Eglises d'Asie

Des ‘sans domicile fixe’, aidés d’un prêtre jésuite, ont su faire pression sur les autorités pour faire passer une loi susceptible de donner un toit et un emploi à tous les SDF

Publié le 18/03/2010




Dans un quartier chic de Tôkyô où les boutiques de luxe et les restaurants huppés sont toujours bondés, des SDF (‘sans domicile fixe’) se sont organisés pour ne plus avoir à dormir dans des cartons. Depuis bientôt quatre ans, chaque fin de semaine, dans ce quartier de Shibuya, au parc Miyashita, on peut apercevoir le P. Masatsugu Shimokawa parmi eux. D’une certaine façon, ce prêtre jésuite est un des leurs étant donné qu’il fait partie de leur organisation, L’association libre de Shibuya pour le droit au logement et à une vie décente des SDF. Selon le témoignage du P. Shimokawa, ce sont les SDF eux-mêmes qui, en 1998, ont mis sur pied ce groupe appelé aussi Nojiren, avec l’aide de quelques autres personnes. Ce groupement d’entraide a été monté pour faire pression et négocier avec le gouvernement afin d’obtenir logement et travail stable pour tous.

Outre les SDF du parc Miyashita, la ville de Tôkyô compte plusieurs autres quartiers semblables à celui-ci où quelque 6 000 SDF vivent dans la rue. Pour l’ensemble du Japon, les services sociaux estiment leur nombre à 30 000, un chiffre à revoir à la hausse depuis la récession de ces dernières années. En dehors de Tôkyô, les villes d’Osaka, Nagoya, Yokohama et Kawasaki, entre autres, ont elles aussi leur lot de SDF. La plupart d’entre eux ont la cinquantaine, explique le P. Shimokawa : “Beaucoup ont été licenciés ou se sont retrouvés sans travail quand, suite à la récession, la société qui les employait a fait faillite.” Ils sont à la recherche d’un travail stable afin de ne plus dépendre des emplois qu’ils trouvent au jour le jour pour survivre.

Les membres du Nojiren, luttent pour rester unis et « lancent leur appel depuis la rue où ils vivent et non de derrière un bureau. Ils veulent que leur situation change mais les structures sociales font obstacle témoigne le prêtre qui assure que tous rêvent « d’une société sans SDF”. Pour réaliser cet objectif, dit-il, « il faut qu’ils restent unis, s’organisent eux-mêmes et soient capables de penser par eux-mêmes sans se laisser égarer par les mesures législatives à sens unique du gouvernement. Notre espoir est qu’un jour ils y parviennent” et puissent influencer les décideurs des instances gouvernementales.

Le groupe a organisé une « marche des SDF” de 1 500 km, de Tôkyô à Okinawa, pour faire pression afin que soit voté un projet de loi prenant en compte l’ensemble des SDF de l’archipel. Le 31 juillet dernier, les députés à l’unanimité ont fini par voter ce projet. Dorénavant, c’est au gouvernement et aux autorités locales de prendre des mesures pour leur fournir des occasions de travail stable, des soins médicaux et de prêter une assistance psychosociologique à ceux qui, sans être encore à la rue, risquent de s’y retrouver sous peu. Pour le P. Shimokawa, qui souligne que son engagement aux côtés des SDF a simplement consisté en un coup de main pour le démarrage du groupe, cette nouvelle loi est certes une bonne chose mais il reste à voir si elle pourra réellement changer les choses. Pour l’heure, il se réjouit de voir ce qu’ont obtenu les SDF du parc Miyashita et espère que leur exemple incitera d’autres SDF de par le Japon à prendre en main leurs problèmes.