Eglises d'Asie – Indonésie
LE GOUVERNEMENT MANQUE DE DETERMINATION POUR RESOUDRE LES CONFLIT INTERCOMMUNAUTAIRES A POSO, SUR L’ILE DE CELEBES, ET A AMBOINE, AUX MOLUQUES
Publié le 18/03/2010
Sulaiman Manar : Les conflits à Poso, à Célèbes, comme à Amboine, aux Moluques, ne peuvent être abordés avec partialité. Le gouvernement et ceux qui insistent pour dire que les affrontements doivent cesser ne peuvent agir en pompiers. Un plan global de résolution de ces conflits doit être mis sur pied. Avant que les accords de Malino ne soient signés, les dirigeants locaux, à Poso, avaient signé un accord sous le patronage d’Abdurrahman Wahid, alors président du pays. Mais après cela, des incidents ont fait plusieurs morts ici et là.
Les accords de Malino ont été le produit d’un plan global mais, malheureusement, les actions entreprises pour assurer le suivi de ces accords ont été mises en ouvre trop lentement. Prenez par exemple la construction d’abris temporaires pour les victimes qui ont perdu leur toit. Douze mille maisons ont été dévastées et le ministère des Infrastructures régionales et des Réinstallations avaient donné la priorité à la construction de 6 000 maisons temporaires. Or, en huit mois, seulement un millier de ces maisons ont été construites. Les aides sont arrivées trop tard. L’ensemble de ces facteurs pourrait très bien être la cause de nouveaux incidents. Les facteurs religieux et ethniques peuvent être la cause de problèmes et des conflits partout mais ne perdez pas de vue que les questions économiques, politiques et socio-culturelles ont joué et continuent de jouer un rôle majeur. Le ministère de l’Intérieur avait promis de former des fonctionnaires locaux à la gestion des situations de crise, en plus des aides financières annoncées, mais rien de tout cela ne s’est concrétisé.
Les habitants de Poso peuvent-ils être considérés comme des gens violents ? Ou sont-ils tout simplement très sensibles aux questions ayant trait aux différences ethniques et religieuses ?
Les habitants de Poso n’ont pas hérité de leurs ancêtres une tradition de conflits. Les heurts dans l’archipel au début du XIXe siècle étaient fréquents. Des conflits d’intérêt sont apparus lorsque deux groupes se sont opposés : un groupe religieux nommé ‘Le Peuple de l’Univers’ (Pemberontakan Rakyat Semesta) et les habitants de Manado, à Célèbes-Nord, qui tenaient l’économie. Les habitants de la région de Poso ont commencé à être marginalisés à cette époque. Le cour du problème est politique, même si il est aussi lié aux questions religieuses. Les questions religieuses et ethniques peuvent aisément déboucher sur de la haine. Ceux qui ont été reconnus coupables de violences lors des heurts de ces dernières années n’étaient pas des Pamona (natifs de Poso) ; tous ceux qui ont été jugés coupables par les tribunaux étaient des gens étrangers à Poso.
Les religions ont été instrumentalisées à des fins politiques. Comment analysez-vous cela ?
La plus grande partie de la communauté chrétienne espérait que Yahya Patiro, le secrétaire de la province, serait promu pour remplacer Arif Patanga au poste de régent de Poso. Yahya était considéré comme la personne la plus à même de représenter les chrétiens. Mais, à l’époque, le Golkar, alors au pouvoir, a insisté pour que Muin Pusadan, un musulman, remplace Arif tandis que celui qui a remplacé Yahya au poste de secrétaire provincial était également un musulman. Les gens ont commencé à avoir le sentiment d’une injustice étant donné l’accord non écrit selon lequel si le régent est musulman, le secrétaire de la province doit être chrétien et vice versa.
