Eglises d'Asie – Inde
Le Tamil Nadu a promulgué une ordonnance interdisant les conversions obtenues par force ou par séduction
Publié le 18/03/2010
Dans les “attendus” présentés pour justifier l’ordonnance, le gouvernement mentionne un certain nombre de rapports récents concernant des conversions de ce type. Il fait allusion aux récentes conversions au christianisme qui ont eu lieu dans la région dont la presse a beaucoup parlé. Deux cent cinquante paysans de basse caste ont été baptisés par les Adventistes du 7ème jour au cours d’un rassemblement qui a eu lieu du 22 au 24 août dans un district de l’Etat (1). Mention a également été faite du village de Meenakshipuram, où, en juin 1981, un millier de dalits s’étaient convertis à l’islam, attirant l’attention de l’Inde tout entière (2). Le motif invoqué était les mauvais traitements dont ces dalits souffraient de la part des hindous de haute caste. Selon ses auteurs, la récente ordonnance a pour objectif d’empêcher des groupes anti-sociaux d’exploiter la misère des populations sans ressources. Elle est susceptible également d’étouffer dans l’ouf les tentatives de certains groupes fondamentalistes et subversifs essayant de créer des tensions intercommunautaires en utilisant les affaires de conversions (3).
Comme on pouvait s’y attendre, la nouvelle ordonnance a été accueillie avec satisfaction par l’ensemble des divers groupes hindous d’extrême droite. Le président du Vishwa Hindu Parishad (Conseil mondial hindou, VHP), Ashok Singhai, a félicité le ministre-président de l’Etat, Jayalalithaa, pour le nouveau texte de loi, ajoutant que “chercher à convertir d’autres personnes par la séduction, la force où la menace physique n’était pas une démarche religieuse, mais politique Ce faisant, les religions ne chercheraient qu’à accroître le nombre des adeptes dans une région pour pouvoir ensuite réclamer pour celle-ci un gouvernement formé de leurs coreligionnaires. Cela se serait passé ainsi pour le Pakistan et le Timor-Oriental (4). Le secrétaire général du même mouvement a souhaité un peu plus tard que les autres Etats de l’Inde suivent l’exemple du Tamil Nadu en promulguant des directives du même type (5).
Dans les milieux chrétiens, c’est l’archevêque de Madurai, Mgr Arockiaswamy, également président du Forum des Minorités unies, qui s’est élevé le premier contre la nouvelle ordonnance. Il a annoncé que les établissements éducatifs des minorités religieuses dans l’Etat pourraient bien fermer leurs portes en guise de protestation. Pour lui, la parution de l’ordonnance constitue une nouvelle manifestation de l’idéologie nationaliste hindouiste (6). Dans un communiqué publié à Chennai, le Conseil chrétien panindien rejette d’emblée l’idée même de “conversions forcées Cette expression est une contradiction dans les termes. On ne peut donc trouver une réalité sociale qui lui corresponde. La conversion, un droit humain garanti par la Constitution indienne et les Nations Unies, ne peut être que le fruit d’un choix libre et c’est ainsi qu’elle est comprise par l’Eglise. Le communiqué s’attarde sur le vocable de “séduction” utilisé dans le texte de l’ordonnance. “C’est un terme extrêmement vague, susceptible d’être interprété par les autorités en fonction de leur plus ou moins grande sympathie pour la religion en question… Porter assistance à quelqu’un, construire un établissement de santé dans une région isolée, ces actes seront-ils considérés comme des tentatives de séduction”, se demande l’auteur du communiqué (7).
L’ordonnance qui a pris effet dès le 7 octobre dernier devra cependant être ratifiée par l’Assemblée législative de l’Etat lors de sa prochaine session pour être considérée comme ayant une valeur définitive.