Eglises d'Asie

Une partie des migrants philippins expulsés de l’Etat de Sabah souhaite revenir en Malaisie une fois munis de visas en règle

Publié le 18/03/2010




Outre les dizaines de milliers, voire les centaines de milliers d’Indonésiens expulsés brutalement de Malaisie à la suite de l’application le 1er août dernier par ce pays d’une législation durcie sur l’immigration (1), plus de 15 000 Philippins ont également été renvoyés chez eux par les autorités malaisiennes. Si la présidente philippine, après un entretien téléphonique avec le Premier ministre malaisien, a pu obtenir un moratoire pour les expulsions de Philippins à compter du 31 août dernier, la tension n’en est pas moins demeurée assez vive.

Après avoir entendu le récit des mauvaises conditions faites aux expulsés par les autorités malaisiennes, Mgr Ramon Arguelles, président de la Commission épiscopale pour la pastorale des migrants et des gens du voyage, a déclaré que le gouvernement philippin devait “menacer” de rompre les relations diplomatiques avec Kuala Lumpur. Lors d’une conférence de presse le 29 août, Mgr Arguelles, qui est également évêque aux armées, a ajouté que l’Eglise “déplorait le traitement malheureux” fait aux Philippins. L’émotion, relayée par les médias philippins, a été amplifiée par le récit d’une jeune réfugiée philippine, âgée de 13 ans, violée par des représentants des forces de l’ordre à Kota Kinabalu, capitale de l’Etat de Sabah, alors qu’elle attendait son expulsion de Malaisie. Le 4 septembre, le gouvernement philippin a fait savoir qu’il avait officiellement protesté auprès des autorités malaisiennes. Toutefois, quelques jours auparavant, Blas Ople, le secrétaire aux Affaires étrangères, avait déclaré que la réaction de son gouvernement face aux difficultés créées par l’afflux de réfugiés serait arrêtée “dans le calme et en fonction d’une appréciation intelligente de l’intérêt national”. Une délégation chargée d’inspecter les camps de rétention pour réfugiés philippins a été dépêchée à Sabah le 2 septembre.

Dans l’archipel des Sulu, à l’extrémité sud-ouest du pays et à proximité de Bornéo, où est arrivée la majeure partie des immigrants philippins expulsés de Malaisie, le gouvernement, aidé des ONG et de l’Eglise catholique, a mis peu à peu en place des structures d’accueil. Une grande partie des réfugiés disent, qu’une fois qu’ils auront obtenu un passeport et un visa, ils repartiront pour la Malaisie. “Nous n’avons pas de moyens de subsistance à Mindanao. Nous sommes mieux à Sabah même si la vie y est rude témoigne Ismaël Najib, réfugié avec sa femme et ses cinq enfants à Bongao, sur l’île de Tawi-Tawi, depuis le début août. Certains de ses enfants sont nés à Sabah où il a travaillé, en tant qu’ouvrier du bâtiment, ces dix dernières années. Selon une enquête du ministère des Affaires sociales, seulement 16 % des réfugiés souhaitent retourner en Malaisie, mais, selon le P. Jose Ante, directeur du bureau d’aide sociale du vicariat apostolique de Jolo, dès que les réfugiés pourront obtenir des papiers en règle, ils retourneront en Malaisie. Le P. Ante déplore cette situation, estimant que “la solution à long terme réside dans la création d’emplois” sur place, aux Philippines.

Très proche géographiquement des Philippines, de l’archipel des Sulu en particulier, l’Etat de Sabah n’a été rattaché à la Fédération de Malaisie qu’en 1963, à la faveur d’un référendum organisé sous l’égide des Nations Unies. Parce que Sabah a fait partie au XVe siècle du sultanat de Sulu, cette partie de l’île de Bornéo occupe une place spéciale dans la vie politique philippine, l’Etat philippin n’ayant jamais formellement abandonné la revendication selon laquelle ce territoire lui revient.