Eglises d'Asie

Kerala : les groupes charismatiques ont recours à la publicité pour attirer des adeptes

Publié le 18/03/2010




Sur un journal de Kochi, au Kerala, on pouvait lire récemment entre un portrait de Jésus à droite et la photo d’une femme parée d’un collier doré rutilant à gauche l’annonce suivante : “Laissez la lumière de la pureté illuminer votre esprit et votre corps !” (1). La publicité, patronnée par une entreprise de joaillerie, était destinée à faire la promotion du “Centre de la divine retraite” géré par les religieux de Saint Vincent, le plus important des groupes charismatiques du Kerala, cette citadelle du christianisme en Inde. Ce centre est loin d’être le seul à utiliser les moyens publicitaires modernes pour inciter les fidèles à venir écouter les prédications de ses animateurs et participer aux exercices spirituels spécialement aménagés. De nombreux autres groupes rivalisent entre eux et vantent la supériorité de leurs installations respectives au travers d’annonces publicitaires que l’on peut remarquer sur des panneaux d’affichage ou dans les pages de divers magazines, voir et entendre à la télévision et à la radio.

“Restez quelque temps avec Jésus. Participez à notre retraite annuelle !” propose un poster présenté par le groupe des “Messagers de Jésus », dont le siège est à l’église de l’Enfant Jésus. Plus loin, sur la route du marché, on peut lire : “Vivez avec Jésus. Il vous rachètera de vos fautes et vous conduira au paradis. slogan invitant à fréquenter un autre centre d’exercices charismatiques. L’effort de racolage est tel que, désormais, des immenses portraits de Jésus sur les murs ou sur les pages de la presse côtoient les photos des stars du cinéma indien ou de femmes plus ou moins dévêtues incitant à la consommation de tel ou tel produit.

Cette brusque entrée des charismatiques dans le domaine de la concurrence commerciale a choqué beaucoup de chrétiens, appartenant aux milieux les plus divers. Le P. Paul Thelalakat, porte-parole de l’Eglise de rite syro-malabar, l’un des deux rites orientaux catholiques de l’Inde, se montre particulièrement sévère à l’égard de cette nouvelle mode. “Que les organisations spirituelles utilisent les techniques modernes du marketing pour répandre la Parole de Dieu n’est pas du tout une bonne chose ! a-t-il déclaré. Pour lui, les centres de retraites ne pourront jamais se considérer comme des boutiques vendant des produits d’agrément, la spiritualité n’étant pas une marchandise que l’on offre à un client. Le prêtre voit dans la nouvelle tendance un terrible risque susceptible d’entraîner la dégénérescence de la spiritualité et de la réduire au matérialisme ambiant. Le prêtre a déploré l’aveuglement des dirigeants charismatiques qui ignorent la nocivité des procédés utilisés par eux.

D’autres réactions ont été enregistrées dans la presse locale. Le journal Malayala Manorama a reçu une lettre d’un de ses lecteurs catholiques, affirmant que l’utilisation des techniques du marketing ne pouvait que conduire à la mort de la foi chez les chrétiens. Le journal Sathyadeepam (‘La lumière de la foi’), organe de l’Eglise syro-malabare, a publié un article qui déplore de voir le Christ représenté à côté des actrices locales sur des posters qui finissent “mangés par les vaches et les buffles”.

Cette vague de critiques ne semble pourtant pas troubler les principaux responsables des mouvements charismatiques. C’est ainsi que le P. Augustine Valloran, directeur adjoint du “Centre de la divine retraite”, affirme que la publicité n’est pas un moyen de piéger le public mais, au contraire, de l’informer. Les journaux ne donnant pas d’information gratuitement, il conclut que le recours au parrainage d’un généreux bienfaiteur n’est pas une mauvaise idée. C’est également l’opinion de George Joshua, un prédicateur pentecôtiste qui trouve normal que le programme d’exercices spirituels soit annoncé au moyen d’une publicité.

Plus prosaïquement, certains observateurs voient dans cette profusion de publicité une conséquence de la multiplication des groupes charismatiques qui, de ce fait, ne peuvent éviter d’entrer en concurrence. A l’heure actuelle, selon le groupe charismatique catholique Shalom, le Kerala possède 55 grands centres de renouveau au service des 6 millions de fidèles de l’Etat du Kerala dont la population est estimée à 30 millions d’habitants.