Eglises d'Asie

Un ouvrage composé par un hindou bouleverse les idées reçues sur les catholiques de Goa

Publié le 18/03/2010




Dans un ouvrage intitulé “La communauté chrétienne de Goa” paru le 4 juin dernier, un écrivain hindou, Manohar Hirba Sardessai, vient de bouleverser les idées reçues, généralement professées au sujet des chrétiens de Goa. Il s’est en effet appliqué à montrer qu’ils ne ressemblaient guère au portrait habituellement tracé par les autres Indiens qui les présentent comme des partisans des Portugais plus ou moins étrangers à l’idée de nation indienne.

L’auteur, qui avait entrepris une recherche plus générale sur l’histoire de la lutte pour la libération de Goa hors de la domination portugaise, a été étonné par l’importance et le nombre des contributions des catholiques goanais à cette lutte. Sa curiosité s’est éveillée et il a décidé d’en avoir le cœur net et de pousser plus loin ses connaissances en ce domaine. Plus son étude a progressé, plus a grandi en lui la conviction que les catholiques de Goa avaient fait preuve d’un esprit national qui n’avait rien à envier à leurs autres compatriotes. Le résultat des recherches de Manohar Hirba Sardessai a été consigné dans un petit livre de 291 pages en langue marathi (1) qui ne tardera sans doute pas à être traduit en anglais.

Conquise en 1510 par Albuquerque, Goa resta une colonie portugaise jusqu’en 1961, date de son annexion forcée par l’Inde. Les activités missionnaires et l’évangélisation de la région succédèrent immédiatement à la conquête par les Portugais. Cependant, les Goanais catholiques s’engagèrent très souvent dans des luttes pour la liberté à Goa et ailleurs. Ce sont des prêtres catholiques qui organisèrent en 1787 la première révolte contre la domination portugaise. Parmi eux, se trouvaient un certain abbé Faria, qui participa ensuite à la Révolution française ; plus tard, en 1812, il fut arrêté par la police impériale et incarcéré au château d’If. Il servit de modèle au personnage d’Alexandre Dumas qui, dans le Comte de Monte-Cristo, porte ce même nom. En 1895, un ecclésiastique catholique nommé Antonio Alvares publia un hebdomadaire préconisant de garder la nationalité indienne. C’est encore un catholique goanais, Menezes Braganca, qui, beaucoup plus tard, en plein parlement portugais, dénonça la censure établie par Antonio Salazar sur la presse.

L’ouvrage de Manohar Hirba Sardessai souligne que les catholiques goanais non seulement ont lutté pour la nationalité indienne mais encore qu’ils se sont efforcés, à l’intérieur de leur Eglise, de conserver certaines des coutumes d’avant leur conversion. Alors que les missionnaires et le gouvernement portugais désiraient répandre la religion en transformant entièrement le climat culturel de leur colonie, interdisant même aux femmes de porter des fleurs dans les cheveux, les catholiques du cru préservaient le plus possible de rites hindous dans les cérémonies de mariage par exemple. Bien qu’interdits par l’Eglise, beaucoup de rites de sorcellerie continuent d’être pratiqués aujourd’hui encore en plusieurs régions.

Malgré cet enracinement profond dans les anciennes traditions de leur région, des préjugés continuent de séparer les chrétiens, qui forment 30 % de la population, des hindous qui en constituent 65 %. Les derniers considèrent que les chrétiens sont devenus leurs inférieurs depuis leur conversion. Les chrétiens, eux, à cause de la culture occidentale dont ils se sont imprégnés, s’estiment supérieurs aux hindous, autant de préjugés que ne manquent pas d’entretenir les querelles politiciennes actuelles. Certains mythes comme les soi-disant méfaits de l’inquisition continuent d’envenimer les rapports des hindous et des catholiques. L’ouvrage sur la communauté chrétienne de Goa fait remarquer que ce tribunal ecclésiastique n’a jamais fonctionné contre les hindous mais uniquement contre les convertis au christianisme.