Corée du Nord et ceux de Corée du Sud s’asseyaient à la même table. C’est pour nous un grand pas en avant.

Dans notre dernier appel, il y a trois points fondamentaux : le premier, c’est poursuivre l’assistance alimentaire, en fournissant surtout, avec l’aide des agences de l’ONU, des denrées alimentaires de qualité, comme de l’huile et des céréales ; le deuxième aspect concerne l’agriculture : nous cherchons à aider l’agriculture nord-coréenne, pour aug-menter la production agricole, même si nous savons qu’il sera difficile pour la Corée du Nord de produire un jour en suffisance. Ils auront besoin encore de beaucoup d’aides. C’est là l’unique voie à parcourir tant qu’il n’y aura pas d’autres changements. Le troisième aspect concerne la santé : nous cherchons à procurer les équipements de base et les médicaments, en aidant avant tout les services de maternité. Du fait de la malnutrition continue, en effet, les femmes ont souvent des complications au moment de l’accouchement. Souvent, les enfants naissent en ayant un poids inférieur à la normale, et il est important de leur apporter une aide adéquate.

Y a-t-il collaboration entre la Caritas et d’autres organismes d’aide, comme les ONG (organisations non gouvernementales ?

Oui, nous travaillons avec d’autres organisations : l’ONU et les autorités locales sont nos partenaires les plus importants. Le dernier appel de la Caritas a été accueilli par 73 % des organisations catholiques, et par 27 % des organisations non catholiques. Un grand nombre de non-catholiques collaborent donc avec nous. Je considère qu’il est important de travailler la main dans la main.

Quel est le rôle de l’Eglise catholique en Corée du Nord ?

L’Eglise locale est une Eglise très petite. Les données officielles montrent qu’il y a seulement 3 000 catholiques dans le pays, dont 800 à Pyongyang. Malheureusement, il n’y pas même un prêtre. C’est pourquoi, ce n’est qu’à l’occasion de la visite d’un prêtre étranger que l’on peut y célébrer la messe. Ce qui s’est passé au mois de mai, par exemple, à l’occasion de la visite de la délégation du Vatican (1). J’aimerais que cela puisse se produire plus souvent : de nombreux catholiques étrangers ont assisté à la messe, et, peut-être bien pour la première fois, on s’est rendu compte qu’il y avait de nombreux catholiques étrangers qui désiraient avoir régulièrement des cérémonies. En ce qui concerne les aides, l’Eglise de Pyongyang n’a pas de structures adaptées pour pouvoir participer aux programmes humanitaires.

Deux ans après la « Sunshine Policy » (la politique de rapprochement Nord-Sud menée par le président sud-coréen), quelque chose a-t-il changé dans les rapports Nord-Sud ?

Malheureusement, l’optimisme que nous avions tous, et surtout les Coréens du Sud, s’en va petit à petit, parce qu’il n’y a pas eu de grands progrès. Et, de toute façon, les problèmes politiques que le président du Sud rencontre ne favorisent pas les progrès. Je crois de toute façon que celui qui succèdera à l’actuel président de Corée du Sud (au mois de décembre prochain, il y a aura de nouvelles élections), s’engagera dans les rapports Nord et Sud, parce que l’on a compris que le dialogue était la voie unique pour obtenir des changements.

(1)Voir EDA 354