Chaque communauté religieuse a alors commencé à agir selon ce qu’elle percevait être son propre intérêt à court terme. Par conséquent, il y a eu de nombreux changements de religion, des musulmans se faisant chrétiens et des chrétiens se faisant musulmans. Tentena, petite localité située à 60 km. de Poso, avait été créée à l’époque coloniale, du temps des Hollandais, comme une localité chrétienne. Mais les migrants qui sont venus s’installer à Poso et Tentena, dès l’origine, venaient de Bugis, Gorontalo et Java et étaient pour la plupart des musulmans. Au début, les chrétiens étaient plus nombreux que les musulmans. Puis les migrants ont fait basculer le ratio, provoquant des rivalités entre les deux communautés. Le fait que les migrants aient été plus prospères économiquement que les populations locales a également suscité la jalousie.
Etant donné les écarts économiques et politiques entre les migrants et les locaux, est-il concevable que l’administration se montre impartiale ?
Les heurts et les conflits n’auraient pas été meurtriers si le gouvernement avait agi rapidement et avec sagesse. Avec la mise en place de la politique d’autonomie, les administrations locales peuvent prendre des mesures pour limiter l’accès à la propriété de la terre et des biens. Il doit être mis en place des procédures pour permettre aux locaux (sans terre) de devenir propriétaire de lopins de terre, tout comme les migrants ont reçu des lots de terre et une aide durant des années dans le cadre du programme de transmigration. Les locaux devraient être traités de telle manière qu’ils ne soient pas poussés en dehors de chez eux, ruinant ainsi l’objet même du programme de transmigration.
Quelles différences percevez-vous entre le conflit à Poso et celui des Moluques ?
La structure de ces deux conflits et leurs manifestations sont très similaires. Des éléments religieux et ethniques sont pré-sents à Amboine comme à Poso. Ce qui s’est rajouté récem-ment à Amboine, c’est la question du séparatisme. Mais, quelle qu’en soit l’issue, le résultat est le même : des morts. A Poso, l’élément déclencheur est l’alcool. Plus tard, des groupes ont manipulé la situation et créé un nouveau problème : la religion. Nous savons qui est derrière cela mais nous n’avons pas de preuves incontestables. Je pense également que l’élément national n’est pas absent de ces questions : des élites politiques à l’échelon du gouvernement central sont impliquées. Une certaine partie de ces élites a agi en faveur d’un accord de paix à Poso et une autre, d’autres s’y sont opposé craignant que ceux qui préparaient l’accord de paix se verraient par la suite promus. Si le gouvernement, l’armée et la police avaient été sincères et sérieux dans leur engagement à mettre fin au conflit, les provocateurs et les tireurs isolés auraient été arrêtés.
Que recommanderiez-vous pour mettre fin aux conflits à Poso et dans d’autres zones chaudes comme Amboine ?
L’appareil de sécurité et d’application du droit devrait agir avec rapidité et professionnalisme. Les militaires et la police auraient dû envoyer sur place, à Poso, des hommes qualifiés et formés et non des jeunes recrues inexpérimentées. Les hommes des services de sécurité manquent tout simplement de l’expérience et de la sagesse nécessaires pour gérer ces problèmes. Ce n’est pas de leur faute.
Par ailleurs, les données existantes quant au nombre des réfugiés ne sont plus à jour, causant des distorsions et des interruptions dans la distribution des aides. La gestion des réfugiés devrait être centralisée et confiée aux bureaux locaux des affaires sociales. A l’heure qu’il est, de trop nombreuses agences et institutions sont impliquées dans la gestion des réfugiés.
A quel niveau des améliorations devraient en premier lieu être apportées ?
Les gens doivent prendre conscience qu’un tiers est derrière tout cela. Il doit y avoir une prise de conscience sur le terrain de façon à s’opposer à toute provocation venue de l’extérieur. Les gens sur place doivent acquérir une sorte de faculté interne à la résistance. Enfin, il est malheureusement trop évident que le pouvoir doit être dévolu aux personnes qui sont sur place, sur le terrain.