Eglises d'Asie – Indonésie
Après l’annonce par les Laskar Jihad de leur autodissolution, les hommes de cette milice extrémiste musulmane quittent progressivement les Moluques et la région de Poso, à Célèbes
Publié le 18/03/2010
Après tant d’appels venus des responsables chrétiens des Moluques (1) mais également d’autres secteurs de la société indonésienne ces deux dernières années pour que les autorités gouvernementales prennent leurs responsabilités et empêchent cette milice d’envenimer une situation par ailleurs difficile à Amboine ou à Poso, les questions n’ont pas manqué concernant cette soudaine dissolution et ce retrait de ces deux zones de conflits intercommunautaires de la partie orientale de l’archipel indonésien. Selon un porte-parole des Laskar Jihad à Amboine, le retrait des Moluques obéit en premier lieu à l’appel de Ja’far Umar Thalib, relayé sur les ondes de la radio locale musulmane SPMM le jour même de l’annonce de la dissolution du mouvement. Un autre responsable du groupe a affirmé que cette dissolution n’avait rien à voir avec l’attentat de Bali du 12 octobre dernier (2) mais qu’elle avait été prise avant cette date ; elle s’explique par le fait que le gouvernement a apparemment pris la mesure du mouvement séparatiste à l’ouvre aux Moluques (3) et que l’armée et la police protégent désormais mieux les intérêts de la communauté musulmane moluquoise. Un autre responsable du groupe a encore affirmé que la dissolution des Laskar Jihad était à mettre au compte de difficultés financières.
Selon bon nombre d’analystes, indonésiens ou non, la véritable raison de la dissolution du groupe serait la perte de ses appuis dans la hiérarchie militaire. En effet, créé avec la connivence de généraux de l’armée dans l’intention de déstabiliser la présidence d’Abdurrahman Wahid, au pouvoir d’octobre 1999 à juillet 2001, les Laskar Jihad ont continué à agir une fois le président Wahid chassé du pouvoir, mais, depuis, l’actuelle présidente Megawati a opéré des changements au sein de la hiérarchie militaire et les généraux soutenant ce groupe extrémiste ont été remplacés.
A Amboine, quelles que soient les raisons de la dissolution des Laskar Jihad, une tension réelle perdure. L’explosion de plusieurs bombes artisanales, la neutralisation à temps de certaines autres laissent entrevoir une situation fragile. Selon le Centre de crise du diocèse catholique d’Amboine, une partie des musulmans locaux craignent que les partisans moluquois des Laskar Jihad se sentent abandonnés et se livrent à des actes désespérés. A Amboine, les chrétiens ne se risquent pas à traverser Batumerah et Galunggung, deux quartiers musulmans de la ville. Cependant, des responsables chrétiens estiment qu’il faut saisir l’occasion créée par le départ des miliciens extrémistes pour repartir sur des bases neuves. Le 18 octobre, le pasteur I.W.J. Hendriks, dirigeant de l’Eglise protestante moluquoise (GPM), a déclaré que le gouvernement devait agir maintenant pour restaurer la paix, les chrétiens comprenant que tous les musulmans ne sont pas des Laskar Jihad et les musulmans réalisant que tous les chrétiens ne sont pas des partisans de l’indépendance des Moluques.