Eglises d'Asie

Maharashtra : une nouvelle politique gouvernementale au service de l’enfance suscite doutes et espoirs chez les militants chrétiens

Publié le 18/03/2010




Le Maharashtra est l’un des plus importants Etats de l’Inde aussi bien par sa population (78,9 millions d’habitants selon le recensement de 1991), que par sa superficie (307 000 km ) que par la présence sur son territoire de la plus grande ville du pays, Bombay (ou Mumbai) (13,8 millions avec l’agglomération en 1995). Son ministre-président Vilasrao Deshmukh, s’enorgueillit aujourd’hui de gouverner le premier Etat à s’être engagé dans une véritable initiative éducative et sociale à l’égard de l’enfance avec sa “Politique 2002 de développement de l’enfance Cette dernière, récemment livrée à la connaissance des citoyens et qualifiée par ses auteurs de “politique de progrès prévoit entre autres choses l’établissement d’une commission des droits de l’enfant, un programme de désintoxication pour les étudiants, la protection des orphelins et des enfants des rues et la nomination d’agents gouvernementaux chargés d’empêcher le mariage des enfants dans les villages.

Dans une conférence de presse, le 12 septembre dernier, le ministre président a expliqué que la nouvelle politique mise en place avait pour objectif de valoriser les droits des enfants. Certes, des lois sur les enfants existent, mais elles n’ont pas été révisées et mises à jour en fonction des nouvelles normes promulguées par la convention des Nations Unies de 1989 sur les droits de l’enfant. Il a énuméré une série de nouveautés prévues dans le cadre du nouveau plan d’aide à l’enfance. Les hôpitaux gouvernementaux délivreront aux femmes enceintes des cartes leur donnant le droit de bénéficier de soins de santé spéciaux et d’une assistance leur permettant de suivre un régime nutritionnel adapté à leur état. En même temps, les fonds alloués à la Commission pour le bien-être des femmes et des enfants seront augmentés de 10 %. La nouvelle ligne politique propose un concept d’adoption, qui désormais ne consistera pas à donner un enfant à une famille, mais bien plutôt à procurer une famille à un enfant qui en était dépourvu. Il est également prévu de faire bénéficier de prêts à bon marché les parents qui s’opposeront à l’embauche de leurs enfants pour un travail rémunéré.

Dans le diocèse où beaucoup de prêtres, religieuses et laïcs chrétiens sont engagés à titres divers dans des oeuvres au service de l’enfance, les réactions ont été très nombreuses, généralement favorables mais souvent empreintes de scepticisme à la pensée que les réalisations pourraient bien ne pas être à la hauteur des promesses. C’est ainsi que le P. Anthony Fonseca, ancien directeur de Snehasadan (‘Résidence d’amour’), un centre pour les enfants de la rue, a fait remarquer que ceux-ci étaient au nombre de 100 000 pour la seule ville de Bombay et que leurs problèmes ne diminueront pas tant que les fonds qui leur sont alloués ne les atteindront pas. Le P. Xavier Devadas, directeur de la Maison d’accueil Don Bosco pour les enfants de la rue, a émis une opinion semblable et affirmé que sans une collaboration étroite avec les associations privées, l’action sociale du gouvernement pour l’enfance restera lettre morte. Selon lui, plus que d’une politique dite de progrès sans application réelle, on avait besoin de services gouvernementaux proches des enfants, assurant soins et protection à ceux qui sont abandonnés.

Les religieuses travaillant au service des enfants handicapés ou dépourvus ont également mis en avant les exigences concrètes dont la nouvelle politique de développement de l’enfance doit tenir compte. “Ce n’est pas avec des bavardages que l’on fait cuire le riz pour les enfants pauvres”, a commenté une religieuse responsable du mouvement des employés de maison. Selon elle, il y a aujourd’hui plus de 40 000 enfants de moins de 14 ans au travail dans la capitale commerciale du Maharashtra. “Si le gouvernement les retire à leurs employeurs, sera-t-il capable de les envoyer à l’école, interroge la religieuse. “Que fera-t-on des 300 000 jeunes de moins de 18 ans qui travaillent dans la petite industrie ? demande-t-elle encore.

Cependant, malgré ces interrogations et ces doutes, beaucoup ont quand même bon espoir que l’initiative du ministre-président portera des fruits. Un membre d’une association d’aide à la jeunesse s’est ainsi exprimé : “Les milliers de jeunes qui se regroupent à Bombay sont poussés par le désespoir ou par le désir de trouver du travail. L’important c’est que le gouvernement les récupère avant qu’ils soient entraînés dans des activités délictueuses !”