Eglises d'Asie

Les fêtes de la divinité hindoue Ganesh sont l’occasion d’une démonstration de concorde interreligieuse dans l’Andhra Pradesh et de violences meurtrières dans le Gujarat

Publié le 18/03/2010




Les festivités de dix jours organisées, un peu partout, en l’honneur de la divinité hindoue à tête d’éléphant, Ganesh, qui s’achevaient aux alentours du 20 septembre par l’immersion de la statue du dieu dans un fleuve ou dans un lac, se sont déroulées totalement différemment en fonction des relations existant entre les différentes communautés religieuses coexistant dans la Fédération indienne. C’est ainsi que l’on a pu noter une participation massive des musulmans aux manifestations publiques des grandes villes de l’Etat d’Andhra Pradesh. Le climat était totalement différent dans l’Etat du Gujarat, récent théâtre d’émeutes anti-musulmanes, où plusieurs explosions de violences ont eu lieu, qui ont provoqué la mort de quatre personnes et fait quelque 30 blessés.

Dans la capitale de l’Andra Pradesh, le premier jour des festivités, musulmans et hindous s’étaient associés pour installer la statue du dieu dans le temple de la ville. Le dernier jour, des chants d’actions de grâces en l’honneur de Ganesh ont retenti dans deux villes de l’Etat, Hyderabad et Secunderabad, tandis que les fidèles transportaient sa statue dans les rues à destination d’un lac où finalement elle a été jetée. Selon les estimations de la police, la moitié de la population des deux villes (5,5 millions de personnes) participaient à la procession. Les musulmans habitant sur son trajet se tenaient sur les trottoirs, offrant des fleurs et de l’eau fraîche aux participants de la cérémonie. A Hyderabad où, les années passées, ces mêmes fêtes avaient donné lieu à des troubles violents, l’Assemblée de l’Alliance musulmans, un parti politique à majorité musulmane, avait élevé une plate-forme auprès des quatre minarets historiques de la ville (Charminar) pour accueillir la procession. On pouvait y voir flotter des bannières exaltant l’amitié hindoue-musulmane.

Les jours précédents, les dirigeants musulmans avaient demandé à leurs coreligionnaires de se rendre pour la prière du vendredi, 20 septembre, dans les mosquées les plus proches de leurs résidences et non dans la mosquée la plus populaire au centre de la ville. L’attitude des musulmans a été remarquée d’un certain nombre de dirigeants religieux hindous. Le ministre du Tourisme de l’Etat a félicité les musulmans pour leur contribution à l’harmonie intercommunautaire, tandis qu’un parlementaire hindou, A. Narendra, connu pour ses efforts en faveur de la concorde interreligieuse, remerciait les musulmans du soutien apporté par eux aux hindous.

Ce même vendredi 20 septembre, à Vadodara, dans le Gujarat, la procession transportant la divinité vers le fleuve s’est heurtée à un groupe de musulmans se rendant à la prière du vendredi. La rencontre a aussitôt dégénéré en bataille rangée. Trois personnes ont été poignardées, une autre est morte d’une balle tirée par la police qui essayait de contrôler la situation. Le plus grand désordre régnait dans la procession lorsque celle-ci est arrivée au fleuve pour l’immersion de la statue de la divinité. D’autres scènes de violences ont eu lieu le 22 septembre à Ahmedabad, la capitale commerciale de l’Etat, où des jets de pierres et des batailles à l’arme blanche ont eu lieu.

Divers commentateurs ont donné chacun à leur manière leur explication des violences survenues au Gujarat pour les festivités de Ganesh. Mgr Godfrey de Rosario, évêque de Vadodara, pense que les démêlés entre communautés religieuses sont dus à la rivalité entre partis politiques. Pour lui, ils ont intérêt à perpétuer la violence sociale jusqu’aux prochaines élections dans l’Etat prévues pour le mois de mars 2003. Cette même opinion est partagée par Rohit Prajapati, de populaire pour les libertés civiles, qui accuse le gouvernement d’être passé maître dans l’art de manouvrer les électeurs. Un témoin du heurt entre les fidèles hindous et les musulmans se rendant à la prière a alimenté cette suspicion en révélant que ce n’étaient ni les musulmans, ni les hindous qui avaient entamé le combat, mais des étrangers au quartier, déjà sur place.

La police locale ainsi que le ministre-président, Narendra Modi, ont diffusé une interprétation des faits passablement différente et, pour beaucoup, curieuse. Les instigateurs des violences du 20 septembre auraient voulu détourner l’attention de l’arrestation, le 18 septembre dernier, au Portugal, de Abu Salem, un musulman accusé d’attentats à la bombe à Bombay, en 1993.