Eglises d'Asie – Philippines
Le clergé catholique philippin réagit diversement au projet de charte étudié par la Conférence épiscopale au sujet des écarts de conduite de prêtres en matière sexuelle
Publié le 18/03/2010
Sujet longtemps tabou aux Philippines, la question est devenue d’actualité non en raison de scandales récents mis sur la place publique mais du fait de l’évolution des mentalités et du contexte international où certaines Eglises locales, de par le monde, aux Etats-Unis en particulier, ont récemment été secouées sur ces sujets. Pour Mgr Quevedo, la reconnaissance de l’existence de tels scandales aux Philippines est un premier pas. “Nous réalisons que le pardon et les excuses doivent être prolongées par un engagement à la purification et au renouveau”, a-t-il déclaré, précisant qu’une charte était en cours de rédaction pour contribuer “à un profond renouveau”. De fait, la Commission épiscopale pour le clergé a largement fait circuler un projet de charte sur ces sujets avant la réunion de Tagaytay. En dépit de son caractère “confidentiel”, un certain nombre de prêtres ont exprimé leur opinion à son propos et l’on s’attend à ce que la version définitive de cette charte soit adoptée d’ici à plusieurs mois, voire une année.
Pour le P. Roberto Reyes, prêtre de l’archidiocèse de Manille, le projet de charte s’apparente “trop à une copie conforme” de la “Charte pour la protection des enfants et des jeunes personnes” adoptée en juin dernier par la Conférence des évêques catholiques des Etats-Unis. Il espère que la version définitive du texte philippin comprendra des mesures spécifiques relatives “au problème des prêtres pères de famille et à celui des prêtres qui entretiennent des relations sexuelles avec des femmes”. Selon le P. Reyes, certains prêtres estiment que le projet de charte est trop radical car un certain nombre d’évêques ont “toléré les errements sexuels de leurs prêtres durant des années”.
Selon le P. Guillermo Gorre, prêtre de l’archidiocèse de Cebu et vice-recteur du grand séminaire San Carlos de la ville de Cebu, il est “heureux” que les évêques abordent de front ces questions car cela montre que “quelque chose de concret est fait pour regarder en face” le problème de l’inconduite sexuelle de certains prêtres. Mais le fait de vouloir immédiatement réduire à l’état laïque un prêtre convaincu d’inconduite sexuelle “méconnaît tout l’aspect rédempteur et rénovateur de l’enseignement de l’Eglise”. Pour le P. Ernesto Bendita, vice-chancelier du diocèse de Marbel, lui et ses confrères des diocèses du sud du pays estiment que le projet de charte est “trop dur” lorsqu’il recommande le retrait du ministère de tout prêtre reconnu coupable de pédophilie, et cela dès la première offense. Un prêtre qui a pu “commettre une erreur” ou qui “a seulement pu être tenté” devrait être traité différemment d’un prêtre qui est “malade” ou pour qui l’inconduite sexuelle est habituelle. Les prêtres appartenant à la première catégorie doivent certes être relevés de leur ministère pastoral mais il devrait leur être permis de “demeurer dans la prêtrise”, sous la responsabilité et la surveillance stricte de leur évêque, a estimé le P. Bendita, qui ajoute que la doctrine catholique enseigne la miséricorde et le pardon et que même les lois civiles ont l’ambition de “corriger” les déviants.
Pour le P. Bendita, qui s’est réuni avec ses confrères des diocèses de Kidapawan, Marbel et Cotabato les 17 et 18 juin derniers afin d’étudier dans le détail le projet de charte, des mesures doivent y être introduites pour mettre par écrit les dispositions que l’institution ecclésiale doit apporter pour aider ceux de ses prêtres contre qui sont entamées des procédures en justice car l’Eglise, malgré tout, “conserve une responsabilité” envers son clergé. Enfin, qualifiant le projet de “globalement acceptable”, il qualifie de “justes” les paragraphes relatifs aux droits reconnus aux victimes et à leurs familles d’être tenus informés lorsqu’un cas d’abus sexuel est porté à la connaissance de l’Eglise.