Eglises d'Asie

Le voyage d’une délégation interreligieuse aux Etats-Unis a donné lieu à une controverse

Publié le 18/03/2010




Divers échos et commentaires, parus dans un certain nombre de médias, ont fait suite au voyage aux Etats-Unis d’une délégation interreligieuse accompagnée d’une délégation gouvernementale, voyage qui a eu lieu du 8 au 16 mai (1). Le premier groupe, composé de représentants du bouddhisme, du catholicisme et du protestantisme, était invité par l’Association générale des Eglises et sociétés méthodistes unifiées (GBCS). Le second, constitué par des fonctionnaires des Affaires religieuses et des Affaires étrangères, n’avait reçu d’invitation que de l’ambassade du Vietnam aux Etats-Unis. Cependant, les deux délégations avaient une même mission : réfuter les accusations contenues dans “le projet de loi sur les droits de l’homme au Vietnam” adopté par la Chambre des représentants l’année dernière, le 6 septembre 2001. Une interview du seul membre catholique de la délégation interreligieuse a paru dans l’hebdomadaire saigonais Catholicisme et Nation (2). Aussitôt après, le prêtre rédemptoriste bien connu, le P. Chân Tin, a diffusé sur Internet un commentaire à sa manière de l’interview en question (3). Par ailleurs, le directeur du bureau gouvernemental des Affaires religieuses vietnamiennes, Lê Quang Vinh, au retour de son voyage aux Etats-Unis à la tête du groupe gouvernemental, le 16 mai, a été interrogé à Hanoi par la chaîne de télévision VTV 4. Le script de l’émission a été publié par un quotidien en langue vietnamienne de la diaspora (4). La presse vietnamienne officielle a également largement diffusé ces propos (5).

Dans son interview à la télévision vietnamienne, le responsable de la gestion des Affaires religieuses a révélé sans fard, dès le début, quel était l’objectif poursuivi par la double délégation lors de sa semaine de contacts aux Etats-Unis. “Ce voyage, a-t-il dit, n’avait qu’un objectif, lutter pour repousser le projet de loi sur les droits de l’homme au Vietnam… Un de ses articles affirme qu’il n’y a pas de liberté religieuse au Vietnam. Un tel article offense le peuple et les responsables vietnamiens.” Au sein du pays, a déclaré Lê Quang Vinh, de nombreux mouvements spontanés de protestation se sont élevés contre cette calomnie. De plus, a-t-il ajouté, le Comité américain de la liberté religieuse dans le monde est venu, sur invitation du gouvernement, enquêter au Vietnam en fin février 2002 où il aurait rencontré les principaux responsables religieux (6). Malgré cela, le rapport américain sur la situation des religions dans le monde paru au mois d’avril dernier, dans la demi page réservée au Vietnam, a encore répété la même accusation selon laquelle il n’y avait pas de liberté religieuse. C’est pour cette raison que le gouvernement vietnamien a décidé d’envoyer une délégation aux Etats-Unis pour discuter de la situation religieuse au Vietnam avec les milieux représentatifs de la population américaine. Lê Quang Vinh a insisté aussi sur le fait que c’est l’organisation religieuse la plus importante des Etats-Unis (GBCS) regroupant plus de 50 millions de fidèles qui a invité les représentants des trois religions, bouddhiste, catholique et protestant à venir dialoguer avec les Américains. Lê Quang Vinh n’a cependant pas révélé de qui la délégation de fonctionnaires gouvernementaux tenait son invitation.

Selon l’interview du directeur des Affaires religieuses, la double délégation aurait eu de multiples contacts et aurait avec brio balayé les objections avancées par les divers interlocuteurs rencontrés qui auraient été absolument convaincus de la fausseté des accusations contenues dans le projet de loi en question. Les dignitaires religieux, tout en gardant une parfaite indépendance de pensée, auraient fait preuve d’un grand patriotisme. Dans une conférence de presse, à une question les pressant de dire quel était le meilleur service à rendre aux religions au Vietnam, ils auraient répondu unanimement : “L’abandon du projet de loi sur les droits de l’homme au Vietnam.”

De son côté, dans l’interview accordée à Catholicisme et Nation, le prêtre catholique membre de la délégation des dignitaires religieux s’est montré beaucoup plus nuancé et discret que Lê Quang Vinh. A tel point que son commentateur et presque interprète, le P. Chân Tin, a pu dire dans le texte qu’il a composé à ce sujet (7) : “Une chose est claire : le prêtre n’a jamais dit que le respect des droits de l’homme et de la liberté religieuse existait au Vietnam. Cela est à souligner.” Le prêtre catholique a fait allusion à la progression du nombre des prêtres et des fidèles au Vietnam, à la forte participation des catholiques aux œuvres humanitaires et sociales, au nombre considérable de participants aux messes quotidiennes et dominicales, aux véritables foules qui se rassemblent dans des circonstances extraordinaires telles que, par exemple, les consécrations épiscopales.

La réponse ironique et nuancée du P. Chân Tin aux déclarations du membre catholique de la délégation interreligieuse, loin de démentir les points mis en avant par ce dernier, les confirme. Mais il ajoute que ces avancées du catholicisme au Vietnam ne sont pas à attribuer à la tolérance du régime. Au contraire, elles ont été acquises contre lui. Celui-ci n’a eu de cesse que de limiter les activités, l’expression religieuse des fidèles dont, aujourd’hui, il revendique toute la responsabilité. Le religieux rédemptoriste a aussi souligné que la présence constante de fonctionnaires gouvernementaux aux côtés des dignitaires ecclésiastiques tout au long du voyage a bien aidé ces derniers à trouver des réponses convenables aux questions insidieuses de leurs interlocuteurs américains. Selon l’agence Ucanews (8), le P. Phan Khac Tu, ancien député à l’Assemblée nationale, aurait également mis un bémol aux déclarations de la délégation sur la liberté religieuse et affirmé que celle-ci avait des limites, principalement dans les campagnes.