Eglises d'Asie

EN INDONESIE, COMME DANS BIEN D’AUTRES PAYS, L’INTERNATIONALISATION DU COMMERCE ET DU TOURISME ENCOURAGE LA PROSTITUTION

Publié le 18/03/2010




Vous n’aimez pas l’expression ‘tourisme sexuel’. Pourquoi ?

Je pense qu’il n’y a aucun rapport entre le tourisme et le sexe. Donc, ce lien doit être écarté. Je m’explique. Le tourisme est fondé fondamentalement sur la beauté, celle recherchée par beaucoup de ceux qui partent en quête de délassement ou de renouvellement. Il existe maintes façons et beaucoup de sites où l’on peut trouver de la beauté, dans les paysages, l’art ou la culture. Le sexe est un cadeau de Dieu, beau si l’on sait le considérer de façon convenable. En abuser est altérer sa vraie nature.

Dans la Bible, en particulier dans l’Ancien Testament, le sexe est décrit sous deux angles. Le Cantiques des Cantiques est un des plus beaux livres de la littérature sur la joie et la beauté du sexe. Dans le premier chapitre de la Genèse, le sexe est décrit comme quelque chose de très bon. Dans le deuxième chapitre, en revanche, après la chute, quand le péché apparaît dans le monde, le sexe est alors décrit comme ce qui éloigna l’homme de la femme. Le tourisme du sexe est la manifestation récente de cette altération ou aliénation du sexe.

Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous affirmez que le tourisme sexuel est une manifestation de l’échec de l’économie de marché ?

L’économie de marché suppose qu’il existe de nombreux acheteurs et de nombreux vendeurs en libre compétition dans le but d’augmenter le bien-être physique et financier de la société. Elle nécessite en fait des calculs mathématiques et économiques précis mais souvent néglige les coûts sociaux des opérations menées par ses différents acteurs. Nous l’avons appris à nos dépends avec la pollution industrielle et la destruction de l’environnement. Dans plusieurs pays en voie de développement, le commerce international a contribué à la croissance de la prostitution.

La mondialisation, en tant que constituante importante de l’économie de marché, favorise en permanence l’émergence de la prostitution en tant qu’industrie florissante au pouvoir économique toujours plus grand et toujours plus large. La mondialisation, source de fierté et de satisfaction pour beaucoup, a échoué dans sa mission d’humanisation quand qu’il s’agit du tourisme sexuel. Dans plusieurs pays en voie de développement, la mondialisation, qui accorde attention et priorité à la dimension commerciale des choses, néglige leur dimension éthique et favorise la prostitution.

Parallèlement à la croissance du pouvoir économique se développe une véritable exploitation des ressources humaines, dont la prostitution. Les prostitués, hommes ou femmes, ne sont plus considérés comme des êtres humains mais traités comme des esclaves sexuels. Violemment traités, terrorisés, ils subissent des sévices inhumains. Par conséquent, partout et en particulier dans les pays en voie de développement, le crime apparaît et pénètre l’industrie du sexe. D’un côté, l’économie de marché prétend apporter ou améliorer le bien-être des gens ; de l’autre, on peut dire qu’elle a échoué dans sa mission.

Quelle est la situation en Indonésie ?

L’attitude du gouvernement semble être à deux facettes et est pour le moins ambiguë. D’un côté, la prostitution est considérée comme créant un trouble à l’ordre public, mais, d’un autre côté, la prostitution, visible ou cachée, est autorisée et il lui est même destinée certaines zones bien délimitées. En termes de revenus (en roupies), il est très difficile d’estimer avec exactitude sa contribution économique. Néanmoins, il est certain que la prostitution joue un rôle important dans l’économie et contribue aux revenus des gouvernements locaux. Actuellement, le nombre des prostituées indonésiennes est estimé entre 140 000 et 230 000 ; elles sont issues de divers milieux sociaux. Ce chiffre global est comparable à celui des Philippines, de la Malaisie, de la Thaïlande et d’autres pays en voie de développement. Les revenus générés annuellement sont estimés entre 1,18 milliards de dollars US (environ 1, 13 trillions de roupies indonésiennes) et 3,3 milliards de dollars US. Dans les grandes villes comme Djakarta, la société est déjà “sexualisée” et le sexe est devenu une marchandise. En raison de l’attrait du sexe, de l’excitation et du consumérisme, il est difficile pour le public de distinguer entre la voie morale et juste et ce qui est immoral et faux.

