Eglises d'Asie

La répression des Montagnards, leur exode au Cambodge, leur retour forcé au Vietnam n’ont jamais cessé depuis le mois d’avril 2002

Publié le 18/03/2010




L’organe de la Sécurité publique, Công An Nhân Dân (‘Sécurité Populaire’) du 7 octobre, sous le titre “Une leçon pour les agitateurs a relaté le procès et la condamnation d’un militant montagnard du nom de Rlan Loa, appartenant à l’ethnie Jarai, sans que soit précisée la date de la comparution de l’accusé devant les juges pas plus que la nature du tribunal dont on sait seulement qu’il est situé dans la province de Gia Lai, sur les Hauts Plateaux du Centre-Vietnam. Le Montagnard, âgé de 38 ans, accusé “d’avoir quitté illégalement le Vietnam pour l’étranger afin d’y lutter contre le gouvernement a été condamné à une peine de neuf ans de prison suivis de cinq ans de résidence surveillée. Dans ses commentaires, le journal de la police classe le militant montagnard parmi les agitateurs, affirmant qu’il avait fomenté des manifestations dans les milieux protestants de la région en liaison avec des forces hostiles exilées aux Etats-Unis commandées par Ksor Kor. Ce dernier, ancien membre du Front uni de libération des races opprimées (FULRO), est aujourd’hui responsable d’un mouvement militant pour la création d’un Etat montagnard indépendant. A la fin de l’année 2001, Rlan Loa aurait participé en tant qu’organisateur à l’exode du millier de Montagnards au Cambodge dont une bonne partie a aujourd’hui reçu l’asile aux Etats-Unis après avoir séjourné jusqu’au mois d’avril dernier dans les camps cambodgiens de Ratanakiri et de Mondolkiri (1). Lui-même, le 25 décembre 2001, à la tête d’un groupe d’une centaine de Montagnards, aurait traversé la frontière du Cambodge. Tous avaient été arrêtés et ramenés au Vietnam par la police cambodgienne le 28 janvier suivant.

L’exode des Montagnards du Vietnam au Cambodge avait commencé au lendemain des manifestations des ethnies minoritaires de février 2001 sur les Hauts Plateaux du Centre-Vietnam et de la répression policière qui avait suivi. Au milieu de l’année 2001, un millier d’entre eux étaient hébergés dans deux camps des provinces orientales de Mondolkiri et de Ratanakiri, au Cambodge. Le 21 janvier 2002 (2), le Cambodge, le Vietnam et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés s’étaient mis d’accord sur un programme de rapatriement des pensionnaires de ces camps. Cependant, l’absence de garanties concernant la sécurité des futurs rapatriés, ainsi qu’un certain nombre d’incidents dus à la police cambodgienne ramenant les réfugiés dans leur pays manu militari, aux incursions des autorités vietnamiennes à l’intérieur même des camps de réfugiés au Cambodge, avaient amené les responsables du Haut Commissariat aux réfugiés à dénoncer l’accord tripartite le 23 mars 2002 (3) et trois jours plus tard, à proposer, puis à organiser l’installation des pensionnaires des camps aux Etats-Unis.

Cette rupture des accords est loin, semble-t-il, d’avoir mis un terme à l’exode des Montagnards vers le Cambodge et aux pratiques policières exercées contre eux de la part des polices vietnamienne et cambodgienne. Une association des droits de l’homme qui, quelques jours auparavant, avait alerté l’opinion sur la répression continuant de s’exercer sur la population des Hauts Plateaux du Centre Vietnam (4) vient de le signaler. Un communiqué de l’organisation Human Rights Watch daté du 25 septembre déclare : “Depuis la rupture des accords de rapatriement tripartites (…) les autorités cambodgiennes ont ramené au Vietnam plus de 400 Montagnards demandeurs d’asile. Les milices cambodgiennes sont postées dans des villages frontaliers du Vietnam. Les habitants ont reçu l’ordre de ne pas prêter assistance aux réfugiés sous peine de prison.” Selon l’association humanitaire, une centaine de Montagnards demandeurs d’asile se terrent aujourd’hui dans les forêts de la région fronta-lière où ils risquent fort d’être arrêtés ou ramenés de force au Vietnam. En effet, depuis avril dernier, le Cambodge comme le Vietnam ont renforcé leur présence militaire et policière des deux côtés de leur frontière commune. Des groupes de sept à huit miliciens ont été établis dans de nombreux villages de la province de Ratanakiri tandis que des policiers vietnamiens en civil traversent librement la frontière et viennent interroger les paysans cambodgiens sur l’éventuelle présence de Montagnards vietnamiens.

L’organisation américaine adresse des remontrances particulièrement sévères aux autorités cambodgiennes. “Leur attitude, affirme-t-elle, constitue une violation flagrante de l’obligation incombant à toutes les nations de ne pas renvoyer dans leur pays des demandeurs d’asile qui risquent d’y subir de graves persécutions.” Et elle conclut : “Au lieu de punir ceux qui prêtent assistance aux réfugiés, les responsables cambodgiens feraient mieux de protéger ces derniers…”