Eglises d'Asie

Kerala : les responsables religieux sont en désaccord sur l’opportunité d’ouvrir les fêtes et rassemblements religieux au tourisme national et international

Publié le 18/03/2010




Les responsables religieux de l’Inde ont émis des opinions différentes à propos d’une récente initiative du gouvernement du Kerala visant à inclure la participation aux diverses fêtes religieuses locales à l’intérieur du programme des circuits touristiques nationaux et internationaux. Le 26 août dernier, en effet, le ministère du Tourisme de l’Etat a signé un accord dans ce sens avec plusieurs agences de voyage. Le ministre, M. K.V. Thomas, a déclaré que ses services avaient identifié à travers le pays près de 90 fêtes religieuses, aussi bien chrétiennes que hindoues et musulmanes, qui pourraient être proposées comme attractions aux divers organismes de tourisme. Il sera permis à ces derniers de venir s’implanter sur les lieux de la fête et d’y établir des installations facilitant la venue et la présence de touristes étrangers.

Le ministre du Tourisme, un catholique, est persuadé qu’il est de son devoir d’ouvrir aux visiteurs la richesse culturelle et religieuse des fêtes du pays. “Notre population, a-t-il dit, célèbre les fêtes religieuses avec une grande foi et beaucoup de pompe. Nous voulons exposer tout cela aux touristes étrangers.” Selon le ministre, la nouvelle disposition aidera le monde entier à constater que le Kerala abrite des centaines d’églises et de lieux de culte d’une importance historique. A l’intention des 800 000 touristes qui visitent annuellement cet Etat côtier du sud de l’Inde, le ministère du Tourisme de l’Etat a axé sa campagne publicitaire sur le thème “Kerala, terre de Dieu”. Les circuits touristiques prévus incluent des pèlerinages à Malayattoor, lieu associé au souvenir de Saint Thomas, ainsi qu’à Bharananganam, où vécut la bienheureuse Alphonsa Muttatupadath, une religieuse clarisse béatifiée par Jean-Paul II en 1986.

Certains prêtres ayant déjà intégré le tourisme au sein de leur pastorale ont accueilli sans déplaisir l’accord signé par le ministère du Tourisme. Le P. Mathias Mundadan, qui, depuis le mois de mars dernier, a lancé une agence de voyage pour “promouvoir le tourisme spirituel se réjouit du dernier accord gouvernemental et de la possibilité offerte aux voyageurs de participer ainsi aux fêtes locales. Il affirme qu’il s’associera avec plaisir aux autres agences et au gouvernement pour promouvoir les diverses fêtes du pays. D’ores et déjà, son propre organisme intitulé “Godsland Tourism” permet aux touristes qui en font la demande de visiter au cours d’un même circuit des églises, des temples, des mosquées et des synagogues. Le P. Thomas Valookaran, vicaire de l’église St Thomas à Malayattoor, souhaite la venue des touristes dans son église pour qu’ils s’y instruisent de la culture indienne. Des dizaines de milliers de touristes et pèlerins viennent déjà visiter son église chaque année et, parmi eux, dit-il, il y a un nombre impressionnant de croyants occidentaux.

Cependant, beaucoup d’autres responsables religieux du Kerala se sont élevés contre la dernière décision de leur gouvernement. Le porte-parole de l’Eglise syro-malabare, le P. Paul Thelakat, a déclaré craindre que la commercialisation des fêtes religieuses ne mette en cause la nature religieuse des célébrations. Les touristes à la recherche de sensations et de plaisir risqueraient de ruiner la signification profonde des manifestations religieuses. A son avis, la tenue et les habitudes sociales des touristes étrangers sont des éléments perturbateurs des rassemblements locaux. D’autres avis négatifs ont été entendus au sein des autres religions. Syed Ahmed Ashrah, un enseignant musulman, considère l’initiative gouvernementale comme dépourvue de sens éthique, car, dit-il, elle affectera l’esprit même qui anime les participants des célébrations en question. Le desservant d’un temple hindou Guruvayoor, K.P. Narayanan Namboodiripad, bien que ne voyant aucune objection à la participation aux cérémonies de personnes d’autres religions, affirme sa répugnance pour la transformation d’activités religieuses en produits commerciaux.