Eglises d'Asie

Les chrétiens s’inquiètent d’un jugement de la Cour suprême concernant une réforme scolaire du gouvernement fédéral

Publié le 18/03/2010




Les milieux chrétiens de l’Inde ont mal accueilli un récent jugement de la Cour suprême concernant les changements introduits récemment dans les programmes scolaires du pays, un jugement qui risque d’encourager le gouvernement fédéral dans sa volonté d’imposer ses vues et ses orientations aux études des élèves dans les domaines religieux, culturels et historiques. En 2000, le gouvernement avait entamé un remaniement du programme général des études (1). Au mois d’avril dernier, à l’occasion de la nouvelle année scolaire, le Conseil national de l’Education pour la recherche et la formation, qui assiste le gouvernement central et celui des Etats en matière éducative, devait imposer aux écoles le nouveau programme révisé. Le jugement met un terme à une action en justice menée par un groupe de trois personnes, l’éditorialiste orthodoxe B.G. Vergese et deux de ses amis. Les plaignants mettaient en cause la nouvelle politique de l’éducation lancée par le gouvernement fédéral et accusaient ce dernier de procéder à une révision des manuels scolaires afin de promouvoir une idéologie politique et religieuse particulière.

La Cour suprême, qui, le 1er mars dernier, avait décidé de surseoir à l’introduction des change-ments (2), est revenue, le 12 septembre dernier, sur son jugement et déclare aujourd’hui que l’étude des religions n’est pas en contradiction avec la laïcité proclamée par la constitution du pays. Elle ap-prouve les changements introduits et affirme que la connaissance des diverses philosophies religieuses devrait aider le pays à vivre dans “l’harmonie intercommunautaire alors que l’ignorance, les défor-mations, les préjugés, la propagande ne pouvaient engendrer que la haine. Cependant, la Cour suprême met en garde contre une “possible perversion de la politique éducative des autorités” dans la mesure où celles-ci n’enseigneraient que leur foi et leurs croyances. Les juges ont également dissuadé les responsables de propager des dogmes ou des superstitions sous couvert d’enseignement religieux.

Les autorités fédérales se sont réjouies de la décision du tribunal. Murli Manohar Joshi, ministre du Développement des Ressources humaines, a qualifié le jugement de “victoire morale du gouvernement” et a affirmé que les accusations lancées contre le nouveau programme scolaire étaient motivées par des arrière-pensées politiques, la malveillance ou l’ignorance. Tel n’est pas l’avis des éducateurs chrétiens qui voient dans l’ensemble de l’affaire une tentative des groupes hindouistes pour promouvoir leur idéologie dans la jeunesse indienne. Dès le mois de décembre 2001, la Conférence épiscopale de l’Inde, qui gère quelque 10 000 écoles primaires et secondaires dans le pays, avait exprimé ses plus sérieuses réserves sur la réforme éducative proposée par le gouvernement. Mgr Vincent Michael Concessao, archevêque de Delhi, commentant le jugement de la Cour suprême, a déclaré que des études sérieuses ont montré que l’histoire a été déformée dans les nouveaux manuels scolaires pour la rendre conforme aux exigences idéologiques du parti au pouvoir. D’une manière générale, les critiques soulignent que le nouveau programme scolaire exalte au plus haut point la civilisation hindoue et ses réalisations tandis qu’il minimise les créations et les acquis dus aux musulmans indiens. Les minorités religieuses de l’Inde craignent que, désormais, les autorités fédérales soient incitées à pousser plus loin leur réforme scolaire partisane.

Les trois auteurs de la plainte qui accusaient le gouvernement d’avoir, en changeant le programme scolaire, usurpé les droits du Parlement et des assemblées locales, ont déclaré qu’ils n’abandonneraient pas leur combat et feraient appel du récent jugement.