Certaines personnes estiment que des femmes optent librement pour cette profession, que c’est là leur droit et que, par conséquent, elles devraient être protégées par la loi. Qu’en pensez-vous ?

Sur ce problème, les arguments pour ou contre sont nombreux. Le ministère indonésien du Travail ne reconnaît pas la prostitution comme emploi légitime ou légal, elle ne relève donc pas des lois du travail et de leur protection. Aujourd’hui même, le ministère du Travail est peu disposé à employer le terme de “travailleurs du sexe”. Utiliser cette expression serait reconnaître et admettre que la prostitution fait partie de l’éventail des emplois possibles. Ce genre de travail ne figure pas pour l’instant sur les listes officielles du ministère. Néanmoins, un universitaire a proposé, au mieux, d’utiliser le terme de “travailleurs du sexe commercial” car les prostitués(es) travaillent, fournissent des services et ainsi méritent qu’on leur accorde la même protection qu’aux autres travailleurs.

En attendant, le ministère de la Santé reconnaît l’existence des prostituées comme un de ces groupes socio-économiques relevant de sa responsabilité et entend ainsi vouloir contrôler la prolifération des maladies sexuellement transmissibles.

Le ministère des Affaires sociales, quant à lui, a une attitude ambivalente et celui de la Condition féminine encourage avec diligence le mariage légal ou officiel tout en s’opposant à l’existence actuelle de la prostitution.

Toujours est-il que les exécutifs locaux reconnaissent discrètement la prostitution comme source de revenus grâce aux taxes générées par les maisons qui l’abritent et les activités afférentes. Aussi longtemps que ces institutions gouvernementales et la société dans son ensemble varieront sur les options à prendre face au problème de la prostitution, la situation ne peut aller qu’en s’aggravant.

Que pensez-vous d’une possible réglementation de l’industrie du sexe ?

En termes d’éthique des affaires, un des plus importants concepts développés récemment est celui de “parties prenantes”. Les « parties prenantes ce sont tous ceux qui jouent un rôle important dans une industrie quelconque. Si vous voulez donner un statut légal à la prostitution ou aux “travailleurs du sexe”, vous devez vous demander quelles en seront les conséquences pour toutes les “parties prenantes à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de cette industrie du sexe. Plusieurs questions surgissent, telles que savoir si le fait de donner un statut légal peut automatiquement augmenter la sécurité ou diminuer les dégâts ou être en accord avec la morale et les droits de l’homme de tous les acteurs en jeu. Ou bien encore comment une telle reconnaissance officielle pourra-t-elle mieux répartir, au profit de tous et dans l’équité, les coûts sociaux, les charges et les bénéfices de cette industrie.

Quelle sorte de tourisme faut-il développer ?

Il existe de nombreuses et excellentes sortes de tourisme. Le tourisme culturel, écologique, spirituel, associatif, etc. Les jeunes généralement aiment ce tourisme associatif où ils ont plaisir à se retrouver entre eux, bien loin du tourisme sexuel. Aimer et être aimer est l’un des besoins humains les plus fondamentaux.

Que pourrait faire la société civile pour promouvoir un tourisme responsable ?

Il faut que tous, professionnels du tourisme y compris, soient assez courageux pour adopter le slogan : “Tourisme, oui ! Tourisme du sexe, non !”. Souvenons-nous comment, il y a déjà plusieurs années, beaucoup étaient peu disposées à déclarer certains lieux “non fumeurs dans les avions, les restaurants, les hôpitaux et autres endroits publics. Ils avaient peur de perdre des clients. Maintenant, nous voyons les résultats de cette campagne. La majorité des gens préfèrent les transports et autres activités non fumeurs. De même, si donc un slogan associant tourisme et activités de bon aloi était continuellement mis en avant et si nous étions consistants avec nous-mêmes, ça devrait réussir. Etes-vous prêts vous-mêmes à préférer un hôtel affichant : “Hôtel sans prostitution” ?