Eglises d'Asie

La presse officielle rapporte en détail un nouveau procès de militants montagnards impliqués dans les troubles de février 2001

Publié le 18/03/2010




Les médias officiels du pays (1) ont fait mention d’un procès public qui s’est tenu le 22 octobre 2002 à Buôn Ma Thuôt, dans la province de Dak Lak, dans lequel étaient impliqués trois membres des minorités ethniques de la province (2), militants indépendantistes ayant participé aux manifestations de février 2001. Selon le compte-rendu des faits proposé par l’organe du parti communiste, Nhân Dân, le tribunal a condamné chacun des accusés à huit ans de prison suivis de deux ans de résidence surveillée.

L’accusation principale retenue contre eux et rapportée par la presse a été ainsi formulée : “avoir provoqué, entraîné et contraint leurs compatriotes à s’enfuir à l’étranger Se référant à l’acte d’accusation du ministère public, aux interrogatoires et aux aveux des coupables, les articles de la presse ont ainsi reconstitué l’ensemble des faits. En 2000 et au début de 2001, un certain nombre d’anciens membres du Front uni pour la libération des races opprimées (FULRO), exilés aux Etats-Unis, auraient contacté des anciens du mouvement encore au Vietnam et se seraient associés avec eux. Ils se seraient livrés à un travail de propagande, auraient incité à la révolte la population des minorités ethniques de Dak Lak. Rassemblés en grand nombre derrière eux, les habitants de la province ont troublé l’ordre public et la paix sociale, ont manifesté et, enfin, créé la “Nation Dega Le terme Dega est une appellation donnée à l’ensemble des populations des Hauts plateaux-du Centre-Vietnam, dans les documents diffusés par la “Montagnards Foundation” dont le siège est aux Etats-Unis. Le mot a été ainsi défini par le rapport de Human Rights Watch sur la répression des montagnards, paru en avril 2002 : (Pour les montagnards) il (le mot) connote le type particulier de christianisme qu’ils pratiquent et l’appellation de la patrie indépendante qu’ils recherchent. Le terme DEGA est aussi utilisé par les autorités vietnamiennes dans un sens péjoratif synonyme de rebelle” (3).

Après les troubles de févier 2001 à Buôn Ma Thuôt, un certain nombre de dirigeants du mouvement, parmi lesquels les trois accusés du récent procès de Buôn Ma Thuôt, à savoir le chef du groupe, Y Tim E Ban, né en 1968 dans le village de Dhap Rông et deux de ses compagnons, Y Coi B Krông, né en 1972 à Com Leo, et Y Thomas E Ya né en 1955 à Jang Du, auraient poursuivi leur lutte, associés aux exilés des Etats-Unis, et auraient mené des activités clandestines visant à saboter l’édification du socialisme dans le pays. Usant de propagande et de contrainte, ils auraient tenté de pousser leurs compatriotes à fuir à l’étranger. Au cours de l’année 2001, par deux fois, ils auraient conduit des groupes de montagnards du Vietnam au Cambodge. A la veille de Noël 2001, ils auraient fait une nouvelle tentative de franchissement illégal de la frontière, avec un groupe de 167 personnes. Sans donner d’autres détails, la presse officielle se contente de dire que leur complot a été déjoué par les garde-frontières vietnamiens et cambodgiens.

Le 7 octobre précédent, l’organe de la Sécurité publique, Công An Nhân Dân (Sécurité Populaire) du 7 octobre avait relaté le procès et la condamnation d’un autre militant montagnard du nom de Rlan Loa, appartenant à l’ethnie Jarai de la province de Gia Lai. Les faits qui lui étaient reprochés étaient analogues à ceux mentionnés dans l’accusation des trois militants de la province de Dak Lak. Il avait été condamné à une peine de neuf ans de prison suivis de cinq ans de résidence surveillée (4). Lui et le groupe qu’il conduisait avaient été arrêtés par la police cambodgienne alors qu’ils passaient la frontière, le jour de Noël 2001 et ramenés au Vietnam le 28 janvier suivant.

Il ne s’agit en rien des premiers procès de militants montagnards impliqués dans les troubles de février ou dans l’exode vers le Cambodge. Dès le mois d’avril 2001, le pouvoir avait annoncé son intention de poursuivre les “fauteurs de trouble” devant les tribunaux. Une information puisée dans l’Agence vietnamienne d’information et rapportée, le 18 avril, par plusieurs agences internationales mentionnait une déclaration de Y Luyên Niec Dam, secrétaire de la section provinciale du parti Communiste à Dak Lak, selon lequel onze personnes, accusées d’avoir fomenté les manifestations récentes, allaient être traduites devant le tribunal régional (5). Plus tard au mois de juin, la presse officielle indiquait encore qu’une quarantaine de personnes allaient être prochainement traduites en justice devant le tribunal populaire de Gia Lai.

Il a fallu attendre la fin du mois de septembre pour apprendre que les procès projetés avaient effectivement eu lieu et que de nombreuses condamnations avaient été portées. Le 27 septembre 2001, la presse officielle rapportait, sans plus ample information, qu’un procès qui n’avait pas été annoncé à l’avance s’était tenu la veille à Buôn Ma Thuôt (6). A son issue, des condamnations allant de 6 à 11 ans d’emprisonnement avaient été portées contre sept membres de la minorité ethnique Edé. Toutes avaient pour motif le sabotage de la sécurité nationale. Selon le porte-parole du tribunal, ce procès de Buôn Ma Thuôt devait être le premier d’une série d’autres qui devaient se tenir à Dak Lak et dans les provinces voisines de Gia Lai et de Kontum. Le lendemain 28 septembre, une autre annonce officielle faisait état d’une autre série de sept condamnés à l’issue d’un procès de deux jours qui s’était achevé le jeudi 27 septembre à Pleiku dans la province de Gia Lai. Les militants montagnards condamnés appartenaient aux ethnies Edé et Banhar. Le dirigeant du groupe avait été condamné à douze ans de prison. Les autres avaient écopé de peines allant de six à 11 ans de prison. Il a été précisé qu’au terme de leur emprisonnement, les accusés devraient encore purger de trois à cinq ans de résidence surveillée. Selon une dépêche de l’agence de langue vietnamienne, Vietcatholic News, publiée le 8 novembre, un tribunal du district de Ayun Pa dans la province de Gia Lai aurait infligé des sentences de prison à cinq militants appartenant à des ethnies minoritaires pour avoir violé l’ordre public et avoir gardé des personnes en otage (7).

Enfin, le 27 janvier 2002, l’Agence vietnamienne d’information (8) rapportait les procès de quatre militants jugés le 25 janvier dernier dans le district de Chu Se de la province de Gia Lai. Ils ont été condamnés à des peines allant de trois à six ans de prison pour avoir incité des habitants “innocents” appartenant aux ethnies minoritaires de la province à s’enfuir vers le Cambodge. Ces condamnations auraient été prononcées au cours de deux procès différents, qui ont eu lieu dans les villages de Siu Beng et de Siu Be. Les condamnés auraient été arrêtés en avril et mai 2001 alors qu’ils conduisaient des groupes de montagnards vers la frontière du Cambodge.