Eglises d'Asie

Un religieux bouddhiste vietnamien réfugié à Phnom Penh, au Cambodge, disparaît de son domicile et pourrait avoir été rapatrié de force dans son pays

Publié le 18/03/2010




Selon des informations communiquées par le Bureau international d’information bouddhiste (1), un religieux bouddhiste vietnamien, le vénérable Thich Tri Luc, qui avait fui du Vietnam au Cambodge en avril dernier pour échapper à la persécution religieuse dans son pays, a disparu de son domicile à Phnom Penh, le 25 juillet dernier. Ce jour-là, selon des sources cambodgiennes, une personne en civil, non identifiée, mais que l’on soupçonne d’appartenir à la police secrète vietnamienne, aurait invité le religieux à le suivre. Depuis cette date, on n’a plus de nouvelles du religieux qui avait, le mois précédent, obtenu le statut de réfugié politique du Haut Commissariat aux réfugiés de l’ONU. Le bureau international d’information bouddhiste a fait connaître sa crainte que l’intéressé n’ait été kidnappé, ramené de force au Vietnam où il pourrait avoir été interné, voire éliminé. Selon la même source, la police secrète vietnamienne agirait en permanence au Cambodge aussi bien à l’encontre des Montagnards ayant fui les Hauts Plateaux du Centre-Vietnam, que des dissidents vietnamiens en ce pays.

Le vénérable Thich Tri Luc, âgé de 58 ans et originaire de la province de Thua Thiên Huê, est un disciple du vénérable Thich Dôn Hâu qui fut patriarche du bouddhisme unifié et désigna le vénérable Thich Huyên Quang comme son successeur, avant sa mort le 23 avril 1992 (2). Depuis le changement de régime de 1975, le religieux a mené une vie passablement mouvementée. Arrêté une première fois en 1992 et emprisonné dix mois durant, il subit des pressions de la part des autorités l’incitant à devenir un collaborateur secret de la police. Il refusa et envisagea même de s’immoler par le feu en signe de protestation. Plus tard en 1994, il faisait partie d’une délégation bouddhiste, chargée de porter secours aux victimes des inondations du Mékong, qui fut empêchée par la police d’accomplir sa mission (3). Un procès eut lieu à Hô Chi Minh-Ville, le 15 août 1995, qui condamna les divers accusés à des peines allant de 2 ans et demi à 5 ans d’emprisonnement (4). Thich Tri Luc écopa de deux ans et demi de prison, peine pour laquelle il refusa de demander un recours (5) et qu’il purgea dans un camp de rééducation à Xuân Lôc. Cet internement fut suivi d’une assignation à résidence et de l’interdiction d’exercer toute activité religieuse publique. Ces derniers temps, la situation était devenue si insupportable pour le religieux qu’il a pris la décision de s’enfuir au Cambodge.

Depuis la disparition du religieux bouddhiste, de nombreuses interventions ont eu lieu qui jusqu’ici sont restées sans résultat. Vingt-deux députés et sénateurs, membres du Parti de Sam Ramsy, parti d’opposition cambodgien, ont signé une pétition protestant, entre autres cas, contre la disparition de Thich Tri Luc, réfugié jouissant en principe de la protection des Nations Unies. Au Parlement européen, la question du religieux a été soulignée par le député radical, Olivier Dupuis. Au cours du mois d’août, Mary Robinson, haut-commissaire aux Nations Unies pour les droits de l’homme, a fait part au Premier ministre Hun Sen de ses craintes concernant l’enlèvement de Thich Tri Luc vers le Vietnam, ainsi que de deux adeptes de la secte du Falungong vers la Chine. De nombreuses associations internationales comme Amnesty International et Human Rights Watch se sont préoccupées du sort du religieux et sont intervenues auprès du gouvernement cambodgien, jusqu’ici sans résultat.