Eglises d'Asie

Un prêtre, ancien alcoolique lui-même, voudrait voir l’Eglise catholique s’occuper davantage des alcooliques

Publié le 18/03/2010




Le P. Bartholomew Heo Keun, alcoolique lui-même pendant plus de dix ans et que son alcoolisme avait conduit à être hospitalié, est convaincu que « l’Eglise devrait aider les alcooliques, non seulement physiquement mais spirituellement ». Ainsi, a confié ce prêtre de 50 ans, un ministère spécialisé devrait proposer une pastorale adaptée pour les alcooliques. L’Eglise peut les aider à développer une relation personnelle avec Dieu, a-t-il expliqué, en leur faisant prendre conscience que Dieu veut les aider parce qu’ils ont été créés à son image et à sa ressemblance. D’après ce prêtre, l’alcoolisme est largement répandu en Corée. Il cite une étude du ministère de la Santé et de l’Aide sociale, parue en 2000, qui indique que 3,3 millions de personnes, soit 7 % de la population, étaient alcooliques et nécessitaient des soins mais que 6 000 d’entre elles seulement étaient en traitement.

Fort de sa propre expérience, le P. Heo se rappelle : « Souvent, je pouvais à peine présider la messe parce que je buvais tous les jours. Parfois, je célébrais en état d’ivresse ou ne parvenait pas à terminer (la messe) Après avoir cessé de boire, le repentir l’a poussé à organiser en 1999 un « Centre pastoral pour alcooliques » au sein de l’archidiocèse de Séoul. Le centre propose consultations, direction spirituelle et programmes concrets pour les alcooliques et leurs familles. Le P. Heo en est le directeur. Outre des rencontres organisées sur le modèle des Alcooliques Anonymes (AA) où chacun partage ses expériences et donne ses propres conseils pour éviter les rechutes, des programmes de conscientisation spirituelle, des réflexions sur la Bible, des lectures et la messe font partie de l’aide proposée.

Le P. Heo dit ne pas croire qu’une réelle guérison puisse s’obtenir avec seulement des médicaments, de la psychothérapie et sans une aide spirituelle. Les alcooliques, affirme-t-il, ne doivent pas compter seulement sur leurs propres forces mais doivent aussi s’en remettre à Dieu. En septembre, le prêtre a publié un livre intitulé Je suis un alcoolique, fondé sur son expérience. Il dit espérer que ce livre pourra aider les gens à mieux comprendre l’alcoolisme et les alcooliques à ne pas craindre un traitement en hôpital. Dans ce livre, il souligne aussi que, malgré le nombre des alcooliques en Corée, l’Eglise leur porte peu d’intérêt. Seulement trois diocèses sur les quinze que compte le pays ont des centres spécialisés à leur attention.

Selon Frère Pius Chang Hyun-kwon, directeur du Centre Granada pour alcooliques du diocèse de Kwangju, l’une des difficultés principales est d’empêcher les gens de boire dans une société où l’alcool est très présent. De son point de vue, « le plus important et le plus difficile travail dans cette sorte de pastorale est celui de la prévention. Malheureusement, la société coréenne et l’Eglise sont trop libérales quand il s’agit de boire ». Un prêtre de 32 ans du diocèse d’Inchon, qui a accepté de témoigner sous le couvert de l’anonymat, a confié que les prêtres de paroisse ont l’habitude de boire en société avec leurs paroissiens, trois ou quatre fois par semaine. « Pour les Coréens, surtout les hommes, boire ensemble à la sortie du bureau est considéré comme un acte de politesse », a-t-il affirmé. Néanmoins, a-t-il ajouté, un prêtre devrait être capable de se contrôler et de rester sobre.