Eglises d'Asie

Diverses enquêtes indépendantes successives sur les troubles du Gujarat de février 2002 établissent peu à peu la vérité sur la nature des affrontements

Publié le 18/03/2010




Depuis les affrontements entre hindous et musulmans qui, au mois de février dernier, ont fait selon les plus récentes estimations au moins 2 000 morts, diverses enquêtes ont été menées par des équipes in-dépendantes. Des rapports ont été publiés sur la nature des événements qui ont eu lieu pendant les trou-bles. Plusieurs ont mis en cause la version officielle des heurts entre les adeptes des deux religions (1). Un des plus récents, mentionné par la BBC le 3 juillet dernier (2), oblige à reconsidérer l’événement qui a mis le feu aux poudres, à savoir l’attaque d’un train de pèlerins hindous par un groupe de musulmans à Godhra, attaque qui a fait 59 morts et a marqué le début des heurts interreligieux.

Le rapport cité par la BBC collationne les résultats des recherches effectuées par des experts officiels en médecine légale. Il contredit la version des faits présentée généralement. L’incendie était attribué jusqu’ici aux émeutiers musulmans se tenant à l’extérieur du train à la gare de Godhra. Les experts légistes auraient prouvé, au contraire, que le feu a débuté de l’intérieur même du compartiment. Cependant, cette nouvelle théorie ne répond pas précisément à la question clef de savoir qui a véritablement mis le feu au train ; de plus, elle semble en désaccord avec les dires des témoins oculaires de l’époque. Il faut rappeler cependant que de nombreux rapports et articles de presse ont dénoncé la connivence des autorités de l’Etat avec les violences qui ont suivi l’incendie du train. Un rapport interne britannique a même suggéré que les émeutes, loin d’être spontanées, avaient été soigneusement programmées. On se souvient aussi que les autorités fédérales avaient refusé de critiquer et de remplacer le ministre-président du Gujarat, Narendra Mori.

D’autres rapports d’enquête ont contribué à souligner le caractère essentiellement anti-musulman des émeutes, et la place tenue, dans la conduite des massacres, par certains groupes d’extrême droite. Ainsi, le compte-rendu d’une recherche menée par l’Union populaire pour les droits de l’homme (PUHR), mentionné le 3 juillet dernier par SAR News, a fait le décompte des mosquées et tombeaux de saints (dargahs et imambaras) détruits au cours des événements. Il s’élève à 500 alors que les lieux de culte de la religion hindoue sont restés intacts. Le texte du PUHR épingle également le rôle important joué par les groupes extrémiste hindous dans la conduite des massacres. Les dirigeants du Vishwa Hindu Parishad (Conseil Mondial hindou, VHP) se sont tenus dans les postes de contrôle policiers et, de là, ont prodigué incitations et conseils aux militants hindous anti-musulmans. Par ailleurs, les militants du groupe extrémiste Bajrang Dal ainsi que des membres du Rasthtriya Sawayamsewak Sangh (Corps national des volontaires, RSS) ont été engagés par la police à des postes de haut niveau. Le procès-verbal de ces événements tragiques s’achève sur le constat du traumatisme subi par les musulmans qui, aujourd’hui encore, séjournent dans les camps sans oser regagner leurs demeures.

La section locale de l’Union du peuple pour les libertés civiles (PUCL) pour Vadodara, une ville de 1,115 millions d’habitants, située dans le Gujarat, a publié elle aussi les résultats d’une enquête menée par elle sur les massacres. Ce texte intitulé “Violences sur le Gujarat publié le 28 juin dernier, insiste surtout sur le choc psychologique créé par les événements dans les esprits de la population féminine et enfantine, un choc dont les effets se font sentir longtemps après les faits : “Ceux qui ont échappé aux fanatiques hindous ont eu ensuite à souffrir des fonctionnaires d’Etat qui ont eu recours à l’intimidation dans les enquêtes qu’ils ont menées et les interrogatoires qu’ils leur ont fait subir”, précise le rapport du PUCL.